Le Liban, un théâtre d'une guerre éternelle au Moyen-Orient?

Le commandant du Hezbollah Wissam al-Tawil, en haut à droite avec le leader Sayed Hassan Nasrallah et en bas à droite avec le général Qassem Soleimani de la force Al-Quds de l'Iran.  Al-Tawil a été tué dans le village de Kherbet Selm, au sud du Liban, le lundi 8 janvier 2024. (Photos, AP)
Le commandant du Hezbollah Wissam al-Tawil, en haut à droite avec le leader Sayed Hassan Nasrallah et en bas à droite avec le général Qassem Soleimani de la force Al-Quds de l'Iran. Al-Tawil a été tué dans le village de Kherbet Selm, au sud du Liban, le lundi 8 janvier 2024. (Photos, AP)
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Publié le Samedi 13 janvier 2024

Le Liban, un théâtre d'une guerre éternelle au Moyen-Orient?

  • En raison de sa situation géographique, de sa faiblesse militaire et de sa politique sectaire, le Liban a longtemps été un champ de bataille privilégié
  • Après l'assassinat présumé de plusieurs figures du Hamas et du Hezbollah sur le sol libanais par Israël, le pays semble à nouveau au bord de la guerre

DUBAI/LONDRES: L'assassinat présumé par Israël d'un haut responsable du Hamas, Saleh al-Arouri, à Beyrouth le 2 janvier, suivi de la mort d'un commandant du Hezbollah, Wissam al-Tawil, lors d'une frappe similaire dans le sud du Liban le 8 janvier, a une fois de plus plongé le pays au cœur du conflit israélo-palestinien.

Bien que les forces israéliennes et les membres de la milice libanaise Hezbollah, soutenue par l'Iran, aient échangé des coups de feu de part et d'autre de leur frontière commune depuis le début du conflit à Gaza le 7 octobre, nombreux sont ceux qui craignent que le ciblage présumé de dirigeants de la milice sur le sol libanais par Israël ne conduise à une escalade régionale.

Al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et fondateur de la branche armée du groupe, les Brigades Al-Qassam, a été tué lors d'une frappe de drone de précision avec plusieurs de ses hommes de main dans un appartement situé dans un quartier contrôlé par le Hezbollah dans le sud de la capitale libanaise.

Des milliers de partisans du Hamas se sont rassemblés pour pleurer sa mort et exiger des représailles. Dans un discours retransmis en direct, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a condamné l'assassinat, le décrivant comme un acte d’«agression israélienne flagrante», et a promis qu'il ne resterait pas impuni.

Toutefois, le chef du Hezbollah n'a pas déclaré la guerre à Israël.

C'était avant qu’Al-Tawil, chef adjoint de la force Radwan du Hezbollah, ne soit également tué lors d'une attaque présumée de drone israélien sur un véhicule dans la ville de Kherbet Selm, dans le sud du Liban. Il est le premier haut responsable du Hezbollah à mourir depuis le début du conflit à Gaza.

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Cette photo non datée publiée par les médias militaires du Hezbollah montre le commandant en chef du Hezbollah, Wissam al-Tawil. Une frappe aérienne israélienne a tué Al-Tawil, la dernière en date d'une escalade de frappes le long de la frontière qui fait craindre une nouvelle guerre au Proche-Orient, alors même que les combats à Gaza font de plus en plus de victimes civiles. (Photo, Médias militaires du Hezbollah, via l’AP)

Puis, le 9 janvier, Ali Hussein Burji, commandant des forces aériennes du Hezbollah dans le sud du Liban, a également été tué à Khirbet Selm lors d'une autre frappe aérienne israélienne présumée.

Jusqu'à présent, la «drôle de guerre» entre Israël et le Hezbollah s'est limitée à des attaques réciproques de roquettes et de drones le long de la frontière commune. Mais si les hostilités s'intensifient, le Liban pourrait assister à une répétition de la guerre dévastatrice de 2006 avec Israël − un conflit qu'il ne peut pas se permettre.

