LEXINGTON, États-Unis : Dans les rues d'une petite ville du sud-est des Etats-Unis, en Virginie, des hommes en uniformes confédérés défilent, agitant le drapeau historique du Sud esclavagiste au milieu de bannières trumpistes.
Un siècle et demi après, la guerre de Sécession continue de hanter les esprits aux Etats-Unis, comme une blessure qui n'a jamais vraiment guéri.
«Continuez la lutte», exhorte Susan Lee, venue avec plusieurs centaines de sympathisants des anciens Etats confédérés honorer la mémoire de généraux sudistes à Lexington, un jour de janvier.
«Que Dieu protège le Sud», abonde-t-elle.
Entre 1861 et 1865, la guerre de Sécession, dite guerre civile aux Etats-Unis, a opposé des Etats du Sud (la Confédération) à ceux du Nord (l'Union), faisant 800.000 morts selon une estimation historique récente.
Si les Confédérés, farouchement opposés à l'abolition de l'esclavage, système sur lequel reposait leur économie, ont perdu, ils n'en restent pas moins des héros aux yeux de cette foule. Et non pas des traîtres ou des figures racistes, comme une grande partie du pays les considère.
Tout de gris vêtus ou habillées de robes d'époque, ces hommes et femmes entonnent en coeur «Dixie», hymne officieux des Etats confédérés dont le titre est depuis devenu un surnom donné au sud-est du pays.
«Nous n'avons pas besoin de la permission de politiciens parachutés et filous» pour rendre hommage à ce passé, lance Mme Lee.
Cette passion est loin d'être cantonnée à quelques férus d'histoire, spécialement à l'approche de l'élection présidentielle de novembre.
A Lexington, les bannières «Trump 2024» cohabitent ainsi avec les fusils d'époque et autres attirails du XIXe siècle. Les partisans de l'ex-président se plaisent en effet à se dire eux aussi en rébellion contre Washington.
Donald Trump a lui-même affiché sa sympathie pour l'héritage des Confédérés, qualifiant le général Robert Lee, chef de leur armée, de «génie», assurant que cette guerre aurait pu être «négociée» ou encore s'opposant à la décision de Joe Biden de renommer des bases militaires portant le nom de défenseurs de l'esclavage.
Bien que le conflit remonte à 160 ans, il trouve encore écho aujourd'hui.
«C'est vraiment le point de départ de nombreuses problématiques qui ont façonné l'histoire des Etats-Unis», explique à l'AFP la professeure d'histoire Nina Silber, de l'université de Boston.
- Répression et ségrégation -
Preuve de sa persistance: des rues et des villes dans le sud du pays portent encore les noms de figures confédérées et des monuments leur sont dédiés.
Certaines statues à leur effigie ont toutefois été retirées ces dernières années, sous l'impulsion de mouvements antiracistes. En décembre, un monument confédéré a ainsi été enlevé du cimetière national d'Arlington, dernière demeure de héros de guerre américains.
Mais le conflit a surtout laissé des traces dans les esprits.
Si la guerre civile a abouti à l'émancipation de quatre millions d'esclaves, les Afro-Américains ont continué à souffrir pendant près d'un siècle d'une répression et d'une ségrégation violentes qui ont contribué à ancrer profondément le racisme dans la société américaine, pointe Mme Silber.
Cette absence de rupture claire avec le passé a notamment été mis en lumière en décembre quand la candidate aux primaires républicaines Nikki Haley, ancienne gouverneure de Caroline du Sud, n'a pas mentionné l'esclavage lors d'une question sur les causes de la guerre de Sécession, suscitant une polémique.
«L'esclavage en était la cause. Il n'y a aucun doute là-dessus», a rétorqué en janvier le président Joe Biden, en visite dans cet Etat du sud-est.
- «Cause perdue» -
Si tous les participants au rassemblement de Lexington interrogés par l'AFP disent condamner l'esclavage, le qualifiant d'abject, ils défendent néanmoins leur droit de célébrer la Confédération.
Pour Susan Lee, les confédérés ont combattu l'Union non pas pour préserver l'esclavage mais pour protéger les droits des Etats et leurs valeurs.
Cette idée, qualifiée de mythe de la «cause perdue», est rejetée par les historiens.
Cela fait «partie de notre héritage d'avoir des ancêtres confédérés et de continuer à croire dans la cause aujourd'hui», explique à l'AFP Chuck Dransfield, autre participant à la parade.
Observant les affiches pour Donald Trump, ce fonctionnaire à la retraite ajoute: «Pour l'essentiel, son programme (...) s'aligne avec le nôtre.»
Les Américains sont à nouveau divisés, reconnaît-il. «Et je ne pense pas que nous nous unirons un jour... Du moins pas de mon vivant».