La menace d’accusation d’antisémitisme réprime les critiques légitimes à l’encontre d’Israël

Les Arabes sont désavantagés lorsqu’ils luttent contre l’antiarabisme et accusés d’être antisémites dans le cadre du débat sur Israël et la Palestine (Photo, Reuters).
Les Arabes sont désavantagés lorsqu’ils luttent contre l’antiarabisme et accusés d’être antisémites dans le cadre du débat sur Israël et la Palestine (Photo, Reuters).
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Publié le Vendredi 05 janvier 2024

La menace d’accusation d’antisémitisme réprime les critiques légitimes à l’encontre d’Israël

La menace d’accusation d’antisémitisme réprime les critiques légitimes à l’encontre d’Israël
  • Les préjugés religieux et raciaux contre les Arabes ont non seulement été acceptés, mais ils sont devenus partie intégrante de la politique étrangère américaine
  • Ces dernières années, les républicains et de nombreux démocrates légifèrent pour punir ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien

Ces dernières années, les républicains et de nombreux démocrates légifèrent pour punir ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien

L’antisémitisme, l’islamophobie et la discrimination antiarabe, comme toute haine envers la race ou la religion d’une personne, devraient être interdits et sévèrement punis. Mais, trop souvent, surtout aux États-Unis, toutes les personnes qui critiquent la politique du gouvernement israélien sont accusées d’antisémitisme, tandis que la haine antiarabe est ignorée.

De tels comportements étaient en vigueur bien avant la première guerre israélo-arabe, lorsque des groupes projuifs prônaient l’expulsion des chrétiens et des musulmans de Palestine, dans les années 1930.

Les préjugés religieux et raciaux contre les Arabes ont non seulement été acceptés, mais ils sont devenus partie intégrante de la politique étrangère américaine lorsque des politiciens comme le président Harry Truman ont marginalisé les revendications de la population non juive de Palestine.

Israël se définit comme un «État juif», même s’il compte une importante population non juive. Pour cette raison, quiconque critique la politique du gouvernement israélien est accusé d’antisémitisme. Les Arabes sont ainsi désavantagés lorsqu’ils luttent contre l’antiarabisme et accusés d’être antisémites dans le cadre du débat sur Israël et la Palestine parce que la communauté pro-israélienne a historiquement mieux compris le pouvoir des mots et de la rhétorique grâce aux relations publiques et à l’influence des médias américains.

Le ministère israélien du Renseignement et de nombreux dirigeants israéliens ont ouvertement appelé à l’expulsion des Palestiniens de Gaza vers l’Égypte – une véritable forme de haine antiarabe.

La militarisation de l’antisémitisme pour faire taire les critiques de la politique violente du gouvernement israélien domine non seulement la guerre entre Israël et Gaza, mais elle a également une énorme influence aux États-Unis, les alliés les plus puissants d’Israël, qui permettent à Tel-Aviv de commettre des crimes de guerre sans la moindre conséquence.

Les États-Unis font taire les critiques du gouvernement israélien au Conseil de sécurité de l’ONU. L’ambassadrice pro-israélienne auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a mis le mois dernier son veto à une résolution appelant à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» à Gaza. Ce veto renforce l’idée selon laquelle certaines nations puissantes font preuve d’hypocrisie au sein des Nations unies même lorsqu’il est question de besoins humanitaires.

La menace d’accusation d’antisémitisme se développe également dans les universités, où les étudiants juifs jouissent depuis longtemps de plus de droits et de privilèges que les étudiants palestiniens.

J’ai dirigé l’Organisation des étudiants arabes à l’université de l’Illinois dans les années 1970. J’ai été confronté à l’opposition permanente des dirigeants de cet établissement, qui refusaient fréquemment le financement de nos événements et rejetaient les conférenciers propalestiniens. En revanche, l’université participait souvent au financement des événements pro-israéliens.

Lorsque nous protestions contre la politique du gouvernement israélien, nous étions qualifiés d’antisémites non seulement par les professeurs de l’université, mais aussi par le magazine de l’université, qui ne comptait aucun journaliste arabe. Cette situation m’a poussé à faire carrière dans le journalisme et à abandonner mon projet de devenir médecin.