Le gouvernement intérimaire du Liban s'est efforcé d'atténuer les tensions. «Notre Premier ministre continue de dialoguer avec le Hezbollah», a déclaré Abdallah Bou Habib, ministre libanais des Affaires étrangères, à CNN peu après l'assassinat d'Al-Arouri.

«Je ne crois pas que la décision leur revienne − en référence au Hezbollah − et nous espérons qu'ils ne s'engagent pas dans une guerre plus importante. Mais nous travaillons avec eux sur ce sujet. Nous avons de nombreuses raisons de penser que cela ne se produira pas. Nous tous, tous les Libanais, ne voulons pas de guerre», a expliqué Bou Habib. 

Il a ajouté: «Nous ne pouvons pas leur donner d'ordres, mais nous pouvons les convaincre. Et cela fonctionne dans ce sens.»

En effet, de nombreux Libanais estiment que leur pays est pris en otage par l'Iran, par l'intermédiaire du Hezbollah, à un moment où les citoyens libanais et les nombreux réfugiés palestiniens du pays sont plus préoccupés par leur survie quotidienne au milieu d’une crise financière paralysante que par les événements de Gaza.

Le ressentiment croissant à l'égard de l'emprise du Hezbollah sur le pays a été amplement démontré le 7 janvier lorsque les écrans de départ de l'aéroport international de Beyrouth ont été piratés pour afficher des messages contre la guerre.

«L'aéroport Rafic Hariri n'appartient ni au Hezbollah ni à l'Iran», peut-on lire dans l'un des messages. «Hassan Nasrallah, vous ne trouverez pas d'alliés si vous entraînez le Liban dans la guerre. Hezbollah, nous ne nous battrons au nom de personne.»

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Les écrans d'information de l'aéroport principal de Beyrouth ont été piratés dimanche avec un message destiné au chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. (Captures d'écran/X)

Alléguant la responsabilité du Hezbollah dans l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth le 4 août 2020 et son rôle dans l'importation d'armes iraniennes au Liban, le message a ajouté: «Vous avez fait exploser notre port et vous voulez maintenant faire la même chose avec notre aéroport en y introduisant des armes. Que l'aéroport soit libéré des griffes du mini-état (Hezbollah).»

Les craintes d'une influence étrangère excessive au Liban sont un thème récurrent depuis que le pays a obtenu son indépendance de la France en 1943, les pays régionaux et les groupes armés considérant le Liban comme un champ de bataille pour leurs propres guerres par procuration.

La guerre civile libanaise, qui a débuté en 1975 et s'est achevée en 1990, a été l'une des périodes les plus sanglantes de l'histoire du pays, marquée par un conflit féroce entre milices chrétiennes et musulmanes qui cherchaient chacune à s'aligner sur des puissances étrangères.

Avant même la guerre civile, des groupes armés utilisaient le Liban comme rampe de lancement du terrorisme. En 1971, Yasser Arafat, ancien dirigeant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a fait du Liban sa base d'opérations pour attaquer Israël.

Les chrétiens libanais, concentrés dans la partie orientale de Beyrouth et dans les montagnes du Keserwan, n'apprécient pas la présence palestinienne dans leur pays et ont choisi de conclure des alliances avec Israël et la Syrie pour contrer cette influence. Bien qu’apparemment avantageux pour les chrétiens libanais, les motivations d’Israël étaient largement égoïstes; au plus fort de la guerre civile libanaise, les forces israéliennes ont lancé des attaques aériennes et maritimes contre l'OLP à Beyrouth et au Sud-Liban.

Lors d'un incident notoire, après l'assassinat du président Bachir Gemayel le 14 septembre 1982, des miliciens chrétiens alliés à Israël ont massacré entre 800 et 3 500 Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila, dans la banlieue de Beyrouth.

Les troupes israéliennes avaient bouclé les camps pendant que les miliciens se livraient à leur folie meurtrière, prenant pour cible des civils non armés. Malgré le tollé mondial, personne n'a jamais été arrêté ni jugé pour ce massacre.

En Israël, une enquête a révélé qu'un certain nombre de responsables, dont le ministre de la Défense de l'époque, Ariel Sharon, étaient indirectement responsables.

