«Aider les Afghanes» mais les accueillir «au compte-goutte»: Afghanes et ONG dénoncent «l'hypocrisie» occidentale

Des jeunes Afghanes, exilées en France à la faveur d'un visa, racontent la brutalité du régime taliban et dénoncent "l'hypocrisie", selon elles, du discours occidental, qui s'émeut du sort des Afghanes mais les aide insuffisamment à fuir. (AFP)
Des jeunes Afghanes, exilées en France à la faveur d'un visa, racontent la brutalité du régime taliban et dénoncent "l'hypocrisie", selon elles, du discours occidental, qui s'émeut du sort des Afghanes mais les aide insuffisamment à fuir. (AFP)
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Publié le Mercredi 27 décembre 2023

«Aider les Afghanes» mais les accueillir «au compte-goutte»: Afghanes et ONG dénoncent «l'hypocrisie» occidentale

  • Frozan Safi se sentait en danger depuis leur retour au pouvoir et cherchait à s'enfuir en Allemagne. Les pays occidentaux "disaient qu'ils soutiendraient" les Afghanes, "mais ce n'étaient que des mots"
  • Rita Safi voit, elle, sa vie changer quand un journaliste français écrit son histoire et soutient sa demande de visa

PRES DE PARIS: Dans le téléphone de Rita Safi, une vidéo montre un cercueil recouvert d'un drap rouge, celui de sa soeur Frozan, tuée après le retour au pouvoir des talibans. Un symbole, selon elle, du double discours de l'Occident, qui s'émeut du sort des Afghanes mais ne leur offre pas assez refuge.

Frozan Safi était une militante pour les droits des femmes connue de Mazar-i-Sharif, grande ville dans le nord de l'Afghanistan. Son corps a été retrouvé fin octobre 2021, deux mois et demi après la chute de la République d'Afghanistan.

"On lui a tiré sept fois dessus. Son visage était totalement détruit", se souvient sa cadette Rita, rencontrée par l'AFP dans un centre d'accueil de banlieue parisienne, quelques jours après son arrivée en France.

Le ministère de l'Intérieur du nouveau régime afghan a incriminé deux hommes, chez qui les dépouilles de Frozan Safi et de trois autres femmes avaient été retrouvées. Rita balaie cette version officielle: "elle a été sauvagement tuée par les talibans", affirme cette bientôt trentenaire.

Frozan Safi se sentait en danger depuis leur retour au pouvoir et cherchait à s'enfuir en Allemagne. Les pays occidentaux "disaient qu'ils soutiendraient" les Afghanes, "mais ce n'étaient que des mots", soupire Rita.

Après la mort de sa soeur, des médias occidentaux l'interrogent. Elle affirme se retrouver elle aussi dans la ligne de mire des autorités talibanes: "ils ont dit à mon père que si je n'arrêtais pas de parler, ils me feraient la même chose."

«Dossiers noyés dans la masse»

En décembre 2021, elle s'enfuit au Pakistan, visa de deux mois en poche, espérant être accueillie rapidement ensuite en Occident. Elle vivra deux ans, illégale, cachée dans les faubourgs d'Islamabad.

Pendant ce temps, la condition des femmes ne cesse d'empirer en Afghanistan. L'administration talibane leur interdit progressivement l'accès aux études secondaires, universités, parcs, salles de sport, hammams... Beaucoup perdent leur emploi.

Rita Safi voit, elle, sa vie changer quand un journaliste français écrit son histoire et soutient sa demande de visa. Le 8 décembre, elle atterrit à Paris avec une dizaine d'autres Afghanes parties d'Islamabad. Toutes demandent l'asile en France et l'obtiendront vraisemblablement.

"Des femmes comme Rita, il y en a énormément au Pakistan, qui ont eu des proches tués ou enlevés en Afghanistan, ont été menacées, et vivent aujourd'hui dans des conditions abjectes. Mais si elles n'ont pas rencontré un Occidental voulant les aider, leurs dossiers sont noyés dans la masse", regrette Margaux Benn, journaliste membre du collectif Accueillir les Afghanes.

La France affirme avoir délivré plus de 15.000 visas à des ressortissants afghans depuis 2021, "principalement au bénéfice de femmes, défenseurs des droits de l'Homme, journalistes et magistrats".

Mais ce chiffre "ne correspond à aucune réalité", selon Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d'Asile. Depuis plus d'un an, "il n’y a plus personne qui arrive depuis l'Afghanistan, et les Afghanes arrivent du Pakistan au compte-goutte", note-t-elle.

Sollicité par l'AFP, le ministère des Affaires étrangères français n'a pas donné suite.

