BEYROUTH: Une enquête conduite par le FBI sur l'explosion du 4 août au port de Beyrouth a révélé que la quantité de nitrate d'ammonium ayant explosé était de 500 tonnes, a déclaré mardi le Premier ministre libanais sortant, Hassan Diab.
Diab, qui a présenté sa démission dans le sillage de l'explosion qui a fait plus de 200 morts et infligé des milliards de dollars de dégâts, avait auparavant déclaré que plus de 2 700 tonnes de nitrate d'ammonium étaient stockées dans un hangar du port pendant des années.
Malgré la tenue de « 20 réunions du Conseil supérieur de la défense (CSD) avant l'explosion du 4 août, aucun des services de sécurité ne nous a dit qu’il y avait 2 700 tonnes de nitrate d'ammonium dans l'un des hangars du port de Beyrouth », a-t-il lancé.
Il a ajouté que « de 2014 à ce jour, les membres du CSD se sont abstenus d'informer le président libanais de l'existence de cette substance, alors qu’il est à la tête du Conseil ».
Après de longs mois passés dans le silence, Diab a révélé dans une interview qu'« une ouverture a été faite dans le hangar 12, où le nitrate d'ammonium était stocké ».
Il a précisé que « le rapport du FBI estime à 500 tonnes la quantité de nitrate d'ammonium ayant explosé. Est-ce que quelqu'un sait quand et qui a fait une ouverture dans le hangar 12 ? Et où sont passées les autres 2 200 tonnes ? Qui est le propriétaire du navire qui les a transportées ? Et comment est-il parvenu à entrer au port de Beyrouth sept ans auparavant ? Qui lui a donné l'autorisation d'entrer ? Et qui a gardé le silence à ce sujet pendant si longtemps ? »
Et d'ajouter : « Avant le 4 août, y avait-il un seul Libanais qui savait ce que signifiait le terme « nitrate d'ammonium ? Le premier rapport officiel que j'ai reçu concernant la substance stockée au port remonte au 22 juillet. Le 3 juin, c’est par hasard que j'avais reçu des informations des services de sécurité, m'informant qu'il y avait 2 000 kg de matières explosives. J'ai donc immédiatement sollicité une visite au port pour le 4 juin ».
« Au cours des dispositifs de sécurité précédant ma visite, j'ai compris que les informations que j'avais reçues au départ n'étaient pas correctes - on m'a informé que la matière explosive s’élevait à 2 500 tonnes et non 2 000 kg et qu'il ne s'agissait pas de TNT mais de nitrate, dont nous ignorions tout. Nous avons alors effectué des recherches en ligne pour découvrir qu'il s'agissait d'un engrais chimique. La troisième information que j'ai reçue indiquait que cette substance était stockée au port depuis sept ans et qu'elle ne date pas d'hier. J'ai donc demandé à poursuivre l'enquête et à visiter le port pour en apprendre davantage ».
« C'est le 22 juillet que j'ai reçu le rapport. Si j'avais visité le port le 4 juin et inspecté le hangar 12, j'aurais adressé une lettre aux autorités de sécurité qui étaient déjà au courant de la situation depuis sept ans. Et si je soupçonnais qu'il y avait un danger au port, je me serais immédiatement adressé au président, et je n'aurais pas couvert ce crime ».
Il s’est dit profondément choqué par les accusations portées contre lui par l'enquêteur judiciaire de l'explosion du port de Beyrouth, le juge Fadi Sawan. « Je lutte contre la corruption dès le début, et pourtant je suis désormais considéré comme corrompu du fait que je n'ai pas visité le port », a-t-il ajouté.
Sur un autre plan, le Premier ministre sortant a suggéré que le pays risquait une fermeture totale après le Nouvel An, et qu’il craignait que le nombre de cas de Covid-19 n'augmente. Selon lui, le nombre de cas enregistrés à ce jour est raisonnable, en ajoutant que les vols seront suspendus si les infections en provenance de l'étranger continuent d'augmenter.
Par ailleurs, Diab a réitéré son refus de lever les subventions accordées par l'État pour les matériaux de base. Cependant, il a souligné qu'il était favorable à la rationalisation « parce que les riches ne doivent pas bénéficier des subventions destinées uniquement aux nécessiteux ».
Il a indiqué avoir demandé au gouverneur de la Banque du Liban de faire part du montant qui reste à la banque centrale pour les subventions « Nous avons appris par les médias que nous disposons de 2 milliards de dollars, ce qui doit nous suffire pendant au moins six mois en attendant de trouver d'autres solutions. J'ai proposé au Parlement d’émettre une carte de financement. Cette décision doit être prise conjointement par le gouvernement sortant, le Parlement et la banque centrale », a-t-il dit.
Diab a fait remarquer par ailleurs que le Liban souffre d'un système intégral de corruption. « C'est un système politique, financier et économique interconnecté. Si l'audit juricomptable décèle les sources de la corruption - comme cela va se produire lors de l'audit des comptes de la Banque du Liban - nous pourrons alors dire que nous sommes sur la bonne voie judiciaire, et c’est mieux que de s’attaquer aux propriétés publiques, comme ce fut le cas dans les rues - cela ne sert ni la révolution ni les revendications du peuple libanais ».
Les propos de Diab ont coïncidé avec des manifestations des étudiants des universités privées dans la rue Bliss devant le campus de l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Les étudiants contestaient la décision de l'université d’adopter le taux de change intermédiaire du dollar fixé par les banques libanaises, soit 3 900 livres libanaises. Le taux officiel est de 1 515 livres, ce qui signifie que les frais de scolarité vont plus que doubler.
Les étudiants furieux ont bloqué la rue Bliss pendant quelque temps, alors que les forces anti-émeutes appliquaient des mesures de sécurité pour protéger l'université. Les manifestants scandaient « à bas le capitalisme » et « l'AUB ressemble à une caserne militaire ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.