PARIS : Les appels à manifestations après la mort du jeune Thomas sont largement suivis par les troupes d'Eric Zemmour, qui en sont parfois à l'initiative, quand le RN prend soigneusement ses distances avec ces rassemblements dominés par les groupuscules d'ultradroite.
Les manifestants qui ont défilé encagoulés, le week-end dernier à Romans-sur-Isère (Drôme), dans le but d'en découdre avec les jeunes d'un quartier, sont «des zozos», avait tranché mercredi Marion Maréchal, tête de liste zemmouriste pour les Européennes. Certes, la manifestation était «stupide», avait-elle poursuivi, mais elle «n'a abouti à aucune violence réelle»: «c'est pas ça qui va faire trembler la France».
Dans la classe politique, le parti d'Eric Zemmour est désormais le seul qui refuse de condamner ces rassemblements qui se sont multipliés depuis une semaine. Après avoir botté en touche, le patron de LR, Eric Ciotti, avait finalement «condamné», à l'image des peines prononcées par la Justice à l'encontre de plusieurs auteurs de violence lors de ces attroupements.
La mouvance d'ultradroite? «Une catégorie fourre-tout où l'on met l'extrême droite extraparlementaire, activiste, ce qui ne signifie pas nécessairement terroriste, tout ce qui est à droite du RN», résume le chercheur Jean-Yves Camus.
De quoi déclencher l'ironie de Marion Maréchal: «La gigadroite!», lance-t-elle à plusieurs reprises lors d'un entretien sur RTL, mercredi, quand Eric Zemmour estime qu'il s'agit d'un «ultra foutage de gueule des médias et de la classe politique».
- Militants de Génération Z -
Car «les ultras peuvent avoir des accointances avec des partis et singulièrement chez Eric Zemmour», note auprès de l'AFP une source sécuritaire, alors que les liens entre les auteurs d'appels à manifester et Reconquête! se multiplient.
Lundi, c'est la fédération locale de l'Isère du parti zemmouriste qui a elle-même organisé un «rassemblement citoyen apolitique» en mémoire de Thomas.
A Bordeaux, Lille ou Paris, à l'occasion de rassemblements organisés cette fois par le syndicat étudiant UNI ou le groupuscule «Les natifs» - et finalement interdits par les préfets -, Reconquête! avait appelé ses sympathisants à grossir les rangs.
Dans la préfecture de Gironde, l'appel à manifestation avait également été relayé par le groupuscule «La Bastide bordelaise», successeur du groupe dissous «Bordeaux nationaliste», dont l'un des membres avait expliqué au printemps, lors d'un procès pour violences à caractère raciste, avoir été «emballé par le candidat Zemmour à la présidentielle» et avoir «milité à Génération Z», la branche jeune de Reconquête!.
«Nos militants défendront la mémoire de Thomas partout où ils le pourront. Tant pis si nous sommes seuls au sein de la classe politique, c’est là qu'est notre place», assume le patron de Génération Z, Stanislas Rigault, qui note par ailleurs que «les rassemblements n'ont pas débordé» et que, le cas échéant, les zemmouristes n'en seraient pas «comptables».
Dans le Nord, toutefois, si la fédération locale de Reconquête! a appelé ses sympathisants à défiler, une consigne prudente a été donnée: «ne pas porter de signes probants d'appartenance au parti».
- «Ça peut être des dingues» -
En creux, les troupes du candidat malheureux à la présidentielle (7,07%) entendent approfondir une stratégie d'agit-prop notamment explorée cet hiver contre des projets de centres d'accueil de réfugiés à Callac (Côtes-d'Armor) ou à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), où le maire avait fini par démissionner après l'incendie de sa maison.
Les manifestations «en mémoire de Thomas» peuvent-elles permettre de les relancer, alors que Marion Maréchal est à la peine dans les sondages? «Nous ne faisons pas ça dans un but électoral», balaie Stanislas Rigault.
«Plus la situation est tendue, plus les gens ont peur du chaos, plus les agités, les excités, les Cassandre sont rejetés», estime pour sa part le député RN Jean-Philippe Tanguy. Le parti lepéniste, toujours plus soucieux de dédiabolisation, a demandé de ne pas participer aux rassemblements, principe de précaution oblige: «Si on ne sait pas qui organise, ça peut être des dingues», explique un parlementaire.
«C'est bien la preuve que leurs cadres étaient tentés d'y aller», sourit Stanislas Rigault, selon qui, «dans les rassemblements, il n'y a pas que les électeurs Reconquête!: ceux qui votent RN ou LR s'y rendent aussi».