NANTERRE: Une cinquantaine de ressortissants yéménites a assigné mardi en référé TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre en l'accusant de polluer les terres et les eaux d'une région du Yémen, a appris l'AFP auprès de leur avocat, confirmant une information du Canard Enchaîné.
Dans l'assignation, consultée par l'AFP, les demandeurs, représentés par Me Fiodor Rilov, affirment subir "des dommages considérables et permanents, conséquences directes de la pollution pétrolière causée par Total ainsi que par son partenaire commercial établi Petromasilia" dans la région désertique de l'Hadramaout, où le géant de l'énergie exploite des puits pétroliers depuis les années 1990.
Ils dénoncent une "catastrophe économique, sociale, environnementale et culturelle" affectant les terres où ils vivent et qu'ils cultivent.
Parmi les conséquences néfastes de l'exploitation du bassin pétrolier, les habitants du Yémen mentionnent la contamination des nappes phréatiques, seule source en eau de la population locale, par des produits toxiques "déversés à l'occasion des défaillances répétées de Total".
Ils évoquent aussi des "marées noires en plein désert" à la suite d'incidents sur des oléoducs et accusent le groupe de ne pas y répondre de manière adéquate, ce qui provoque, selon eux, des "crues répétées à chaque forte pluie" de l'hydrocarbure écoulé dans la terre.
Les demandeurs souhaitent que TotalEnergies communique les documents concernant le traitement de l'eau de production, le recyclage de l'huile, les puits d'injection, le recyclage des fûts de produits chimiques ainsi que l'endommagement des oléoducs.
Leur requête sera examinée le 1er février prochain.
TotalEnergies n'a pu être joint immédiatement mardi soir.
Homicides involontaires
Après la parution dans l'Obs en avril 2023 d'un reportage qui révélait les pollutions dont est accusée la multinationale au Yémen, le groupe avait répondu à l'hebdomadaire qu'il avait installé un système d'écrémage permettant de séparer l'eau dite de "production", présente dans les hydrocarbures et jaillissant lors des forages, de l'huile résiduelle, puis de recycler cette huile.
TotalEnergies démentait par ailleurs la construction souterraine de puits servant à évacuer l'eau de production en surplus.
L'assignation des demandeurs yéménites s'ajoute à d'autres actions judiciaires engagées contre le géant de l'énergie.
Une plainte pour homicides involontaires et non assistance à personne en danger a été transmise le 9 octobre au parquet de Nanterre contre le groupe par des victimes d'une sanglante attaque djihadiste en mars 2021 à Palma, dans le nord-est du Mozambique, où TotalEnergies a dû mettre en pause un méga-projet gazier.
Les plaignants accusent l'entreprise d'avoir fait preuve de négligences dans l'évaluation des risques sécuritaires.
Quatre associations de défense de l'environnement (Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda) ont par ailleurs déposé plainte au pénal le 22 septembre à Nanterre contre des projets pétroliers de TotalEnergies en Tanzanie et en Ouganda.