EN BREF

* Saleh al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et fondateur de sa branche armée, les Brigades d’Al-Qassam, a été tué lors d'une attaque présumée de drone israélien à Beyrouth le 2 janvier.

* Wissam al-Tawil, chef adjoint de la force Radwan du Hezbollah, a été tué par un drone israélien dans la ville de Khirbet Selm, dans le sud du Liban, le 8 janvier.

* Ali Hussein Burji, commandant des forces aériennes du Hezbollah dans le sud du Liban, a également été tué à Khirbet Selm par une frappe aérienne israélienne présumée le 9 janvier.

Malgré le retrait officiel de l'OLP du Liban en août 1982, Israël a profité de l'occasion pour envahir le pays deux mois plus tard dans le but déclaré d'écraser toutes les cellules dormantes et les bases restantes de l'OLP, et a fini par occuper le sud jusqu'en mai 2000.

C'est dans le chaos de la guerre civile libanaise que la milice musulmane chiite Hezbollah a vu le jour.

Pendant ce temps, la Syrie, sous le régime de Hafez el-Assad, s'est retranchée dans la politique libanaise, faisant du Liban un État fantoche, le Hezbollah servant de partenaire junior. Pendant cette période, la Syrie avait plus de 30 000 soldats stationnés dans tout le pays.

«Je me souviens très bien de cette époque», a déclaré à Arab News Walid Saadi, un retraité libanais de 67 ans qui a vécu la guerre civile. «On avait l'impression de ne pas vivre au Liban, mais en Syrie.»

«Dans les années 90, l'armée syrienne disposait d'une puissance redoutable, supérieure à celle de l'armée libanaise. Les soldats syriens se déchaînaient dans les villes et vous ne pouviez pas oser leur dire quoi que ce soit. Tout ce que la Syrie voulait, le Liban le servait», a-t-il éclairci.

Selon Saadi, bien que le pays ait connu une période de paix relative et de stabilité économique dans les années 1990 et au début des années 2000, la génération plus âgée a continué à éprouver un sentiment d'humiliation et de soumission face à la présence syrienne.

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Le Hezbollah et les forces israéliennes échangent des tirs à la frontière libanaise. (Photo, AFP)

Saadi a poursuivi: «Beaucoup de personnes ont disparu pendant la guerre civile, beaucoup ont été enlevés par les forces syriennes. Il est impossible de demander où elles se trouvent. Même si vous le vouliez, vous n'obtiendriez aucune réponse. Le régime syrien était, et reste, brutal.»

Ce n'est qu'après l'assassinat, en 2005, du Premier ministre Rafic Hariri, qui critiquait ouvertement le régime syrien, que la Syrie a officiellement retiré ses forces, mais seulement sous l'effet d'une intense pression internationale.

Depuis lors, le pouvoir du régime syrien a considérablement diminué en raison de sa propre guerre civile, qui a débuté en 2011. Le régime du président Bachar el-Assad n'est plus qu'un vassal de ses derniers bailleurs de fonds internationaux, la Russie et l'Iran.

Aujourd'hui, alors qu'Israël poursuit son opération militaire contre le Hamas dans la bande de Gaza, la société libanaise et la communauté internationale craignent que le Hezbollah n'exploite la crise en transformant le Liban en champ de bataille entre Israël et l'Iran.

Dans un discours prononcé le 5 janvier, le deuxième depuis la mort d’Al-Arouri, Nasrallah, chef du Hezbollah, a déclaré que «la décision est maintenant entre les mains du champ de bataille» et qu'une réponse adéquate sera «sans limites».

«La réponse est inévitable», a-t-il averti lors du discours retransmis en direct. «Nous ne pouvons pas rester silencieux face à une violation de cette ampleur, car cela signifierait que le Liban tout entier serait exposé.»

Toutefois, les analystes soupçonnent le Hezbollah de préférer éviter une guerre avec Israël, quelles que soient ses sympathies pour le Hamas et les Palestiniens qui souffrent à Gaza, en choisissant plutôt de préserver son stock d'armes comme moyen de dissuasion contre toute attaque israélienne potentielle contre l'Iran.

