La France périphérique sous la loupe des écrivains

Triste décor dépeignant l’idée qu’on se fait de la «France moche», près de Saint Bonnet de Mure le 9 janvier (Photo, AFP).
Triste décor dépeignant l’idée qu’on se fait de la «France moche», près de Saint Bonnet de Mure le 9 janvier (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 26 janvier 2024

La France périphérique sous la loupe des écrivains

  • Il avait fallu du temps, au XIXe siècle, pour que l'industrie accède aux honneurs du roman en France
  • Les personnages de la littérature française contemporaine qui traversent parfois cette France s'y arrêtent le moins possible

PARIS: Quels écrivains s'intéressent réellement à "la France moche" ? Cette expression née sous la plume d'un journaliste pour décrire de tristes décors n'a fait jusqu'ici qu'une entrée timide en littérature, pourtant souvent au chevet de la France périphérique.

Il avait fallu du temps, au XIXe siècle, pour que l'industrie accède aux honneurs du roman en France. Il en faut encore pour qu'y arrivent les zones commerciales et infrastructures sans charme qui ont poussé en périphérie des villes petites et moyennes à partir des années 1970.

Michel Houellebecq l'avoue en 2017 à la télévision: "la deuxième France dont vous parlez, la France périphérique, qui hésite entre Marine Le Pen et rien, je me suis rendu compte que je ne la comprenais pas, je ne la voyais pas, et que j'avais perdu le contact. Et ça, quand on veut écrire des romans, je trouve que c'est une faute professionnelle assez lourde".

Il se rattrape dans "Sérotonine", en 2019. Nous voici en banlieue de Caen: "en passant le périphérique Nord, puis en longeant le CHU, je pris conscience que nous entrions dans une ZAC sinistre, surtout constituée de bâtiments bas, en tôle ondulée grise; l'environnement n'était même pas hostile, il était juste d'une neutralité effrayante".

Le protagoniste parle d'"environnement périurbain hardcore", décor fugace de ce roman.

La littérature de la "France moche" n'existant pas vraiment, ses experts non plus. Timo Obergöker, un Allemand professeur de littérature française à l'université de Chester (Grande-Bretagne), s'est intéressé à une notion qu'on lui associe fréquemment: la France périphérique.

«Pas très vendeur»

"Le terme en tant que tel n'est pas très vendeur", fait-il remarquer à l'AFP. "On va rarement en librairie en se disant: je vais acheter un bouquin sur la France périphérique".

C'est ainsi que la presse a lu Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour "Leurs enfants après eux". Cet auteur ne qualifierait pourtant jamais la France où il a grandi, la Lorraine désindustrialisée, de moche.

Quand une usine devient une friche, "c'est assez beau, crépusculaire; sinistre aussi", déclarait-il au Figaro en 2019. "Dans ces endroits, les gens sont contents d'être là (...) Ils y sont nés, y ont leurs habitudes, ils y fréquentent les gens qu'ils aiment".

Rare écrivain à oser cette expression de "France moche": Danièle Sallenave, de l'Académie française.

Dans "Jojo, le Gilet jaune" en 2019, elle relève, chez l'élite culturelle, "la dénonciation ambiguë de la +France moche+, de ses pavillons avec leurs haies de thuyas et leurs bagnoles diesel rangées devant".

Les personnages de la littérature française contemporaine qui traversent parfois cette France s'y arrêtent le moins possible. Peu y travaillent comme la narratrice d'"En salle" (2022) de Claire Baglin, salariée d'un McDonald's.

Que ces personnages y fassent leurs courses semble trop prosaïque pour être raconté... sauf chez Annie Ernaux. Quand la romancière décrit en 2014 le quotidien d'un hypermarché (Auchan, à Cergy) dans "Regarde les lumières, mon amour", ce livre court est l'un de ses moins lus.

"On pourrait certainement écrire des récits de vie au travers des grandes surfaces commerciales fréquentées. Elles font partie du paysage d'enfance de tous ceux qui ont moins de cinquante ans", y avance la prix Nobel.

Lieu de relégation ?

Scène plus typique: dans la romance "J'irai voler ton cœur à Noël" d'Emily Blaine, en 2023, l'héroïne s'égare dans la France moche. "Je tripotai le GPS, tentant de ne pas me perdre dans les rues sans âme de la zone commerciale".

Risque de heurter les sensibilités aussi ? Dépeindre cette France "moche" implique de la situer, donc de la stigmatiser. Houellebecq a choqué toute une cité en faisant dire au protagoniste de "Sérotonine", au détour d'une phrase, qu'il arrivait "à Niort, une des villes les plus laides qu'il m'ait été donné de voir".

En 2022, une autre star de la littérature française, Éric Reinhardt, signe le plaidoyer: "La France moche, la France que j'adore".

Il revendique d'en être originaire, en banlieue parisienne. Dans Télérama il loue le travail de deux photographes, Eric Tabuchi et Nelly Monnier, sur "la France dans ce qu'elle a d'immédiat, de modeste, parfois de drôle (...) pas la France que mitraillent les appareils photo des touristes".

