PARIS: Après le remaniement, Gabriel Attal a eu droit mardi à ses premiers affrontements à l'Assemblée nationale, lors d'une rentrée parlementaire au calendrier incertain, dans la configuration toujours électrique de la majorité relative.
"Ceci n'est pas un remaniement, c'est un effondrement", a attaqué la cheffe du groupe LFI Mathilde Panot, pour la première séance de questions au gouvernement de l'année. L'Insoumise a reproché au nouveau Premier ministre son "arrogance de classe", en taxant ses ministres "d'invertébrés politiques".
"Je ne regarde pas les gens pour ce qu'ils sont mais ce qu'ils font", a rétorqué M. Attal, cinq jours après la nomination des sarkozystes Rachida Dati au ministère de la Culture et Catherine Vautrin au Travail et à la Santé.
"Je préfère travailler avec Rachida Dati et Catherine Vautrin qu'avec Jean-Luc Mélenchon", a-t-il lancé quelques minutes plus tard au patron des députés PS Boris Vallaud.
Si, comme Elisabeth Borne, il ne se soumet pas à un "vote de confiance", la gauche lui promet déjà une motion de censure.
En attendant, c'est une "semaine en faux plat", avec "des séances annulées", "une moitié du gouvernement" tant que les secrétaires d'Etat ne sont pas nommés, "c'est très curieux", résume la socialiste Valérie Rabault, vice-présidente de l'Assemblée nationale.
"On a l'impression qu'on va avoir un agenda assez allégé et que le gouvernement a peur de se retrouver face à l'Assemblée", estime-t-elle.
Débarquée, l'ex-Première ministre Elisabeth Borne avait été usée par l'absence de majorité absolue, entre les 49.3 à répétition pour faire passer les budgets sans vote et le bras de fer sur les retraites et l'immigration.
La donne de l'Assemblée nationale ne change pas pour Gabriel Attal, mais "ça va être un peu moins laborieux qu'Elisabeth Borne avec ses fiches et son air glacial", lâche la porte-parole du groupe RN Laure Lavalette. Mais ce remaniement, "c'est la prime aux mauvais ministres, Le Maire, Darmanin, Dupond-Moretti, rien ne change", attaque-t-elle.
La réunion du gouvernement autour d’Attal décalée à jeudi matin
La réunion du nouveau gouvernement prévue en fin d’après-midi mercredi à Matignon autour de Gabriel Attal a été décalée à jeudi matin pour des raisons d’agenda, a appris l'AFP auprès des services du Premier ministre.
Le chef du gouvernement, nommé la semaine dernière, devait réunir l'ensemble de ses ministres en "réunion de travail" pour préparer de manière "collégiale" la déclaration de politique générale (DPG) que chaque nouveau Premier ministre prononce devant le Parlement après sa nomination. Finalement, cette réunion se tiendra "jeudi matin".
Gabriel Attal doit faire le 30 janvier ce discours où il exposera son programme de gouvernement, mais en le "nourrissant" auparavant de rencontres avec les "forces politiques", les organisations syndicales, patronales et associations d’élus, ainsi qu'avec les Français sur le terrain.
Présenté comme inédit, ce travail "collégial" vise à "permettre une mise en œuvre immédiate des chantiers, dès leur présentation par le Premier ministre devant le Parlement".
Lors de cette réunion, il s'agira de "rappeler la méthode de travail voulue par le Premier ministre, basée sur l’efficacité, la collégialité, et l’obtention de résultats concrets et rapides", et de "partager les priorités du gouvernement" pour préparer cette DPG.
Emmanuel Macron doit, lui, vanter mercredi à Davos les rendez-vous français de 2024, dont les Jeux olympiques, et sa politique de "réarmement économique". Lors de sa longue conférence de presse mardi soir, il a évoqué sans le détailler un "acte II" des réformes économiques et sociales.
«Un tournant politique»
Lundi, M. Macron a suggéré des "textes beaucoup plus courts" ou de passer par la voie réglementaire.
Moins de textes ? "J'en serais vraiment surprise", réagit la MoDem Elodie Jacquier-Laforge. "La nature a horreur du vide", souligne la vice-présidente de l'Assemblée nationale.
Le président de la République a surtout insisté sur "l'unité" de la majorité, alors que l'aile gauche s'agace de la composition du nouveau gouvernement jugée trop à droite, avec le ralliement de la sarkozyste Rachida Dati ou l'arrivée de Catherine Vautrin.
"On est très clairement à un tournant politique", "le président (Emmanuel Macron) a envoyé valdinguer une grande partie des valeurs" de 2017, estime un député Renaissance, qui n'exclut pas la création d'un groupe à l'aile gauche de la majorité.
Un groupe à l'aile gauche ? "C'est le monstre du Loch Ness, un serpent de mer", rétorque le député Renaissance Jean-René Cazeneuve, qui n'y croit guère.
Les centristes du MoDem, critiques des premières nominations, attendent aussi de voir le profil des futurs secrétaires d'Etat ou ministres délégués. "Il faut qu'on ait (...) un rééquilibrage audacieux", a fait valoir devant la presse la députée Aude Luquet, porte-parole du groupe MoDem à l'Assemblée.
La réforme de l'Aide médicale d'Etat (AME), promise par Mme Borne et à laquelle tient la droite, pourrait raviver les plaies au sein de la majorité. L'engagement de Mme Borne "sera tenu", a affirmé M. Attal mardi, en réponse au député LR Olivier Marleix, sans plus de précisions.
Dans l'opposition de gauche, on pilonne "une politique toujours plus à droite". "Ce remaniement sent l'agonie de l'entre-soi", a dénoncé la présidente du groupe LFI Mathilde Panot.