«Le Hezbollah souhaite vraiment maintenir le statu quo actuel et éviter une guerre totale avec Israël», a estimé Firas Maksad, chercheur principal au Middle East Institute et professeur adjoint à l'Elliott School of International Affairs de l'université George Washington, à NPR le 7 janvier.

«Le statu quo actuel convient très bien au Hezbollah, car il revient à une guerre asymétrique, une guerre de ‘zone grise ‘, diraient certains, qui lui permet de harceler Israël de l'autre côté de la frontière, de montrer son soutien au Hamas et aux Palestiniens en forçant Israël à redéployer et à recentrer des centaines de milliers de soldats de Gaza vers la frontière nord, tout en restant à l'écart d'une guerre totale qui pourrait être en faveur d'Israël», a-t-il précisé.

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Une image de la chaîne de télévision Al-Manar du Hezbollah, prise le 5 janvier 2024, montre le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah Hassan Nasrallah prononçant un discours télévisé, avec une photo du chef adjoint du Hamas tué, Saleh al-Aruri, à sa gauche. (Photo, AFP)

Israël est également largement considéré comme voulant éviter d'ouvrir un front supplémentaire dans la guerre qui pourrait exposer ses villes au redoutable arsenal de missiles du Hezbollah.

Cependant, certains membres du gouvernement israélien estiment que le Hezbollah représente une menace trop importante pour la sécurité nationale d'Israël pour qu'on puisse le laisser tranquille indéfiniment, ce qui rend le conflit tout à fait possible une fois que le Hamas aura été vaincu dans la bande de Gaza.

Dans une analyse publiée le 2 janvier, Yezid Sayigh, chercheur principal au Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center à Beyrouth, a déclaré qu'il était peu probable qu'Israël prenne le risque de compromettre son opération à Gaza en passant à l'offensive contre le Hezbollah.

Il a ajouté que même si de nombreux membres de l'establishment israélien «partagent le désir d'éliminer le Hezbollah en tant que menace militaire puissante, ils éviteront probablement d'ouvrir un deuxième front, au nord, s'il existe un risque que cela puisse entraver leur capacité à ‘finir le travail’ à Gaza.»

«L'élargissement de la guerre de Gaza en une guerre régionale − même si elle se limite au Liban − pourrait inciter les gouvernements américain et européen à une diplomatie plus active, ce qui pourrait potentiellement restreindre la liberté d'action militaire d'Israël à Gaza et limiter ses options pour la phase d'après-conflit dans cette région», a-t-il expliqué.

Néanmoins, avec une entité hostile à sa porte, Israël pourrait se sentir obligé de prendre des mesures contre le Hezbollah.

«Le statu quo actuel, s'il convient au Hezbollah et à l'Iran, comme je l'ai dit, ne convient pas aux Israéliens», a signalé Maksad à NPR.

Il a ajouté: «Les Israéliens ont environ 75 000 ou 80 000 citoyens qui ont quitté le nord du pays de peur que le Hezbollah, bien plus puissant que le Hamas, ne leur fasse ce que le Hamas a fait dans le sud d'Israël. Et ils ne sont pas prêts à revenir tant que cette question n'est pas réglée.»

«Israël exige donc que le Hezbollah retire ses forces, au moins ses troupes d'élite, de cette frontière, faute de quoi il menace de faire la guerre», a-t-il indiqué.

Même si une guerre totale entre Israël et le Hezbollah est évitée, la posture de Nasrallah et les attaques transfrontalières de la milice ont suffi à saper et à délégitimer la souveraineté de l'État libanais.

Pour les citoyens libanais comme Saadi, cela signifie, en l'absence d'un gouvernement opérationnel, la poursuite de la paralysie politique, du déclin institutionnel et des difficultés économiques du pays.

«Ce n'est plus le nôtre, c'est celui de l'Iran maintenant», a déclaré Saadi à propos de son pays. «Nous n'avons pas goûté à la souveraineté depuis notre création, toujours ballotés d'une puissance à l'autre, depuis les Français jusqu'à l'Iran.»