Depuis le retour au pouvoir des talibans mi-août 2021, le Royaume-Uni a accueilli 21.500 Afghans, dont 70% lors de l'évacuation de Kaboul par pont aérien, fin août 2021. Les Etats-Unis ont accepté 90.000 Afghans, dont plus de 80% lors de l'évacuation de Kaboul. Plus de 30.000 Afghans sont arrivés en Allemagne, selon Berlin, "très préoccupé" par ailleurs "par la situation des Afghans contraints de quitter le Pakistan".

Harcèlement au Pakistan

Car ce pays, où 600.000 Afghans ont fui depuis l'été 2021, a lancé une vaste opération de refoulement de ceux vivant sans papiers sur son sol. Plus de 345.000 personnes sont rentrées en Afghanistan ou ont été expulsées depuis octobre.

Elle-même affirme avoir fui à Islamabad en mars 2021 après avoir été menacée de mort par des talibans car elle travaillait pour les Etats-Unis.

Au Pakistan, Mme Hashim assure avoir participé à la création d'une organisation à laquelle un millier d'Afghanes avaient adhéré. "Quatorze d'entre elles ont été déportées. Nous ne savons pas ce qu'elles sont devenues", s'effraie-t-elle.

L'épouse et les deux enfants d'un Afghan vivant légalement en Espagne ont aussi été expulsés début octobre du Pakistan vers l'Afghanistan après plusieurs années de procédures infructueuses, dénonçait récemment la Commission espagnole d'aide au réfugié, une ONG.

"Les femmes afghanes sont abandonnées à leur sort", "tant les procédures d'obtention de visa sont longues et complexes", pointe Tchérina Jerolon, d'Amnesty international.

La Suède, en décembre 2022, et le Danemark, en février 2023, deux pays désormais très stricts sur l'immigration, ont décrété l'attribution automatique de visas pour les Afghanes. Mais leurs statistiques migratoires, où le genre n'apparaît pas, ne permettent pas de déterminer l'impact de cette réforme.

L'Occident parle de "démocratie et de droits humains, mais nous laisse à la merci d'un régime qui nous a fermé toutes les portes, qui a effacé notre existence", vitupère Naveen Hashim, dont la soeur Farah espère au Pakistan un visa pour la France. "Pour moi, c'est de l'hypocrisie".


Israël : Netanyahu revient sur son choix pour la direction du Shin Bet

Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
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  • La nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 
  • M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

JERUSALEM : Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mardi être revenu sur son choix pour le nouveau directeur de l'Agence de la sécurité intérieure (Shin Bet) après que son candidat a été critiqué à Washington par un influent sénateur.

« Lundi, M. Netanyahu a de nouveau rencontré le vice-amiral [Eli] Sharvit à propos de sa nomination à la tête du Shin Bet », indique un communiqué du Bureau du Premier ministre.

Il l'a « remercié [...] d'avoir répondu à l'appel du devoir, mais l'a informé qu'après plus ample considération, il avait l'intention d'examiner d'autres candidatures », a indiqué un communiqué du bureau de M. Netanyahu.

Ce revirement soudain survient après que la nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 

« S'il est vrai que l'Amérique n'a pas de meilleur ami qu'Israël, la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet est plus que problématique », a écrit M. Graham sur X.

« Mon conseil à mes amis israéliens est de changer de cap et d'examiner plus minutieusement le passé de leur candidat », a-t-il ajouté, notant que des « déclarations » de l'amiral Sharvit « sur le président Trump et sa politique créeraient des tensions inutiles à un moment critique ».

M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

La décision de démettre M. Bar de ses fonctions, en qui M. Netanyahu dit ne plus avoir confiance, est fortement critiquée en Israël où les manifestations se multiplient contre le gouvernement et contre ce qui est perçu par ses opposants comme une dérive dictatoriale du Premier ministre.


Ukraine : Poutine « reste ouvert à tout contact » avec Trump, après ses critiques selon le Kremlin

Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
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  • « Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
  • Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

MOSCOU : Vladimir Poutine « reste ouvert à tout contact » avec son homologue américain Donald Trump, a affirmé lundi le Kremlin, après les critiques du locataire de la Maison Blanche à l'encontre du président russe malgré leur rapprochement entamé depuis plusieurs semaines.

« Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien, précisant qu'« aucun » nouvel appel entre les deux dirigeants n'était « prévu pour l'instant ».

Donald Trump a dit à la chaîne américaine NBC être « très énervé, furieux » envers son homologue russe, après que ce dernier eut évoqué l'idée d'une « administration transitoire » en Ukraine, sans son président actuel, Volodymyr Zelensky.

Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

Ces dernières semaines, Moscou et Washington ont convenu d'une remise à plat de leurs relations bilatérales, très fortement dégradées par des années de tensions, qui ont culminé depuis 2022 avec le déclenchement de l'assaut russe contre l'Ukraine, soutenue par les États-Unis.

