RABAT: L'organisation Reporters Sans Frontières (RSF) dénonce les conditions «indignes» dans lesquelles un journaliste tunisien purge actuellement une peine de cinq ans de prison pour avoir refusé de révéler ses sources dans le cadre d'un article lié au terrorisme. RSF appelle à sa libération.
Khalifa Guesmi, journaliste radio, a subi des mauvais traitements depuis son arrestation le 3 septembre d'après l'ONG et des témoins. Correspondant pour la radio privée Mosaïque FM et ancien reporter pour le quotidien Al Chourouk ainsi que les chaînes de télévision Attessia TV et Carthage+, Guesmi s'est démarqué par ses enquêtes approfondies sur des questions de sécurité. Il se retrouve aujourd'hui à purger la peine la plus longue jamais infligée à un journaliste en Tunisie relève RSF, pour qui cette peine symbolise la répression de la liberté de la presse dans le pays.
Le journaliste de 48 ans a été soumis à des traitements dégradants depuis son transfert à la prison de Mornaguia, dans la banlieue sud-ouest de Tunis, le 3 septembre. Selon RSF, il est régulièrement attaqué verbalement par les gardiens, contraint de partager son lit avec deux ou trois autres détenus, et détenu dans des cellules surpeuplées contenant des dizaines de détenus.
Lors d'une conférence de presse organisée à l'occasion de la Journée des droits de l'homme le 10 décembre, la femme de Guesmi a déclaré : «Khalifa est un vrai journaliste, qui n’a fait que son travail selon les principes du journalisme. Sa place n’est pas en prison, mais avec sa famille et sur son lieu de travail».
«Message politique»
L'un de ses avocats, Mohamed Ali Bouchiba, a rapporté des «améliorations très minimes» de ses conditions de détention au début de décembre, bien que celles-ci demeurent inacceptables pour l'ONG.
«Au lieu d’être dans une cellule avec 100 détenus, il est dans une cellule avec 20 détenus. Ils appellent cela une amélioration!», a déclaré Bouchiba, ajoutant que Guesmi est très fatigué et démoralisé. «Il n’accepte pas le fait d’être en prison pour une affaire antiterroriste alors qu’il n’a fait que son travail de journaliste en toute indépendance. Khalifa Guesmi est victime d’une terrible injustice, [...] cette situation ne peut plus durer».
Khaled Drareni, représentant de RSF pour l'Afrique du Nord, a déclaré: «À l’injustice du verdict prononcé par la Cour d’appel de Tunis, s’ajoutent désormais des insultes et des mesures vexatoires en prison. RSF prend acte d’une amélioration minime mais encore insuffisante de ses conditions carcérales et réitère son soutien au journaliste, dont le travail, fondé sur l’éthique du métier, ne justifie pas son emprisonnement. Les mesures vexatoires contre ce professionnel de l’information doivent cesser, mais surtout il doit être libéré».
Guesmi a été poursuivi pour «divulgation d’informations en violation des dispositions de la loi antiterroriste et du Code pénal», suite à un article publié sur le site de Mosaïque FM traitant du démantèlement d'une cellule terroriste à Kairouan.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens considère sa condamnation comme un «un message politique qui exprime clairement le passage à la vitesse supérieure en matière de répression de la presse et des journalistes, dans une tentative de les soumettre en utilisant l’appareil judiciaire».