DUBAÏ: Entre les années 1960 et 1980, le Maroc postindépendance a été témoin de l’essor d’un mouvement artistique révolutionnaire connu sous le nom d’«École d’art de Casablanca». Il a été dirigé par une nouvelle génération d’artistes et d’éducateurs marocains pionniers tels que Farid Belkahia, Mohamed Chabaa et Mohamed Melehi, qui cherchaient à créer un langage visuel moderne et dynamique rendant hommage à l’héritage multiculturel de leur pays.
Ce mouvement fait l’objet d’une exposition jusqu’au 14 janvier, à la Tate St. Ives dans les Cornouailles, en Angleterre. C’est la première fois qu’un grand musée britannique explore le modernisme marocain. Organisée en collaboration avec la Fondation d’art de Charjah aux Émirats arabes unis, l’exposition baptisée «École d’art de Casablanca» rassemble une vaste sélection d’œuvres abstraites, de sculptures et de tapisseries de vingt-deux artistes, accompagnées d’une présentation attrayante d’archives imprimées, de revues vintage, de photographies et de films.
«L’École d’art de Casablanca a toujours été fascinante pour tout le monde, probablement en raison de l’efficacité visuelle de son travail. Par ailleurs, la fusion de l’art occidental et de la tradition locale est en quelque sorte parfaite», déclare Morad Montazami, commissaire adjoint de l’exposition, dans un entretien accordé à Arab News. «Avec l’École d’art de Casablanca, il y a quelque chose dans leur travail et leur trajectoire qui donne l'impression d'être résolu en ce qui concerne les influences occidentale et orientale.»
L’un des aspects uniques de l’école était son caractère non conventionnel. «La position anticoloniale consistait à créer un nouveau langage, qui devrait être basé sur les arts et l’artisanat locaux en termes de créativité géométrique et de matériaux utilisés», précise M. Montazami. Les artistes sont allés au-delà de la toile et d’autres supports occidentaux traditionnels en faveur du cuivre, du cuir et de la peau d’animal. Ils se sont également inspirés des bijoux et tapis amazighs, berbères et africains. De nombreux tableaux de cette époque affichent des couleurs fluorescentes grâce à une peinture industrielle cellulosique couramment utilisée par les travailleurs locaux dans les garages et ateliers automobiles.
Les artistes de l’École d’art de Casablanca ont littéralement envahi les rues avec leur art, transformant la ville en une toile publique. «C’était une façon d’attirer le spectateur dans les rues, car les œuvres ont commencé à être exposées dans des espaces non muséaux et lors d’expositions en plein air», indique Morad Montazami. «Il n’y avait pas vraiment de galeries d’art locales – seules des galeries françaises exposaient des artistes marocains comme des peintres naïfs ou folkloriques. Il n’y avait même pas de musée d’art moderne. Casablanca, en tant que ville postcoloniale, a été véritablement transformée grâce à ces artistes innovants.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com