Aujourd’hui, les préjugés contre les militants propalestiniens au sein des universités américaines sont encore pires et ils se trouvent renforcés par les préjugés des grands médias.

«Les Arabes sont désavantagés lorsqu’ils luttent contre l’antiarabisme et accusés d’être antisémites dans le cadre du débat sur Israël et la Palestine.»

Ray Hanania

Depuis la vague de violence et de carnage du 7 octobre en Israël, le mouvement pro-israélien aux États-Unis a fait tout son possible pour qualifier d’antisémite toute critique de la riposte de Tel-Aviv et de ses atrocités injustifiées et flagrantes.

Plus de 1 200 Israéliens ont été assassinés le 7 octobre, la plupart de la manière la plus odieuse, avec des informations qui font état de viols, de décapitations et de torture. Depuis, pourtant, Israël a utilisé la colère pour justifier des violences aveugles généralisées qui ont coûté la vie à 22 000 personnes, dont plus de 8 000 enfants. Depuis le 7 octobre, Israël a rasé près de 70% des maisons de Gaza.

Quiconque dénonce cette disparité ou condamne la politique du gouvernement israélien est sauvagement qualifié d’antisémite. Aucune université n’est à l’abri de cette tendance croissante de diabolisation unilatérale.

La première présidente noire de la prestigieuse université Harvard a été contrainte à démissionner cette semaine. Au départ, Claudine Gay a été accusée de tolérer l’antisémitisme contre les étudiants juifs – sans aucune mention de haine antiarabe ou de protestations d’étudiants pro-israéliens qui soutenaient le carnage israélien à Gaza.

Les médias ont joué un rôle crucial en multipliant les allégations d’antisémitisme et en marginalisant toute allusion à l’antiarabisme, qualifiée de plagiat. Face à cette agression massive et aux intimidations de la part des professeurs de Harvard, des militants pro-israéliens, des médias et des membres de droite du Congrès – dont beaucoup reçoivent des dizaines de milliers de dollars en contributions électorales de la part des comités d’action politique pro-israéliens –, Mme Gay a présenté sa démission.

Quel a été son crime? Elle a répondu aux accusations d’antisémitisme sur le campus de manière équilibrée en les définissant comme «un discours qui incite à la violence, menace la sécurité ou viole les politiques de Harvard contre l’intimidation et le harcèlement». Elle a reconnu que des groupes d’étudiants pro-israéliens et proarabes avaient tenu des «propos imprudents et irréfléchis».

Ces dernières années, les républicains et de nombreux démocrates légifèrent pour punir ceux qui critiquent la politique du gouvernement israélien. Ils ont ainsi fait adopter dans plus de 28 États des lois anticonstitutionnelles qui criminalisent quiconque boycotte Israël, notamment en raison des colonies illégales. 

L’administration Biden a averti les universités qu’elles perdraient leur financement fédéral si elles ne s’opposaient pas à l’antisémitisme ou à l’islamophobie. Mais cette menace ne s’attaque pas aux discours ou aux actions antiarabes ou antipalestiniennes pour une raison politique spécifique: seuls 25% des musulmans américains sont arabes. Et cela ne s’adresse pas non plus aux Arabes chrétiens, qui constituent la majorité des millions d’Arabes qui vivent en Amérique. La véritable position devrait être de s’opposer à la fois à l’antisémitisme et à l’antiarabisme.

Ce qui s’est produit le 7 octobre était horrible et injustifié. Les auteurs devraient être punis. Mais ce qui s’est passé depuis est tout aussi horrible et injustifié et les auteurs de ces actes doivent également être punis. Ce que le Hamas a fait est mauvais. Ce que le gouvernement israélien a fait est mauvais.

Pourtant, les appels à mettre fin au carnage en cours contre les Palestiniens ont été réprimés, tandis que l’indignation face à la violence contre les Israéliens se répercute à tous les niveaux aux États-Unis. Ce déséquilibre se trouve renforcé par la militarisation de l’antisémitisme et il fait abstraction de la violence tout aussi atroce qui tue bien plus de civils palestiniens, en particulier des femmes et des enfants.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Internet personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com

X: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.