Donald Trump, qui souhaite mettre fin au conflit le plus rapidement possible, a également menacé la Russie de nouvelles taxes sur le pétrole russe si aucun accord n'était trouvé.

Or, la manne financière issue de la vente de son or noir est vitale pour Moscou, qui doit financer son offensive en Ukraine, particulièrement coûteuse.

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté plus tôt ce mois-ci la proposition de cessez-le-feu inconditionnel de Donald Trump en Ukraine, que Kiev avait pourtant acceptée sous pression américaine.

Lundi, Dmitri Peskov a martelé que la Russie continuait à travailler « tout d'abord sur l'établissement de relations bilatérales et nous travaillons également sur la mise en œuvre de certaines idées liées au règlement ukrainien ».

« Le travail est en cours. Il n'y a pas encore de détails précis. Il s'agit d'un processus qui prend du temps, probablement en raison de la complexité du sujet », a-t-il poursuivi.


Lutte contre l'immigration clandestine : plus de 40 pays réunis à Londres

Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
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  • Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale.
  • Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

LONDRES : Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale, un dossier prioritaire pour Londres.

Le dirigeant travailliste, qui a pris ses fonctions en juillet dernier, a promis, comme ses prédécesseurs conservateurs, d'endiguer le phénomène des « small boats » (petits bateaux) en luttant contre les réseaux de passeurs.

Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

Keir Starmer donnera le coup d'envoi de ce « premier grand sommet international organisé au Royaume-Uni pour faire face à l'urgence de l'immigration clandestine », qui se tiendra sous la houlette de la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper.

Le ministre français Bruno Retailleau et son homologue allemande Nancy Faeser sont attendus, de même que des représentants du reste de l'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique du Nord, y compris des États-Unis.

Les discussions porteront sur la collaboration entre les États pour démanteler les réseaux de passeurs de migrants, notamment vers le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne.

« Je ne crois tout simplement pas qu'il soit impossible de s'attaquer à la criminalité organisée liée à l'immigration », a déclaré le dirigeant travailliste dans un communiqué diffusé dimanche par le ministère de l'Intérieur.

- « Consensus mondial » -

« Nous devons combiner nos ressources, partager nos renseignements et nos tactiques, et nous attaquer au problème en amont », doit-il ajouter.

Ce sommet s'inscrit dans le prolongement des discussions que Mme Cooper avait eues en décembre avec ses homologues belge, allemand, français et néerlandais.

Les cinq pays avaient alors signé un plan d'action commun destiné à renforcer la coopération pour lutter contre ces réseaux de passeurs de migrants.

Le sommet de cette semaine réunira des représentants de pays de départ de migrants, comme le Vietnam ou l'Irak, ainsi que de pays de transit, comme ceux des Balkans.

Il réunira également le directeur de la Border Force, l'agence responsable des opérations de contrôle de la frontière au Royaume-Uni, ainsi que des représentants d'Interpol, d'Europol et d'Afripol.

Selon le ministère britannique de l'Intérieur, les ministres discuteront de l'équipement, de l'infrastructure et des faux papiers que les bandes criminelles utilisent pour faire entrer des personnes illégalement.

Ils examineront également le fonctionnement des filières et chercheront à « établir un consensus mondial sur la lutte » contre le recrutement de migrants en ligne.

Les Britanniques souhaitent également voir avec la Chine comment elle peut cesser d'exporter des moteurs et d'autres pièces détachées de petits bateaux utilisés pour les traversées de la Manche.

Keir Starmer est sous pression, face à la montée du parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage, qui a obtenu environ quatre millions de voix lors des élections générales de juillet, un résultat sans précédent pour un parti d'extrême droite.

Le Premier ministre a comparé les passeurs d'immigrés clandestins à des « terroristes ». En réponse, son gouvernement a introduit un projet de loi conférant aux forces de l'ordre des pouvoirs comparables à ceux dont elles disposent en matière de lutte antiterroriste, afin de combattre ces réseaux.

En février, le gouvernement a durci les règles d'acquisition de la nationalité pour la rendre pratiquement impossible à une personne arrivée illégalement au Royaume-Uni.

Il a aussi annoncé des règles plus strictes en matière de droit du travail.

« Fermer les yeux sur le travail illégal fait le jeu des passeurs qui tentent de vendre des places sur des bateaux peu solides et surchargés en promettant un travail et une vie au Royaume-Uni », a déclaré dimanche Mme Cooper, citée dans un communiqué de son ministère.

Au total, plus de 157 770 migrants sont arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche à bord de petites embarcations depuis que le gouvernement a commencé à collecter des données en 2018.