CASABLANCA: L’art palestinien est à l’honneur au Maroc. À travers l’événement baptisé «Eye on Palestine», depuis plusieurs semaines, les Marocains découvrent ou redécouvrent la Palestine, son peuple, son Histoire grâce à des films réalisés par des cinéastes originaires de ce pays du Proche-Orient.
À l’origine, c’est une idée, «née de manière spontanée», qui a inspiré quatre amis, dans le but d’apporter leur soutien à la Palestine. Soraya el-Kahlaoui est l’une d’entre eux. La réalisatrice, chercheuse et spécialiste «des questions de dépossessions et de conflits de propriété dans le monde arabe», voulait apporter sa pierre à l’édifice.
«Je pense qu’on se demande tous ce qu'on peut faire face au génocide en cours en Palestine. Au Maroc, de grandes manifestations sont organisées. On s'est dit qu’il serait bien d'essayer de mobiliser les acteurs et institutions culturelles en organisant, de manière hebdomadaire, des rencontres autour de projections-débats, avec des films réalisés par des Palestiniens», explique Mme El-Kahlaoui.
Ainsi, avec le soutien de différentes institutions culturelles, chaque vendredi, les films sont projetés simultanément à Tanger, Fès, Marrakech, Rabat, Tiznit et Casablanca. Les fictions et documentaires diffusés sont «proposés et validés» par une artiste palestinienne. Une étape «nécessaire» selon les organisateurs qui ont à cœur de «s'assurer que le film est réalisé par un(e) Palestinien(ne) et qu'il n’existe pas de problème dont on n’aurait pas pu avoir connaissance au sujet de sa production».
Une autre forme d'esthétique
«On essaie de mêler de la comédie, du drame, du documentaire, du nouveau, de l'ancien… Nous sommes tous assommés par les images très violentes qui circulent et nous voulions donner de la visibilité à une autre forme d'esthétique issue de Palestine. Le public qui vient est hétéroclite. Il n’y a pas d’étiquette politique, toutes les tranches d’âge sont représentées, et il y a autant d’hommes que de femmes.»
Ces rendez-vous cinématographiques et citoyens, organisés spontanément, ont contribué à générer des échanges riches et à «retisser des liens culturels entre la Palestine et le Maroc».
«L’un des objectifs principaux est de rapprocher les Marocains de la réalité palestinienne. Nous avons cherché à dissocier la perception de la Palestine du prisme des images de guerre. Une observation qui m'a particulièrement marquée à la fin de la projection du premier documentaire fut: “Finalement, ils sont comme nous!” J’ai alors compris que ces projections étaient utiles», souligne la réalisatrice.
Lieux de projection
- Think Tanger, Tanger
- FMD, Rabat
- L'Fadae, Casablanca
- Medina social club, Fès
- Le 18, Marrakech
- L'Blend, Tiznit
Pour faire entendre leurs voix, les membres d’Eye on Palestine ont misé sur les réseaux sociaux. Ils partagent stories et publications sur la réalité du terrain et sur les actions mises en place au Maroc. «On ne peut pas manifester dans la rue de manière régulière, on a tous des obligations de vie, donc l’une des manières de maintenir une présence et un soutien continus, c'est avec le flux du digital», précise Soraya el-Kahlaoui.
En marge du Festival international du film de Marrakech, une action a d’ailleurs été menée dans la ville ocre. Plusieurs professionnels du septième art ont appelé les organisateurs de l’événement «à prendre une position plus claire quant à leur soutien à la Palestine».
Un sit-in a également été organisé, ainsi que la projection du documentaire Bank of Targets, du journaliste Rushdi Saraaj, relatant la situation chaotique et les bombardements subis par les Gazaouis depuis plusieurs années. Le réalisateur a lui-même été tué par l’une de ces attaques le 22 octobre dernier, à Gaza.
«Le cessez-le-feu n'a pas tenu très longtemps et je crains qu’Israël n'arrête pas les bombardements. On se demande comment maintenir la solidarité dans la durée, face à une guerre qui persiste. Nous suivons l'évolution des frappes sur Gaza, et nous devrons réfléchir à la définition de nos actions à venir», conclut la réalisatrice.