RIYAD: «La lumière est la nouvelle encre», affirme l’expert en art basé au Royaume-Uni, Neville Wakefield, l’un des conservateurs de Noor Riyadh, présenté comme le plus grand festival d’art lumineux du monde, qui se tient au sein de la capitale saoudienne jusqu’au 16 décembre.
De la fibre optique à l’intelligence artificielle en passant par les écrans mobiles, la lumière, selon M. Wakefield, est devenue un outil essentiel pour la communication, la technologie et l’expression modernes. «Le siècle précédent a été essentiellement défini par l’imprimé et l’écrit. Ce siècle est défini par la lumière. C’est ainsi que nous nous exprimons dans le monde», confie-t-il à Arab News.
Des dizaines d’œuvres d’art basées sur la lumière – des installations à grande échelle à l’art vidéo animé – et créées par une centaine d’artistes en provenance du monde entier sont exposées dans cinq espaces publics, dont le quartier Jax et Wadi Namar, dans la ville, ce qui en fait un événement accessible, apprécié par les adultes comme par les enfants. Les artistes explorent une grande variété de thèmes, notamment l’identité, la politique, la poésie, la nature et la connectivité.
«Avec la lumière, vous pouvez créer quelque chose d’éphémère et qui ne laisse aucune trace», explique M. Wakefield. «L’art de la lumière a toujours eu sa place.»
Sept artistes saoudiens font part à Arab News de l’inspiration qui est à l’origine des œuvres qu’ils présentent dans le cadre du festival.
Hana Almilli
À travers son installation textile Journey Through the Ripples of the Sand, Almilli invite le spectateur dans «un royaume de contemplation et d’introspection». Son œuvre se compose d’un cocon qui présente des tissus suspendus illuminés; il est accompagné d’un élément auditif, avec un poème récité au milieu d’une vallée, le Wadi Namar. Marcher à travers l’espace est censé représenter un «voyage qui évoque la fin des sentiments d’aliénation et conduit à la prise de conscience que nous ne sommes pas seuls – nous sommes tous tissés à partir du même tissu de sable au-dessus et en dessous de la terre», explique Mme Almilli. La construction en forme de labyrinthe de l’installation est basée sur «la danse des plantes dans le désert, qui fait écho à l’unité et à l’harmonie trouvées dans la nature ainsi qu’au plus profond de nous», ajoute-t-elle.
Abdelrahmane Elshahed
Calligraphe de formation, M. Elshahed a décoré sa sculpture avec les mots «lumière sur lumière» (en arabe). Son œuvre est présentée sous une forme abstraite, sens dessus dessous, mais la calligraphie est basée sur le style thuluth, l’une des plus anciennes formes de l’écriture arabe.
«Ce qui est beau dans l’œuvre, c’est que l’écriture peut être lue de tous les côtés», explique M. Elshahed. «L’arabe se lit généralement de droite à gauche. J’ai essayé, dans cette pièce, de rendre lisible l’écriture de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas, de bas en haut. La pièce change subtilement de couleur, majoritairement dans des tons fluo, ce qui donne un effet apaisant. Dans notre vie quotidienne, nous voyons de nombreuses couleurs, mais elles ont une seule source: la lumière», rappelle-t-il.
Nawaf Alkuhaimi
M. Alkuhaimi est un médecin à temps plein spécialisé en ophtalmologie. Cela a eu une incidence sur Chromalusion, son travail sculptural présenté à Noor Riyadh, qui agit comme une illusion d’optique. Les couleurs dominantes sont le rouge, le blanc et le vert – celles qu’on associe aux tests oculaires. M. Alkuhaimi a placé deux miroirs inclinés sur un sol en miroir pour générer une sorte d’illusion de l’infini. «En principe, avec des miroirs à la maison, on voit son propre reflet. Mais, avec ces miroirs, vous percevez l’image que les gens ont de vous dans la vie quotidienne», précise-t-il. «La pièce crée délibérément un sentiment troublant chez les spectateurs qui les pousse à être «honnêtes avec eux-mêmes». Il y a un élément métaphorique dans l’œuvre du Dr Alkuhaimi: «J’aimerais inviter tous ceux qui voient ce projet à se réinventer – à reconsidérer leurs démarches, leurs rêves et leurs aspirations», confie-t-il.
Ayman Yossri Daydban
M. Daydban est d’origine palestinienne et réside à Djeddah. Il présente une immense «cabane» en bois qui fait partie d’une expérimentation matérielle en cours de l’artiste. Les deux murs et le plafond de la structure sont sculptés de nombreux symboles singuliers qui attirent la lumière à l’intérieur et créent un effet éblouissant. Selon un communiqué publié par le festival, l’installation in situ – sur laquelle M. Daydban a commencé à travailler en 2019 – «déconstruit les récits stéréotypés liés au patrimoine culturel et à l’identité ainsi que la relation historique du Moyen-Orient avec les puissances coloniales occidentales».
Badiya Studio
Symphony of Light de Badiya Studio combine, comme son nom l’indique, le son et la lumière à travers une œuvre d’art immersive. Dans une pièce sombre seulement éclairée par des bandes de lumières rapides, trois musiciens folkloriques battent sur des tambours traditionnels appelés «zeer», ce qui déclenche les jeux de lumière. En plus de «synthétiser la musique traditionnelle avec une technologie de pointe», l’un des principaux objectifs de cette performance mémorable est de «célébrer le riche patrimoine culturel de l’Arabie saoudite», explique sur Instagram le studio Badiya (Mohammed al-Hamdan et Mohammed al-Kindi). Le trio s’est produit pendant le week-end d’ouverture de l’événement, mais, désormais, les visiteurs peuvent battre eux-mêmes les tambours et créer ainsi leur propre spectacle.
Sara AlMutlaq
Il a fallu une équipe de sept personnes qui a travaillé pendant sept jours (à raison de dix heures par jour) pour assembler l’œuvre conceptuelle et pleine de câbles d’AlMutlaq, Do We Ever Really Remember The Same? («Est-ce qu’on se rappelle toujours la même chose?»). Selon AlMutlaq, cette pièce «remet en question les souvenirs que nos esprits décident de collecter, de catégoriser et d’archiver». Agissant comme un «centre de commande de notre cerveau», cette installation circulaire, qui ressemble un peu à une carte du monde, est composée de fils de fibre optique, d’un miroir et de lumières LED. «Le spectateur attentif constatera que le fil est plié, tordu et boulonné pour raconter une histoire sur la relation entre la mémoire et l’identité à travers le temps», explique-t-elle. L’ouvrage aborde également la phase de transformation rapide que traverse l’Arabie saoudite: «Comment aborder avec bienveillance les souvenirs laissés par nos pères et nos grands-pères?», s’interroge l’artiste.
Sultan ben Fahad
Pour son installation V151ONS, cet artiste s’est inspiré du passé et du futur. L’extérieur du «bâtiment» ressemble à une maison en terre cuite traditionnelle, mais à l’intérieur se trouvent des lumières kaléidoscopiques dans une structure trapézoïdale futuriste constituée de caissons lumineux en vitraux visibles à travers une ouverture rectangulaire. «C’est tout droit sorti d’un roman de science-fiction», annonce M. Ben Fahad. L’œuvre explore «des thèmes en lien avec le temps et des symboles résonnants de l’identité saoudienne à travers un prisme d’idées», poursuit-il. Parmi ces symboles, on trouve des épées, des palmiers et des fleurs qui se croisent. L’artiste espère que son travail permettra au public d’«acquérir une compréhension significative de la culture saoudienne et de notre évolution constante».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com