«L'espoir est vain, mais je ne peux m'empêcher d'espérer que le Hezbollah fera passer les intérêts du Liban avant ceux de son maître, l'Iran, et nous épargnera une guerre à laquelle nous ne survivrons pas», a-t-il soutenu.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


1987 - Première Intifada palestinienne

Des garçons palestiniens brandissent des drapeaux du Hamas et scandent des slogans anti-israéliens et américains lors d'un rassemblement à Gaza contre l'accord de Wye River. AFP
Des garçons palestiniens brandissent des drapeaux du Hamas et scandent des slogans anti-israéliens et américains lors d'un rassemblement à Gaza contre l'accord de Wye River. AFP
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  • La résistance non violente est au cœur du mouvement pour l'autodétermination.
  • L'Intifada a finalement pris fin lorsque le secrétaire d'État américain James Baker a demandé aux Palestiniens de participer à la conférence de paix de Madrid en 1991.

AMMAN : Intifada, un mot arabe qui signifie "secouer", a été introduit dans le lexique anglais par nombre d'entre nous, journalistes palestiniens travaillant avec les médias étrangers au Moyen-Orient. Ce qui était secoué, c'était le statu quo de la vie sous occupation.

Avant le début de l'Intifada, j'étais bien trop jeune pour accepter l'offre d'emploi qui m'avait été faite. Avec ma licence en commerce obtenue aux États-Unis, le propriétaire américano-palestinien d'Al-Fajr, Paul Ajlouny, pensait que je pourrais apporter un peu de sens des affaires à la gestion du journal familial basé à Jérusalem. Je ne l'ai pas fait et j'ai détesté ce travail.

Mais alors que j'étais occupé à joindre les deux bouts, une publication sœur en langue anglaise, Al-Fajr English, était lancée par Hanna Siniora, une parente de M. Ajlouny. À l'âge de 25 ans, encore célibataire, j'aimais relire les épreuves et j'étais fasciné par la mise sous presse hebdomadaire d'Al-Fajr. J'ai fini par écrire mon premier article et j'étais fasciné de voir ma signature imprimée.

Comment nous l'avons écrit 

La première page d'Arab News faisait état du nombre croissant de morts palestiniens au cours de la première Intifada.
La première page d'Arab News faisait état du nombre croissant de morts palestiniens au cours de la première Intifada.

Le message d'Awad a été rapidement assimilé et il recevait des appels de personnes venant de différentes parties de la Palestine qui avaient des problèmes avec les colons et l'armée israélienne. Des manifestations non violentes ont lieu deux fois par semaine, souvent avec des résultats importants.

Bien que le travail d'Awad ne soit pas encore devenu un courant dominant, les Israéliens n'ont pas tardé à se rendre compte de ce qui se passait et ont commencé à le traquer. Ils l'ont arrêté en dépit du fait qu'il possédait un passeport américain et des nombreuses manifestations organisées en son nom à Jérusalem.

Celui que l'on a surnommé le "Gandhi palestinien" a perdu son procès devant la Haute Cour d'Israël et a été expulsé, bien qu'il soit né à Jérusalem, sur ordre du Premier ministre de droite Yitzhak Shamir. Mais la littérature qu'il distribuait et ses idées sur la non-violence et les boycotts ont perduré.

La colère des Palestiniens a éclaté le 9 décembre 1987 dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans la bande de Gaza, le lendemain du jour où un camion militaire israélien est entré en collision avec une voiture civile, tuant quatre Palestiniens. Si beaucoup ont vu dans les affrontements avec les Israéliens une expression publique de la colère suscitée par cet incident, c'est en réalité le fait que les colons continuaient à construire sans aucune dissuasion qui a poussé les jeunes Palestiniens à se battre avec la seule arme dont ils disposaient librement, les pierres, qui abondent dans les villes et les villages palestiniens.

Si les images de l'Intifada sont celles de jeunes Palestiniens, souvent vêtus de keffiehs noirs et blancs, bombardant de pierres les colons et les soldats, ce sont les actions non violentes menées dans toute la Palestine qui m'ont fasciné.

