Un Français détenu en Azerbaïdjan pour «espionnage»

Le soutien affiché de la France à l'Arménie, en conflit avec l'Azerbaïdjan, lui a également valu des critiques acerbes du président azerbaïdjanais Ilham Aliev (Photo, AFP).
Le soutien affiché de la France à l'Arménie, en conflit avec l'Azerbaïdjan, lui a également valu des critiques acerbes du président azerbaïdjanais Ilham Aliev (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 10 janvier 2024

Un Français détenu en Azerbaïdjan pour «espionnage»

  • Un homme d'affaires français, accusé d'espionnage, a été arrêté en décembre en Azerbaïdjan, quelques jours après l'expulsion réciproque de diplomates des deux pays sur fond de vives tensions bilatérales
  • «Soupçonné d'avoir commis des actes d'espionnage, Martin Ryan (...) a été arrêté le 4 décembre», a indiqué Leyla Abdullayeva, ambassadrice de l'Azerbaïdjan à Paris

PARIS: Un homme d'affaires français, accusé d'espionnage, a été arrêté en décembre en Azerbaïdjan, quelques jours après l'expulsion réciproque de diplomates des deux pays sur fond de vives tensions bilatérales.

"Soupçonné d'avoir commis des actes d'espionnage, Martin Ryan (...) a été arrêté le 4 décembre", a indiqué Leyla Abdullayeva, ambassadrice de l'Azerbaïdjan à Paris, à l'AFP.

"Plus tard, la justice a ordonné sa détention pour une durée de quatre mois", a-t-elle expliqué, soulignant que "l'ambassade de France à Bakou (avait) été informée par une note verbale" et qu'il avait reçu des visites consulaires "à plusieurs reprises".

Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué considérer "cette détention comme arbitraire" et a demandé sa "libération sans délai".

L'affaire, qui avait fuité il y a quelques jours dans des médias en ligne, notamment en Azerbaïdjan, intervient alors que les relations s'enveniment entre Paris et Bakou.

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev reproche à la France de soutenir l'Arménie dans le conflit qui oppose Erevan et Bakou. En novembre, il avait accusé Paris de "préparer le terrain pour une nouvelle guerre" dans le Caucase en "armant" l'Arménie, après l'annonce de la vente à Erevan d'équipements français pour sa défense sol-air.

De son côté, Paris avait accusé des acteurs liés à l'Azerbaïdjan d'avoir mené une campagne de manipulation visant à porter atteinte à la réputation de la France avant les jeux Olympiques 2024.

«Comme un pion»

En décembre, les tensions étaient montées d'un cran avec l'expulsion réciproque de deux diplomates. Une affaire que le père du Français détenu, Richard Ryan, estime liée à son arrestation bien que son fils ait exprimé des positions pro-Bakou.

"On a parlé avec lui quatre fois, chaque fois deux minutes. Il dit qu'il est bien traité et qu'il s'entend bien avec son avocat", a-t-il expliqué à l'AFP. "Une fois, il m'a dit : +on a voulu m'utiliser comme un pion+".

Le 17 mai 2021, l'homme d'affaires avait signé avec d'autres Français résidant en Azerbaïdjan une lettre ouverte au président Emmanuel Macron, "restée sans suite", selon lui. Les signataires demandaient "des gestes forts" pour "la normalisation des relations franco-azerbaïdjanaises", mises à mal "par des déclarations extrêmement maladroites et partiales" d'une diplomatie française jugée pro-arménienne.

Dans un autre courrier envoyé en janvier 2023 à Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français de l'étranger (Asie, Océanie et Europe orientale), l'entrepreneur, spécialisé dans l'importation et la distribution de produits alimentaires, avait encore dénoncé la position française.

"Des éléments radicaux de la diaspora arménienne en France mènent sans relâche une véritable campagne anti-Azerbaïdjan et diffusent une propagande mensongère", écrivait-il, regrettant que l'image de la France se soit "considérablement dégradée" en Azerbaïdjan, au détriment des intérêts français.

Mardi, son avocat commis d'office, Me Nizami Aliyev, a affirmé que son client avait été en contact avec des Français sur place dont il avait appris ensuite qu'ils étaient des "agents" du renseignement français. "Martin n'est pas un agent" a-t-il déclaré à l'AFP, tout en assurant que le dossier n'était "pas politique".

Il est passible d'une peine de 10 à 15 ans de prison.

Depuis 30 ans, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, deux ex-républiques soviétiques, sont en conflit territorial au sujet de la région du Haut-Karabakh. En septembre dernier, Bakou y a mené une offensive éclair conduisant à la capitulation des séparatistes arméniens.

La quasi-totalité de la population arménienne de la région - plus de 100.000 personnes sur 120.000 - a depuis fui vers l'Arménie.

Les deux voisins s'étaient déjà affrontés lors de deux guerres pour le contrôle de cette enclave, l'une entre 1988 et 1994, l'autre à l'automne 2020. Bakou et Erevan ont récemment annoncé leur volonté de normaliser leurs relations mais les pourparlers n'avancent guère.

Dans ce dossier, la France, terre d'accueil d'une importante diaspora arménienne, s'est dite prête à participer aux efforts de médiation, tout en affichant son soutien sans faille à l'Arménie qui redoute la violation de son intégrité territoriale.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.