Paris : Le port de la charlotte peut-il être considéré comme un signe religieux, et donc banni de l'hôpital public? Dans certains cas, oui, répond le guide sur la laïcité publié par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), pour guider son personnel dans des situations potentiellement conflictuelles.
«La laïcité est souvent mal comprise, il était utile de remettre à plat un socle commun pour tout le monde», explique Claire Chedru, une responsable juridique de l'AP-HP, lors d'un colloque organisé par ce grand centre hospitalier français.
«On aborde des questions relativement simples» comme le port de signe explicitement religieux par les agents, «totalement interdit», et des sujets «plus complexes», comme «le détournement des tenues professionnelles».
Le port de la charlotte -une coiffe à bord froncé porté pour des raisons d'hygiène- est l'une des 15 situations pratiques examinée par le guide de l'AP-HP.
La porter alors que le service ne l'exige pas, pour une motivation religieuse, n'est pas justifié. Et l'agent qui la porte, malgré les demandes de sa hiérarchie, «s'expose à une procédure disciplinaire».
De même, un jardinier n'a pas le droit de tenir des propos religieux dans le jardin de l'hôpital, même s'il n'est pas en contact direct avec les patients.
Un agent ne peut refuser de serrer la main de ses collègues féminines pour des motifs religieux, alors qu'il serre la main de ses collègues masculins.
A l'inverse, la barbe, même longue, ne peut être en soi interprétée comme un signe religieux.
- Des manquements «quotidiens» -
Le guide était nécessaire parce que le principe de laïcité des services publics est de plus en plus mal compris par la population, et donc par les soignants, selon plusieurs intervenants à ce colloque, qui s'est tenu vendredi.
Les nouvelles générations voient souvent dans la laïcité une restriction à leur liberté, et non une libération face aux pouvoirs religieux, ont-ils noté.
«On passe un temps fou à essayer de faire en sorte que les règles (sur la laïcité) soient respectées», déplore une femme médecin participant au colloque de l'AP-HP, qui n'a pas souhaité donner son identité.
«Et on voit cela très souvent: le médecin, l'infirmière, l'aide-soignante qui dit +tu ne veux pas que je mette mon voile? Et bien je m'en vais +», raconte-t-elle.
«Depuis dix ans, les manquements sont devenus quotidiens», confirme Didier Frandji, directeur d'hôpital à l'AP-HP. Mais avec du «bon sens», du «dialogue» et de la «pédagogie», «on règle 95% des cas».
L'islam, souvent mis en cause dans les cas de friction avec la laïcité, n'est pas la seule religion en cause. «La croix catholique réapparait», relève Didier Frandji. «Souvent, on me dit que c'est un bijou, mais si je dois commencer à interpréter ce qui est un bijou et ce qui ne l'est pas...».
Pourtant, dans un lieu où souffrance et solitude sont prégnantes, le réconfort que peut apporter la religion ne peut être ignoré, estime Alain Olympie, représentant des usagers au sein de l'AP-HP.
«Quand vous êtes un patient, parfois personne ne vous dit qu'il y a des aumôniers» dans l'hôpital, par application stricte du principe de laïcité, regrette-t-il.
Dans la salle du colloque, une femme portant le voile a approuvé la recherche de clarté de l'AP-HP. «Il faut protéger la laïcité», dit cette jeune femme, aumônière musulmane à l'hôpital.
Mais il y a encore du chemin à faire dans la clarification des règles, ajoute-t-elle. «Je ne sais pas si en tant qu'aumônière, j'ai le droit de porter le voile à l'hôpital...»