SOCORRO: Dans une vallée du nord-est de la Colombie, du bois issu de la déforestation illégale saisi par la justice est redistribué sous forme de ruches aux apiculteurs pour les aider à faire face à la disparition de colonies entières d'abeilles décimées le changement climatique et les pesticides, employés notamment pour la production de café.
Ce programme tente de faire face au "problème extrêmement grave" du risque d'extinction des abeilles, essentielles pour la biodiversité et l'agriculture via leur fonction pollinisatrice, explique le biologiste German Perilla, directeur de la fondation Honey bee impact.
Selon les Nations unies, environ 90% des plantes sauvages et 75% des cultures dans le monde dépendent de la pollinisation, or un tiers des espèces d'abeilles sont menacées de disparition.
Parallèlement, la déforestation illégale ravage les forêts et les habitats de la faune, notamment dans le département de Santander où est menée l'expérience.
"Annuellement, on saisit environ mille mètres cubes de bois" illégal, indique à l'AFP Alexcevith Acosta, directeur du CAS, l'autorité environnementale locale.
En 2022, la Colombie a perdu 123.517 hectares de couverture forestière en raison de la déforestation, principalement dans sa région amazonienne au sud du pays. Près de la moitié (47%) du bois commercialisé dans le pays est d'origine illégale, selon les derniers chiffres du ministère de l'Environnement.
Dans le département de Santander, avec l'accord de la justice, les troncs saisis sont découpés et entassés dans de grands hangars de briques gardés par la police à Socorro, un chef-lieu local.
Une partie du bois est ensuite transformée en ruches dans un proche atelier sous la supervision de M. Perilla, qui forme par la même occasion les bénéficiaires.
Lancé en 2021, le projet, baptisé "Le retour du bois à la maison", entend à terme distribuer 10.000 ruches aux familles d'agriculteurs de Santander.
«Sans abeilles, pas d'humains»
Les menaces contre les abeilles sont multiples.
Le changement climatique réduit les floraisons, donc la quantité de nectar. Il contribue aussi à l'infertilité des reines en raison de l'élévation des températures à l'intérieur des ruches.
Mais l'empoisonnement aux pesticides est le danger majeur auquel sont confrontés les pollinisateurs, en Colombie comme dans de nombreux autres pays.
Maria Zoila Acevedo, apicultrice à Socorro et bénéficiaire du programme, a perdu plus de la moitié de ses colonies en 2023 à cause de l'utilisation de produits agrochimiques sur les cultures voisines, notamment les champs de café à perte de vue.
Les tests de laboratoire effectués sur ses essaims ont montré que la plupart d'entre eux présentaient des traces de Fipronil, molécule interdite en juillet 2013 en Europe car responsable de la mort de milliards d'abeilles.
En Colombie, l'interdiction de ce produit n'interviendra qu'en février prochain.
A l'échelle du pays, pas moins de 3.000 ruches, abritant quelque 50.000 abeilles, meurent chaque année, selon les chiffres officiels.
L'initiative de Honey bee impact a pour but d'encourager les apiculteurs à remplacer les ruches contaminées, et à rendre les abeilles davantage "à l'aise dans leur ruche" en leur donnant plus d'espace pour se reproduire, note M. Perilla.
L'apiculture est pour Maria Zoila Acevedo un "engagement" en faveur de l'environnement, car, rappelle-t-elle, à l'échelle mondiale, "la principale menace est la disparition des abeilles, et sans abeilles il n'y a pas d'humains car nous manquerons de nourriture".