Turquie: Un an après, la précarité et l'angoisse du prochain séisme

Un homme se tient près des décombres d'immeubles à Kahramanmaras, le 18 janvier 2024 (Photo, AFP).
Un homme se tient près des décombres d'immeubles à Kahramanmaras, le 18 janvier 2024 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 28 janvier 2024

Turquie: Un an après, la précarité et l'angoisse du prochain séisme

  • Soixante-cinq secondes et 50000 vies englouties dans les ruines de leur quotidien
  • Un an après le séisme du 6 février 2023, qui a dévasté le sud de la Turquie, les survivants sont installés dans une précarité qui s'éternise

ISTANBUL: Soixante-cinq secondes et 50.000 vies englouties dans les ruines de leur quotidien.

Un an après le séisme du 6 février 2023, qui a dévasté le sud de la Turquie, les survivants sont installés dans une précarité qui s'éternise et le pays, assis sur deux failles majeures, redoute déjà le prochain.

Avant le lever du jour, une secousse de magnitude 7,8 ressentie jusqu'à l'Egypte sème panique et désolation dans onze des provinces turques.

"J'avais 3.700 électeurs inscrits, ils ne sont plus que 1.300. On n'a aucune école", constate un an plus tard Ali Karatosun, le muhtar (maire) d'un district de Kahramanmaras, non loin de l'épicentre.

À Hatay, la province de l'antique Antioche, moins de 250.000 habitants vivent dans la poussière et le désarroi sur les 1,7 million d'avant la catastrophe, selon les responsables locaux, avec un sentiment de perte irrémédiable.

"Notre Hatay n'existe plus", déplore Mevlude Aydin, qui a perdu une dizaine de proches.

Selon les autorités, 850.000 logements, bureaux et autres constructions ont été anéantis ou endommagés, sans compter les routes, ponts, hôpitaux et écoles.

307000 logements

Rapidement, le président Recep Tayyip Erdogan, accusé d'avoir tardé à mobiliser les secours, a promis 650.000 nouveaux logements dans l'année.

Onze mois plus tard, la construction de 307.000 logements a été lancée, dont 46.000 sont prêts à être livrés, selon le ministère de l'Environnement et de l'Urbanisation.

En attendant, les familles qui n'ont pu se reloger par leurs propres moyens sont hébergées dans des alignements de conteneurs de trois mètres sur sept, avec eau et électricité gratuites mais parfois sans moyens de transport ni emplois.

Selon la Fondation pour la recherche sur les politiques économiques (Tepav), la province d'Hatay a perdu lors du séisme sa capacité de construction d'une décennie.

Dans un rapport sur les conséquences économiques du sinistre, Tepav prédit que le coût de la reconstruction et de la réhabilitation, estimé à 150 milliards sur cinq ans, "aura un impact négatif substantiel de long terme sur l'économie turque, la croissance et l'emploi".

Or les provinces affectées, qui accueillaient la moitié des quelque 3,5 millions de réfugiés syriens, se situaient déjà dans le bas de l'échelle nationale des revenus et du développement.

A Kahramanmaras, à 50 km de l'épicentre du séisme, Kadir Yeniceli, retraité de 70 ans, arrondissait sa maigre pension en vendant des crèmes glacées.

"Pas d'argent, pas d'emploi, on est loin du retour à la normale, les gens ne savent pas quoi faire. L'Etat doit nous aider", dit-il.

Malgré le risque sismique élevé, la population a payé la piètre qualité des constructions et la cupidité des promoteurs.

Des immeubles construits n'importe où à moindre coût se sont effondrés parfois en quelques secondes, comme la cité Ebrar à Kahramanmaras (1.400 morts) ou la luxueuse résidence Rönesans à Antakya qui s'est couchée sur ses centaines d'habitants.

«Pansements»

Or à ce jour, les rares poursuites engagées, une poignée de procès ouverts, épargnent les responsables qui ont délivré des permis de construire à tout-va.

Hélas, assurent les experts interrogés par l'AFP, la Turquie n'est pas mieux préparée aujourd'hui à faire face à un nouveau séisme.

"Il faudrait aller bien au-delà de quelques mesures pansements, et entreprendre une refonte fondamentale de la gestion des catastrophes", assène le Pr Mikdat Kadioglu, spécialiste de la gestion des risques au département d'ingénierie de l'Université technique d'Istanbul (ITU).

L'expert ne cache pas son amertume: "même si de nouveaux bâtiments sont construits conformément aux règles antisismiques, sans étude des sols et/ou sur des terrains inappropriés, tels que le lit de rivières, ils continueront de s'effondrer".

Dilfuroz Sahin, présidente de la Chambre d'urbanisme à Diyarbakir dont dépend un large sud-est, dénonce "la densité de constructions illégales, le manque de contrôles" et le nombre d'amnisties octroyées par le passé aux promoteurs véreux.

Mais elle veut croire que "chacun a retenu la leçon": "maintenant on conduit des études géologiques et les zones à risques sont identifiées, les cartes sismiques actualisées (...) les inspections sont plus strictes, les inspecteurs plus nombreux".