Mais Reinhardt ne la fait pas aimer dans le roman qu'il publie l'année suivante, "Susanne, Sarah et l'écrivain".

L'héroïne, après avoir laissé à son mari le bel appartement familial de Dijon, se retrouve en banlieue, à Longvic. Elle y déprime: "ses fenêtres donnaient sur une maussade rangée de garages et un jardin rudimentaire qui descendait jusqu'au canal, au-delà duquel se profilait un dépôt pétrolier". Sa renaissance passera par un retour dans les beaux quartiers.


Le pianiste Igor Levit va donner un concert de plus de 16 heures à Londres

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
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  • Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance"
  • "Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée

LONDRES: Le pianiste Igor Levit va donner jeudi et vendredi à Londres un concert unique, prévu pour durer plus de 16 heures, en jouant en solo "Vexations" d'Erik Satie, sous la direction de l'artiste Marina Abramovic, connue pour ses performances radicales.

Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance".

"Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée. Elle se traduit ainsi par une performance durant entre 16 et 20 heures. Habituellement, plusieurs pianistes se succèdent pour jouer ce morceau sans interruption.

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19.

C'est la première fois qu'il va jouer ce morceau en intégralité en public.

Le public va être "témoin (d'un moment) de silence, d'endurance, d'immobilité et de contemplation, où le temps cesse d'exister", a commenté Marina Abramovic, artiste serbe de 78 ans. "Igor interprète +Vexations+ avec des répétitions infinies, mais une variation constante", a-t-elle ajouté.

Le rôle de Marina Abramovic, connue pour ses performances qui poussent les spectateurs dans leurs retranchements, est de "préparer le public à cette expérience unique".

Erik Satie avait lui écrit à propos du morceau à l'adresse des pianistes: "Pour jouer 840 fois de suite ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses".

Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, Igor Levit a encouragé son public à "se laisser aller". "C'est juste un espace vide, alors plongez dedans", a-t-il dit.

Les spectateurs pourront assister au concert soit pour une heure soit dans sa totalité. Il commencera jeudi à 10H00 (09H00 GMT).


Les Marionnettes enchantent Dubaï: une scène multilingue et inclusive pour les enfants

Les Marionnettes mise sur la créativité, l'inclusion et la découverte, loin des écrans. (Photo: fournie)
Les Marionnettes mise sur la créativité, l'inclusion et la découverte, loin des écrans. (Photo: fournie)
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  • Depuis son ouverture, Les Marionnettes propose des spectacles en anglais, français, arabe, et récemment en russe
  • «On veut que chaque enfant puisse s’identifier à ce qu’il voit sur scène, peu importe sa langue», explique Gabriella, la fondatrice

DUBAÏ: À Dubaï, dans un paysage dominé par les écrans et les technologies dernier cri, un petit théâtre de marionnettes attire l’attention des familles en quête d’activités culturelles pour leurs enfants. Fondé par Gabriella Skaf, Les Marionnettes propose une expérience ludique, éducative et multilingue qui séduit aussi bien les enfants que leurs parents.

Une idée née d’un besoin personnel

Gabriella Skaf, franco-libanaise et ancienne juriste en droit bancaire, a quitté les salles d’audience pour donner vie à un tout autre théâtre: celui des marionnettes.

«J’ai toujours rêvé de créer quelque chose qui me ressemble, mais je n’avais pas encore trouvé la bonne idée», confie-t-elle avec sincérité.

C’est lors de vacances en France que tout a commencé: «Nous emmenions souvent nos enfants voir des spectacles de marionnettes, et ils étaient fascinés. Mon fils n’avait même pas deux ans, mais il restait captivé du début à la fin. À Dubaï, rien de tel n’existait», raconte Gabriella.

De retour aux Émirats, elle décide alors de donner vie à ce manque. «Au départ, c’était une petite idée… Puis les choses se sont enchaînées: nous avons trouvé un local, pris contact avec des marionnettistes en France, et après plusieurs mois de préparation, le théâtre a ouvert ses portes en novembre 2024.»

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Les Marionnettes propose des spectacles interactifs pour enfants en plusieurs langues (français, anglais, arabe, russe…).

Une programmation multilingue et interactive

Depuis son ouverture, Les Marionnettes propose des spectacles en anglais, français, arabe, et récemment en russe. «On veut que chaque enfant puisse s’identifier à ce qu’il voit sur scène, peu importe sa langue», explique Gabriella.

Le théâtre offre deux formats principaux:

  • Les spectacles de marionnettes, qui durent environ une heure avec une pause au milieu.
  • Le storytelling, plus court (30 minutes), où un animateur lit un livre, parfois accompagné de marionnettes, suivi d’une activité créative comme du bricolage, du dessin ou la fabrication de masques.

«L’objectif, c’est de rendre la lecture vivante et de faire participer les enfants. On essaie aussi de varier les langues: italien, arabe, français, russe… bientôt l’espagnol.»