La plus visible de ces actions a sans doute été la décision des habitants de Beit Sahour d'adopter le slogan des révolutionnaires américains : pas de taxation sans représentation. Les Palestiniens vivant dans la ville ont décidé de ne plus payer d'impôts tant qu'ils n'auraient pas de pouvoir politique. Cette décision a rendu fous les militaires israéliens, qui ont assiégé Beit Sahour. 

Un garçon palestinien regarde entre des banderoles appelant à la lutte armée contre Israël à Gaza. AFP
Un garçon palestinien regarde entre des banderoles appelant à la lutte armée contre Israël à Gaza. AFP

Un signe emblématique de la résistance non violente a été la décision de ne pas suivre Israël lorsqu'il a changé ses horloges en avril pour marquer le début de l'heure d'été. Je me souviens avoir fait des reportages sur les soldats israéliens qui, devant la porte de Damas à Jérusalem, arrêtaient les jeunes Palestiniens et vérifiaient leur montre. Si l'heure n'avait pas été changée, les soldats utilisaient leurs matraques pour briser les montres alors qu'elles étaient encore au poignet des jeunes.

L'Intifada a finalement pris fin lorsque le secrétaire d'État américain James Baker a demandé aux Palestiniens de participer à la conférence de paix de Madrid en 1991. Les Israéliens y étaient représentés par Shamir, qui avait déporté Awad. Le porte-parole de la délégation israélienne était Benjamin Netanyahu, aujourd'hui Premier ministre. La porte-parole de la délégation palestinienne était Hanan Ashrawi.

Cette conférence n'a débouché sur rien, mais un accord secret élaboré à Oslo a permis une première avancée qui s'est traduite par la création de l'Autorité palestinienne et le retour de l'OLP dans les territoires palestiniens occupés.

Mais cette avancée, et les espoirs de paix pour lesquels tant de gens avaient souffert, ont été anéantis le 4 novembre 1995, lorsqu'un colon juif extrémiste a assassiné le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, ouvrant la voie au premier mandat de M. Netanyahou en tant que premier ministre.

Comme l'ont montré les événements tragiques survenus à Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023, les droits et les aspirations des Palestiniens n'ont fait que régresser depuis lors.

Daoud Kuttab est chroniqueur pour Arab News, spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient, et plus particulièrement dans les affaires palestiniennes. Il est l'auteur du livre "State of Palestine NOW : Arguments pratiques et logiques pour le meilleur moyen d'apporter la paix au Moyen-Orient".  

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com   


L'Arabie saoudite salue les réformes engagées par les dirigeants palestiniens

Cette photo diffusée par le bureau de presse de l'Autorité palestinienne (PPO) montre le président Mahmud Abbas (C) dirigeant les prières à côté du secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) Hussein al-Sheikh (3e-L) lors d'une réunion du comité exécutif de l'organisation à Ramallah, le 26 avril 2025. (AFP/Handout/PPO)
Cette photo diffusée par le bureau de presse de l'Autorité palestinienne (PPO) montre le président Mahmud Abbas (C) dirigeant les prières à côté du secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) Hussein al-Sheikh (3e-L) lors d'une réunion du comité exécutif de l'organisation à Ramallah, le 26 avril 2025. (AFP/Handout/PPO)
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  • Le Royaume a adressé ses félicitations à M. Al-Sheikh et lui a souhaité beaucoup de succès dans ses nouvelles responsabilités.

RIYAD : L'Arabie saoudite a salué samedi les récentes mesures de réforme annoncées par la direction palestinienne, qu'elle décrit comme des étapes importantes vers le renforcement de l'action politique palestinienne.

Dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, le royaume a exprimé son soutien à la création de nouveaux postes au sein de l'Organisation de libération de la Palestine et de l'État de Palestine, notamment la nomination de Hussein Al-Sheikh au poste de vice-président du Comité exécutif de l'OLP et de vice-président de l'État de Palestine.

L'Arabie saoudite a adressé ses félicitations à M. Al-Sheikh et lui a souhaité beaucoup de succès dans ses nouvelles responsabilités.

