WASHINGTON: "L'Amérique est de retour!": trois ans après cette promesse pleine d'enthousiasme du président Biden, l'image des Etats-Unis sur la scène internationale est à nouveau secouée par son soutien indéfectible à Israël dans sa guerre contre le Hamas.
Depuis le début du conflit, les Etats-Unis ont plus d'une fois fait bande à part. Comme à l'ONU, où ils ont opposé coup sur coup deux veto à des résolutions appelant à un "cessez-le-feu humanitaire" à Gaza.
La première puissance économique mondiale est timidement sortie de son isolement vendredi, en décidant de ne pas bloquer un texte au Conseil de sécurité exigeant l'acheminement d'une aide humanitaire "à grande échelle" dans le territoire palestinien.
Contrairement à certains de leurs plus proches alliés -- le Royaume-Uni, la France et le Japon ont voté en faveur de la résolution -- les Etats-Unis se sont abstenus. Seule la Russie a fait de même.
Biden serrant Netanyahu
Une semaine plus tôt, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, les Etats-Unis n'ont eu que l'Autriche et la République tchèque comme partenaires européens lorsqu'ils se sont opposés à un cessez-le-feu.
La situation provoque un malaise grandissant.
"La façon dont tout cela est perçu dans le reste du monde, c'est que les Etats-Unis se préoccupent des Israéliens, des Ukrainiens", mais qu'ils se soucient beaucoup moins des populations qui ne sont pas occidentales, note Leslie Vinjamuri, du cercle de réflexion londonien Chatham House.
Contrairement à son prédécesseur Donald Trump, qui soutenait Israël sans réserve, le président Biden a plus d'une fois perdu patience avec son allié historique -- au point d'étaler publiquement ses divergences avec le gouvernement conservateur de Benjamin Netanyahu.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a exhorté le monde à rediriger son indignation vers le Hamas, dont les combattants ont attaqué Israël le 7 octobre, tuant environ 1.140 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir du dernier bilan israélien, et enlevé quelque 250 personnes.
En riposte, Israël a juré de détruire le mouvement islamiste et pilonne sans relâche Gaza, où au moins 20.258 personnes, majoritairement des femmes et des enfants, ont été tuées et plus de 53.000 blessées, selon un dernier bilan du gouvernement du Hamas.
Les responsables de l'administration américaine répètent aussi que les pressions exercées en coulisses portent leurs fruits, Israël ayant accepté de laisser entrer du carburant, de rétablir l'accès à l'internet et d'ouvrir les points de passage vers Gaza.
Mais ce double récit de Joe Biden "serrant Netanyahu dans ses bras, tout en pressant discrètement" Israël, n'a pas été crédible très longtemps, estime Leslie Vinjamuri.
«Parti pris total»
Selon un sondage publié fin novembre mené auprès de publics arabes, 7% seulement estiment que les Etats-Unis ont joué un rôle positif dans la guerre entre Israël et le Hamas.
La réputation de Washington s'était déjà sérieusement dégradée après l'invasion de l'Irak il y a vingt ans.
Mais jusqu'à peu, "l'Amérique surfait encore sur cette image d'un pays incarnant (...) la démocratie, les droits humains, la liberté d'expression... autant de valeurs dignes du fameux rêve américain", souligne Munqith Dagher, à la tête de l'organisation qui a mené le sondage, Al Mustakilla.
Le déluge d'images crues provenant de Gaza, repartagées en masse sur les réseaux sociaux, "a vraiment fait basculer la situation". Il a montré aux Arabes le "parti pris total des Etats-Unis pour les Israéliens et leur non-respect des droits humains des Palestiniens", estime-t-il.
Les premiers à profiter de ce basculement de l'opinion publique ont été la Chine et la Russie et, de manière plus frappante, l'Iran.
La Chine a nettement musclé ses efforts diplomatiques dans la région, mais l'administration Biden a mis Pékin au pied du mur en l'exhortant à user de son influence auprès de Téhéran pour mettre fin aux attaques récentes des rebelles Houthis du Yémen contre des navires commerciaux en mer Rouge.
La Chine ne dispose que d'un dispositif militaire limité au Moyen-Orient, et les Etats-Unis ont finalement monté une coalition militaire pour défendre le trafic maritime dans la zone.
Pour Brian Katulis, du cercle de réflexion Middle East Institute, de nombreux pays arabes qui dénoncent la politique étrangère de Washington "sont les mêmes à profiter du dispositif sécuritaire mis en place par les Etats-Unis".
"Je détecte une certaine forme de schizophrénie dans un grand nombre de déclarations émanant du monde arabe. Ils ne peuvent pas vivre avec nous, mais ils ne peuvent pas non plus vivre sans nous", a-t-il affirmé.