Une activité éducative qui séduit les écoles

Les écoles ont rapidement adhéré au concept. «Les retours sont extrêmement positifs, confie Gabriella. Les enseignants apprécient le fait que ce soit à la fois pédagogique et ludique. Les enfants participent activement, posent des questions, interagissent avec les marionnettes… et surtout, ils gagnent en confiance.»

La différence entre les visites scolaires et familiales est notable. «À l’école, les enfants sont plus calmes, attentifs, et respectent davantage les consignes. Lorsqu’ils viennent avec leurs parents, ils se montrent plus spontanés, plus libres… mais tout aussi enthousiastes. Ce sont deux énergies différentes, et chacune a son charme.»

Les enfants sont encouragés à s’exprimer pendant les spectacles. «Les marionnettes posent des questions, les enfants répondent. Même les plus timides finissent par participer.»

Un message fort autour de l’inclusion

Le 30 avril, Les Marionnettes lancera un spectacle inédit en partenariat avec Sanad Village, une organisation qui accompagne les enfants à besoins spécifiques. «C’est une histoire sur l’inclusion. Le but, c’est d’apprendre aux enfants à accepter les différences, à être gentils et ouverts aux autres», explique Gabriella.

Le spectacle sera présenté en anglais, en français et en arabe, et proposé aux écoles ainsi qu’au grand public.  C’est un sujet important. On veut que les enfants comprennent qu’il ne faut pas avoir peur de ce qui est différent.»

Une ambition régionale

L’objectif de Gabriella ne s’arrête pas à Dubaï. «On aimerait bien développer le concept dans d’autres pays de la région: Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Liban. Il existe un véritable besoin pour ce type d’activité culturelle.»

Pour rendre le projet plus mobile, un théâtre itinérant est en préparation. «On pourra l’emmener dans les écoles, dans d’autres villes, et même l’utiliser pour des événements privés ou des anniversaires.»

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Gabriella Skaf - Fondatrice, Les Marionnettes. (photo: fournie)

Une programmation à découvrir en famille

Les spectacles ont lieu les week-ends – vendredi, samedi et dimanche – tandis que les séances de storytelling se déroulent en semaine. Une activité pour les tout-petits, appelée «Bright Minds», est aussi proposée le lundi matin.

«Le programme change chaque mois et on publie les détails chaque semaine sur notre site et nos réseaux sociaux. Les gens peuvent réserver en ligne ou acheter leurs billets sur place», précise Gabriella.

Prochaine étape: un club de lecture pour enfants, des ateliers théâtre et même des cours pour apprendre à créer ses propres marionnettes.


Les îles Farasan célèbrent l'arrivée annuelle du hareng

Le poisson haridé, ou poisson-perroquet, est une espèce diversifiée qui vit dans les récifs coralliens et joue un rôle clé dans l'écosystème marin. (SPA)
Le poisson haridé, ou poisson-perroquet, est une espèce diversifiée qui vit dans les récifs coralliens et joue un rôle clé dans l'écosystème marin. (SPA)
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  • Les côtes des îles Farasan sont chaque année le théâtre d'une arrivée massive de poissons harid qui voyagent pendant des mois de l'océan Indien à la mer Rouge, en passant par la mer d'Arabie.
  • Le harid, également appelé « poisson-perroquet », est une espèce diversifiée qui vit dans les récifs coralliens et joue un rôle clé dans l'écosystème marin. 

RIYAD : Les côtes des îles Farasan sont chaque année le théâtre d'une arrivée massive de poissons harid qui voyagent pendant des mois de l'océan Indien à la mer Rouge, en passant par la mer d'Arabie.

Le harid, également appelé « poisson-perroquet », est une espèce diversifiée qui vit dans les récifs coralliens et joue un rôle clé dans l'écosystème marin. 

Reconnaissable à son bec de perroquet et à ses couleurs vives, le harid prospère dans les habitats riches en coraux, avec plus de 90 espèces, chacune ayant des formes et des couleurs uniques.

Farasan, un groupe d'îles coralliennes situées à 40 km de la côte de Jazan, devient le site de cet événement naturel lorsque de vastes bancs de poissons harid se rassemblent, selon l'agence de presse saoudienne. 

Les habitants peuvent prédire l'arrivée du poisson grâce à une odeur distincte qui se dégage de la mer après le coucher du soleil, le 15^e jour du mois lunaire.

La pêche annuelle au harid, célébrée à la fin du mois d'avril, est une tradition qui reflète l'héritage culturel des îles et qui fait la joie des habitants des îles Farasan depuis des siècles.

Reconnaissant l'importance culturelle et touristique de cette pêche, le prince Mohammed bin Nasser, gouverneur de Jazan, a inauguré le premier festival du harid des îles Farasan en 2005.

La 21^e édition du festival a été lancée lundi, mettant en avant les îles comme une destination prometteuse pour les touristes et les investisseurs. 

Le festival met en avant les coutumes, les traditions, les jeux folkloriques, l'artisanat et les sites historiques uniques de Farasan, tout en présentant l'artisanat local, comme les pièges à pêche, le tissage de palmiers, la création de sacs et de tapis, ainsi que le tricotage de chapeaux. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com