La situation au Soudan s’étant détériorée, il n’y avait pas d’autre choix que d’armer la population pour faire face à l’avancée des Forces de réaction rapide – une décision qui ne fait que signifier la déclaration officielle du chaos et de la guerre civile.
Après huit mois de combats acharnés entre l’armée et les Forces de réaction rapide, et après que ces dernières ont pris le contrôle d’une grande partie du pays, les appels officieux et les mesures officielles qui visent à armer la population dans les zones contrôlées par l’armée soudanaise se multiplient. Cela a conduit à une prolifération des armes et à une complexité accrue, surtout si l’on considère que selon les statistiques officielles publiées il y a environ cinq ans, soit quatre ans avant le début du conflit actuel, il y a environ cinq millions d’armes entre les mains de la population.
L’expérience historique, que ce soit dans ce pays arabe ou ailleurs, montre que la prolifération généralisée des armes dans n’importe quel pays peut transformer les civils en bandes ou en victimes. Surtout, elle ouvre la porte à une fin tardive des guerres civiles et des conflits.
L’histoire récente du Soudan met en lumière la tragédie de l’armement de la population dans la région du Darfour, où l’implication d’éléments civils dans le conflit en cours aurait entraîné la mort de plus d’un quart de million de personnes et le déplacement de quelque deux millions et demi d’autres.
La crise soudanaise présente des aspects notables, notamment l’échec répété des efforts diplomatiques impliquant des puissances régionales telles que l’Arabie saoudite, qui a à cœur la sécurité et la stabilité du Soudan. De nombreuses nations africaines ont également participé à ces efforts. Il semble que les intentions des deux parties jouent un rôle crucial dans ces échecs continus.
On constate que les parties qui s’affrontent proclament leur désir de paix au monde extérieur, mais que, en réalité, les chefs de l’armée soudanaise, en particulier, rejettent tous les accords et imposent des conditions qui ne conviennent pas à des dirigeants désireux de rétablir la sécurité et la paix dans leur pays.
Et comment ne pas penser aux milliers de victimes et à la souffrance de millions de personnes déplacées et réfugiées au Soudan?
Lorsque le général Burhan, commandant de l’armée soudanaise, appelle la population à soutenir les forces armées, c’est sans doute manquer de sagesse et de raison. Devant l’incapacité de l’armée à assurer la sécurité, la solution ne peut être d’entraîner la population dans ce conflit permanent. Même si l’idée de résistance populaire inventée par Burhan apporte un soutien à l’armée, elle ne garantit pas le rétablissement de la stabilité. La prolifération des armes ne signifie rien d’autre que la propagation du chaos, l’absence de loi et d’ordre et la transformation du Soudan en un champ de bataille public.
Des milices pourraient émerger, en concurrence les unes avec les autres, ou s’unir et peut-être affronter l’armée qui voulait les armer.
Certains prétendent que les citoyens soudanais s’engagent volontairement dans l’armée pour défendre leur région, mais, en réalité, c’est le général Burhan lui-même qui a est à l’origine de l’idée d’armer les civils et lui a donné un sceau officiel d’approbation.
C’est en raison de sa façon de couvrir les échecs politiques et militaires et d’amener le Soudan tout entier au bord d’un volcan que le pays pourrait entrer en éruption, surtout si l’on tient compte des tensions et des facteurs explosifs qui caractérisent le Soudan. En effet, cet État connaît de vives tensions ethniques et raciales qui exigent que de telles solutions désastreuses soient écartées coûte que coûte et ne soient jamais mises en œuvre ni médiatisées par ceux qui sont considérés comme les garants de la sécurité et de la stabilité dans le pays.
Politiquement, il est clair que Burhan évite les solutions diplomatiques et donne à son rival, le lieutenant-général Mohamed Hamdan Dagalo, une excellente occasion de gagner en crédibilité dans la région. Il devient de plus en plus évident que Burhan n’a pas la vision claire d’une solution ni de perspectives claires, ou même vagues, pour l’avenir proche. Il est devenu un outil manipulé par des doigts cachés, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’establishment militaire. L’apparition du général Dagalo en civil et sa récente tournée en Afrique ont établi de nouvelles normes pour la gestion de la crise au Soudan.
L’homme a fait preuve d’une grande souplesse dans la recherche d’une solution politique, surtout après les signes de rapprochement avec les dirigeants de la société civile. Cela a conduit à des gains politiques tandis que ses forces progressaient sur le plan militaire.
Entre-temps, le général Burhan évite de répondre aux efforts de médiation et s’en prend même aux pays qui ont accueilli son rival, les accusant d’hostilité envers le Soudan. Il oublie que ces pays, dont l’Ouganda, Djibouti, le Kenya, l’Éthiopie et l’Afrique du Sud, sont d’une importance vitale pour le Soudan.
La crise au Soudan devient de plus en plus complexe et les dirigeants de l’armée abordent la question avec un état d’esprit qui manque de logique et de sagesse et qui est dominé par les préjugés personnels, les émotions, le manque de jugement et le scepticisme. Cela a conduit à une détérioration des relations entre leur pays et la plupart des États africains et arabes.
Le Soudan entre donc dans une nouvelle phase de conflit dont on ne voit pas la fin dans un avenir proche. Il est difficile de construire des attentes cohérentes basées sur l’approche de Burhan et ses amis pour faire face à la réalité avec la sagesse et la raison qu’imposent les souffrances du peuple soudanais dans des conditions de déplacement, de fuite et de survie.
Le conflit entre les deux généraux au Soudan se caractérise par le fait qu’il n’y a pas de lumière au bout du tunnel.
Malheureusement pour les Soudanais, ce conflit a non seulement disparu de l’agenda international, mais il a été complètement oublié, comme beaucoup d’autres qui ne n’attirent plus l’attention en raison de la prédominance d’autres crises, en particulier la guerre actuelle entre Israël et le mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza.
Salem AlKetbi est un politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.