Le Royaume a affirmé que ces réformes renforceraient le processus politique palestinien et contribueraient aux efforts plus larges visant à garantir les droits légitimes du peuple palestinien, au premier rang desquels le droit à l'autodétermination et à la création d'un État indépendant le long des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com     


1986 : L'affaire Iran-Contra

Le lieutenant-colonel Oliver North fait valoir ses arguments lors de sa présentation au nom des Contras nicaraguayens lors des audiences sur l'affaire Iran-Contra. (Getty Images)
Le lieutenant-colonel Oliver North fait valoir ses arguments lors de sa présentation au nom des Contras nicaraguayens lors des audiences sur l'affaire Iran-Contra. (Getty Images)
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  • Le scandale rappelle brutalement que le pouvoir incontrôlé, le secret et l'ambition politique peuvent rapidement saper la démocratie

RIYAD : L'affaire Iran-Contra de 1986 reste l'un des épisodes les plus controversés de l'histoire moderne des États-Unis, révélant un réseau complexe d'opérations clandestines, de violations de la loi et d'intrigues politiques.

Le scandale, qui s'est déroulé pendant la présidence de Ronald Reagan, a tourné autour de ventes secrètes d'armes à l'Iran et du détournement illégal des bénéfices pour financer les rebelles de droite des Contras au Nicaragua. Il a remis en question les principes mêmes de la transparence, de la responsabilité et de l'État de droit dans la gouvernance démocratique.

Ces événements ont eu pour toile de fond les tensions de la guerre froide et l'instabilité géopolitique du Moyen-Orient. Le 17 mai 1985, Graham Fuller, responsable national du renseignement pour le Proche-Orient et l'Asie du Sud à la CIA, a rédigé un mémorandum à l'intention du directeur de la CIA, William Casey, sur les options de la politique américaine à l'égard de l'Iran.

"Les événements vont largement à l'encontre de nos intérêts et nous avons peu d'alternatives acceptables. Les États-Unis n'ont pratiquement aucune carte à jouer, alors que l'URSS en a beaucoup", écrit Fuller.

Pour donner aux États-Unis "un certain poids dans la course à l'influence à Téhéran", Fuller suggère que Washington "lève toutes les restrictions sur les ventes - y compris militaires - à l'Iran".

Comment nous l'avons écrit

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Arab News a rapporté l'arrestation et l'expulsion par l'Iran du conseiller américain à la sécurité nationale, Robert McFarlane, qui était arrivé en "mission diplomatique secrète".

Au Nicaragua, le gouvernement sandiniste, qui a renversé en 1979 un système politique soutenu par les États-Unis, s'est aligné sur les politiques socialistes et l'Union soviétique. Cette évolution a alarmé l'administration Reagan, qui a soutenu les rebelles Contra, un groupe accusé de violations généralisées des droits de l'homme.

Simultanément, les États-Unis sont confrontés à des défis complexes au Moyen-Orient. L'Iran était engagé dans une guerre prolongée avec l'Irak (1980-1988), et Washington cherchait à limiter l'influence soviétique dans la région tout en obtenant la libération des otages américains détenus par des groupes pro-iraniens au Liban.

Malgré sa position publique de refus de négocier avec les terroristes et son propre embargo sur les armes à destination de Téhéran, l'administration Reagan a vu une opportunité d'utiliser les ventes d'armes comme moyen d'influence. Elle souhaitait obtenir la libération des otages américains détenus par le Hezbollah au Liban et tenter d'ouvrir une voie de dialogue avec des éléments plus modérés en Iran.

Le scandale Iran-Contra a donné lieu à deux opérations distinctes mais interconnectées. Tout d'abord, de hauts fonctionnaires américains ont facilité la vente secrète d'armes à l'Iran, apparemment dans un geste de bonne volonté envers les factions modérées du gouvernement iranien et pour obtenir la libération des otages américains. Cette opération violait l'embargo sur les armes imposé par Washington à l'Iran et contredisait les déclarations publiques de Reagan condamnant le terrorisme.

Deuxièmement, les bénéfices de ces ventes d'armes ont été détournés pour financer les Contras au Nicaragua. Cela contrevenait à l'amendement Boland, une série de lois adoptées par le Congrès entre 1982 et 1984 qui interdisaient explicitement l'assistance militaire américaine à ce groupe.