Une confiance que le Pr Zihni Tekin, ingénieur et consultant, ne partage pas, d'autant moins que le président Erdogan a été reconduit en mai à la tête du pays.

"Le problème ne saurait être résolu par une classe politique bigote et sans instruction" - allusion au parti islamo-conservateur AKP au pouvoir - et des "personnes complètement corrompues et ignorantes".


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.


Royaume-Uni: Premiers migrants arrêtés avant leur expulsion vers le Rwanda, d'autres campent à Dublin

Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda  (Photo, AFP).
Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda (Photo, AFP).
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  • L'adoption d'une loi permettant l'expulsion des migrants vers le Rwanda a déclenché leur départ du Royaume-Uni
  • Une centaine de tentes ont poussé devant l'Office, depuis que le gouvernement irlandais a cessé il y a quelques mois de fournir un hébergement aux demandeurs d'asile

LONDRES: Les premiers migrants susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention, a annoncé mercredi le ministère britannique de l'Intérieur, sans préciser le nombre de personnes concernées.

"Les premiers migrants en situation irrégulière devant être expulsés vers le Rwanda ont été placés en détention à la suite d'une série d'opérations menées cette semaine à l'échelle nationale", écrit le Home Office dans un communiqué.

Davantage d'arrestations "devraient être menées dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.

"Cette action est un élément clé du plan visant à assurer des vols vers le Rwanda dans les neuf à onze semaines à venir", a poursuivi le ministère.

Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak a promis de mettre un terme aux traversées de la Manche par les migrants clandestins.

Le Parlement a adopté la semaine dernière une loi très controversée permettant d'expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Leur demande d'asile sera examinée dans ce pays d'Afrique de l'Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l'issue de leur démarche.

Le gouvernement compte commencer les expulsions au début de l'été et espère qu'elles dissuaderont d'autres migrants de venir au Royaume-Uni.

Cette politique "montrera clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pouvez pas rester", redit le ministère de l'Intérieur dans son communiqué.

"Nos équipes (...) travaillent à un rythme soutenu pour arrêter rapidement les personnes qui n'ont pas le droit d'être ici, afin que nous puissions faire décoller les vols", a déclaré le ministre de l'Intérieur James Cleverly, cité dans le communiqué.


L'ONG HRW critique l'application mobile pour demander l'asile à la frontière mexicano-américaine

Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières
  • Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application

WASHINGTON: L'obligation pour les demandeurs d'asile aux Etats-Unis d'obtenir un rendez-vous sur une application mobile avant de se présenter à la frontière avec le Mexique livre les migrants à la violence des cartels, déplore mercredi Human Rights Watch (HRW).

Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières ou s'être vu refuser l'asile dans un des pays traversés. Autrement, leur demande est présumée illégitime et ils risquent une procédure d'expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l'entrée aux Etats-Unis.

Cette réglementation fait suite à la levée par l'administration du président démocrate Joe Biden d'une mesure de son prédécesseur républicain Donald Trump qui verrouillait depuis trois ans l'accès au territoire américain.

"Mais un résultat pratique reste le même pour les demandeurs d'asile", affirme HRW dans un rapport publié mercredi : pendant de longues semaines, voire des mois, "ils sont forcés d'attendre dans le nord du Mexique, ainsi que dans beaucoup d'autres villes ailleurs au Mexique par lesquelles transitent les migrants".

Systématiquement visés 

Ils y sont "systématiquement visés par les cartels qui, parfois avec l'aide de responsables des autorités mexicaines, les enlèvent, les rackettent, les agressent sexuellement et les dévalisent", énumère l'ONG.

L'exigence de prise de rendez-vous sur l'application crée un "filtrage numérique", qui livre "aux cartels une population vulnérable", selon le rapport, établi à partir d'interviews avec 128 demandeurs d'asile, des employés de centres d'accueil, des responsables mexicains et des employés d'organisations humanitaires.

Bien que l'inscription pour un rendez-vous sur l'application ne soit en principe pas obligatoire, dans les faits, les demandeurs qui se présentent à la frontière sans l'avoir préalablement obtenue sont éconduits par les autorités frontalières mexicaines et américaines, indique HRW.

Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application, notamment matérielles, techniques, ou linguistiques. L'application n'est ainsi disponible qu'en anglais, en espagnol et en créole haïtien.

Ces pratiques "violent le principe juridique fondamental de non-refoulement" des demandeurs d'asile vers des pays où leur vie ou leur liberté serait en danger, souligne l'ONG.

Elle exhorte donc l'administration Biden à donner instruction à la police des frontières de traiter toutes les demandes d'asile, indépendamment de la façon ou du lieu de dépôt, ainsi que de l'obtention d'un rendez-vous via l'application "CBP One" de la police des frontières.

Human Rights Watch lui suggère en outre d'en améliorer l'accessibilité et la facilité d'utilisation, y compris par l'ajout d'autres langues, comme l'arabe, le français, le russe, le chinois, le portugais, et de langages amérindiens.