PARIS : La Fashion week masculine, qui s'achève dimanche à Paris, a donné lieu à peu de prise de risque mais a confirmé le statut de la ville comme capitale commerciale et artistique pour les grandes maisons sommées de faire le show.
- Une dérangeante étrangeté chez Rick Owens
C'est, de l'avis général des experts de la mode, «la claque» de cette Fashion week et peut-être même des dernières années.
Dans son appartement en travaux au centre de Paris, le créateur américain a invité un public ultra-restreint à voir se mouvoir des créatures anxiogènes, pupilles noires dilatées, échasses et épaules pagodes plus hautes que leurs têtes.
La pièce entêtante de ce défilé fut la botte gonflée en latex noir, entre préservatif et ogive de missile, dans des proportions «grotesques et inhumaines, un cri face aux comportements humains les plus barbares», selon la note d'intention.
Les hommes de Rick Owens, comme une clique d'aliens mal à l'aise sur Terre, ouvrent une des portes les plus philosophiques de la semaine.
- Pharrell Williams, star du show
En lancement de la Fashion week, le show de la coqueluche du groupe LVMH, le chanteur désormais designer Pharrell Williams, dans un cube blanc au pied de la Fondation Vuitton, marquait une nette inflexion dans le grandiose par rapport aux premiers pas du créateur.
Le jam «Good People», collaboration de Pharrell Williams avec le groupe folk britannique Mumford & Sons sur la scène, est déjà un tube. Quant au costume de cow-boy, il s'annonce comme la tendance qui infusera le prêt-à-porter en 2025.
- Le ballet sensuel et discipliné de Dior
Le défilé Dior Homme par Kim Jones a rendu hommage à l'icône de la danse Rudolf Noureev, honorant le balletcore, l'esthétique du ballet, avec des hommes fragiles et radieux dans des costumes de scène précieux.
Sous un ciel d'étoiles lumineuses, les cuivres du compositeur Sergueï Prokofiev ont lancé le ballet rythmé des mannequins au son de la pompeuse «Danse des cavaliers» de Roméo et Juliette. La scène tournait sur elle-même, et trente modèles se tenaient en cercle se surélevant du milieu, comme une boîte à musique.
Le final, cette scène pivotante comme dans les plus grands opéras, a déclenché une des quelques standing-ovations de la semaine.
- La bande de Yamamoto débroie le noir
Comme une dernière et très émouvante réunion de famille ? Le créateur japonais Yohji Yamamoto, 80 ans, a célébré l'esprit bohème et la liberté créatrice, dans une ambiance de chapeaux feutre et de grands manteaux de vagabonds.
Dans cette ode à la nonchalance artistique, il a fait défiler ses amis de toujours, comme le cinéaste Wim Wenders. La figure du cinéma indépendant allemand est arrivée sur scène dans une tenue de hobo américain débraillé, couleur noir encre.
Pour parfaire la magie, au premier rang, un homme dont l'aura perturbait presque le défilé: Zinédine Zidane dans un costume Yamamoto, baggie à poche, chaussures compensées et veste kimono, déroutant pour le footballeur.
- Balmain célèbre la «blackitude»
«Les gens disent parfois que ma mode est légère, mais moi, j'ai envie d'apporter de la joie. Je ne veux pas être le porte-parole du tourment», confiait Olivier Rousteing au Monde en pleine préparation de sa collection, une rutilante ode à la «blackitude», aux looks voguing, et à la sape africaine, avec Naomi Campbell en clôture du défilé.
Sur de la trap africaine, une cinquantaine de mannequins, quasiment tous racisés et en majorité noirs, ont revisité dans une version glamour les classiques de la sape, du cabas de course, ici en doré intégral, au costume de fripe. Les looks ont été conçus comme irrésistibles et irradient de strass et d'or, jusqu'à une chemise métallique, bouches rouges perlées et bijoux de visage.
Loin de l'esthétique classique et intemporelle, affichée par ses pairs.