Le plan a été orchestré par un petit groupe de fonctionnaires du Conseil de sécurité nationale, dont le lieutenant-colonel Oliver North, au su et avec le soutien de personnalités de haut rang telles que le conseiller à la sécurité nationale John Poindexter.  

Dans le même temps, la CIA et le ministère de la Défense menaient l'opération "Tipped Kettle", qui impliquait des négociations secrètes avec Israël sur le transfert à la CIA et, en fin de compte, aux Contras, d'armements capturés à l'Organisation de libération de la Palestine au Liban.

En mai 1983, Israël a remis plusieurs centaines de tonnes d'armes, d'une valeur de 10 millions de dollars. Cette opération s'est répétée en 1984.

En 1985, Israël a commencé à expédier des armes américaines à l'Iran, dans le but de s'attirer les faveurs de Téhéran et d'ouvrir la voie à la libération des otages américains, avec l'approbation du prédécesseur de Poindexter en tant que conseiller à la sécurité nationale de Reagan, Robert McFarlane.

Le 2 novembre 1986, quelques jours après la livraison de 500 missiles antichars à l'Iran, l'otage américain David Jacobsen a été libéré par ses ravisseurs à Beyrouth. North s'attendait à ce que d'autres otages soient libérés dans la foulée, mais cela ne s'est pas produit.

En réponse aux demandes des médias, le chef de cabinet de la Maison Blanche, Donald Regan, reconnaît publiquement, pour la première fois, les négociations en cours avec l'Iran.

L'affaire Iran-Contra a éclaté au grand jour à la fin de l'année 1986, lorsque la publication libanaise Ash-Shiraa a révélé les détails des contrats d'armement conclus avec l'Iran. Le 3 novembre 1986, elle a publié un compte rendu d'une visite secrète de McFarlane à Téhéran en mai 1986. Des enquêtes ultérieures menées par des journalistes et des commissions du Congrès ont mis au jour le plan global, qui a soulevé de graves questions sur les excès de pouvoir de l'exécutif, la subversion de l'autorité du Congrès et la conduite éthique des fonctionnaires du gouvernement. Il a suscité l'indignation des législateurs et du public.

Les audiences télévisées de 1987 ont captivé le pays, et des personnalités de premier plan, dont North, ont témoigné de l'opération. Alors que certains considèrent North comme un patriote ne faisant qu'obéir aux ordres, d'autres le considèrent comme l'emblème d'une administration prête à contourner la loi pour atteindre ses objectifs.

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Des manifestants se sont rassemblés devant le lieu où Oliver North devait prononcer son discours (Getty Images).

Les auditions ont également révélé une culture du secret et de la tromperie au sein de l'administration Reagan, portant atteinte à la crédibilité du président et érodant la confiance du public dans les institutions de l'État.

Les retombées du scandale Iran-Contra ont donné lieu à plusieurs poursuites pénales. North, Poindexter et d'autres fonctionnaires ont été accusés de délits tels que l'obstruction à la justice, la conspiration et le mensonge au Congrès.

L'affaire a également porté un coup majeur à la crédibilité de l'administration Reagan. Elle a soulevé des questions sur l'étendue des connaissances et du contrôle présidentiels, Reagan ayant maintenu qu'il n'était pas au courant du transfert de fonds aux Contras. Sur le plan politique, le scandale a terni l'héritage de Reagan, même si sa cote de popularité est restée élevée jusqu'à la fin de sa présidence en 1989.

L'affaire reste une mise en garde contre les dangers d'un pouvoir exécutif incontrôlé et les dilemmes éthiques inhérents à la politique étrangère. Bien qu'elle n'ait pas conduit à des réformes durables en matière de contrôle des services de renseignement, elle a souligné la nécessité d'une plus grande vigilance pour prévenir les abus de pouvoir et sert d'étude de cas sur la manière dont la poursuite d'objectifs, même bien intentionnés, peut avoir des conséquences imprévues si les limites juridiques et éthiques sont franchies.

Mohammed Al-Sulami dirige l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah).

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com