GAZA: "Refaat ne possédait qu'un stylo". La famille et les amis du poète palestinien Refaat Alareer, mort sous les bombes à Gaza, ont rendu vendredi un vibrant hommage à cet intellectuel féru de Shakespeare mais critiqué pour des déclarations controversées sur Israël.
Le professeur de littérature anglaise à l'Université islamique de Gaza a été tué après des frappes meurtrières dans le nord de la bande de Gaza, ont indiqué dans la nuit de jeudi à vendredi ses proches et le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir depuis 2007 dans ce territoire palestinien.
"Nous sommes enveloppés dans d'épaisses couches de poudre à canon et de ciment", écrivait Refaat Alareer dans l'un de ses derniers messages sur le réseau social X, le 4 décembre.
"Nombreux sont ceux qui restent piégés à Chajaya", dans l'ouest de la ville de Gaza, "dont quelques-uns de mes enfants et des membres de ma famille", s'alarmait-il le même jour.
Israël a lancé une vaste opération pour "anéantir" le mouvement islamiste Hamas, en riposte à l'attaque de ses commandos sur son sol le 7 octobre qui a fait 1.200 morts, en majorité des civils, selon les autorités israéliennes.
A Gaza, l'offensive et les bombardements de l'armée israélienne ont fait près de 17.500 morts, à 70% des femmes, des enfants et des jeunes de moins 18 ans, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Quelques jours après le début des opérations terrestres israéliennes fin octobre, Refaat Alareer avait dit refuser de quitter le nord de Gaza, épicentre alors des combats.
"Il n'existe aucun endroit sûr à Gaza, c'est pourquoi il a choisi de rester dans sa maison", explique à l'AFP son cousin Mohamed Alareer, qui a perdu "un ami à vie, tombé en martyr".
"Toute la famille lui avait demandé de partir car c'était très dangereux mais il répondait toujours: +je suis seulement un universitaire, un civil, chez moi. Je ne partirai pas+", confie ce professeur d'histoire, présent vendredi à ses funérailles. "L'occupation (israélienne) est sans pitié et n'a aucune considération pour les universitaires, les médecins, les enseignants ou les journalistes".
Passionné de Shakespeare
Il avait publié sur X un poème devenu viral intitulé "If I must die" ("Si je devais mourir") qui se conclut par ces mots: "Que cela apporte de l'espoir, que cela soit un conte".
"Repose en paix Refaat Alareer. Nous continuerons à être guidés par ta sagesse, aujourd'hui et pour l'éternité", a aussi témoigné l'auteur et journaliste Ramzy Baroud.
L'universitaire était l'un des cofondateurs du projet "We are not numbers" ("Nous ne sommes pas des chiffres"), jumelant des auteurs de Gaza à des "mentors" à l'étranger qui les aident à écrire des récits en anglais sur leur quotidien.
Refaat Alareer était décrié pour certaines déclarations sur X, où il était suivi par plus de 95.000 abonnés, après le 7 octobre.
Il y a notamment récusé les "mensonges/accusations de viol visant les Palestiniens", des "allégations" utilisées selon lui comme "un écran de fumée pour justifier le génocide de Gaza", en référence aux accusations de violences sexuelles qui auraient été commises par des hommes du Hamas le 7 octobre. Le mouvement islamiste avait rejeté ces accusations.
Des médecins et responsables israéliens affirment de leur côté que de multiples violences --dont des viols, viols en réunion et mutilations--, sont déjà largement documentées, à l'appui de témoignages directs et d'enquêtes médico-légales.
Refaat Alareer avait aussi déclenché une polémique lors d'une interview sur la BBC en qualifiant de "légitime et morale" l'attaque du 7 octobre, la comparant "au soulèvement du ghetto (juif) de Varsovie" durant la Seconde Guerre mondiale.
Le poète palestinien avait édité le livre "Gaza writes back", des chroniques de la vie à Gaza par de jeunes auteurs palestiniens, et publié "Gaza unsilenced", non traduits en français.
Passionné de Shakespeare, Refaat Alareer enseignait l'œuvre du tragédien anglais à ses étudiants à l'université de Gaza.
"Mon coeur est brisé, mon ami et mon collègue Refaat Alareer a été tué avec sa famille (...) Je n'arrive pas à y croire. Nous aimions chacun cueillir des fraises ensemble", relate sur Facebook son ami, le poète gazaoui Mosab Abu Toha.
"Refaat ne possédait qu'un stylo et nous sommes comme lui", fait valoir son cousin Mohamed Al Araeer, et de rendre hommage à l'un de ses poèmes: "Je jetterai mon stylo au visage des soldats s'ils prennent d'assaut ma maison".