Le 7 octobre, l’effroyable attaque terroriste du Hamas a ravivé un cycle de violence qui s’est transformé en une tragédie humanitaire à Gaza. C’est le résultat d’un échec politique et moral mondial, pour lequel les peuples israélien et palestinien paient un lourd tribut. Ce prix continuera d’augmenter si nous n’agissons pas.
Je me suis rendu en Israël, en Palestine, en Jordanie et dans la région du Golfe pour empêcher que cela ne se produise. Je suis venu proposer l’aide de l’Union européenne (UE) pour atténuer la crise humanitaire à Gaza, contribuer aux efforts visant à éviter une extension du conflit dans la région et afin de lancer des travaux en vue d’une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Cette guerre doit être la dernière.
L’attaque barbare du Hamas contre des civils israéliens le 7 octobre est totalement injustifiable. Nous l’avons condamnée avec la plus grande fermeté et avons reconnu le droit d’Israël à se défendre. Toutefois, la manière dont Israël utilise ce droit est très importante. Il ne doit pas avoir carte blanche. C’est très important pour l’avenir de la région. Le droit international et humanitaire doit être respecté.
Comme le président américain Biden l’avait fait auparavant, j’ai demandé à mes interlocuteurs israéliens de «ne pas se laisser aveugler par la rage». Les meilleurs amis d’Israël sont ceux qui appellent à la retenue. Il est par exemple inacceptable de couper l’eau, la nourriture, l’électricité et le carburant à une population civile. L’ampleur des bombardements et le nombre de victimes sont également extrêmement préoccupants.
Nous devons atténuer de toute urgence la crise humanitaire dramatique qui sévit à Gaza. Il est essentiel de limiter les souffrances de la population palestinienne, mais aussi de libérer les otages israéliens. Cependant, l’aide humanitaire ne peut jamais être conditionnée, d’autant plus si des innocents en souffrent.
Nous devons veiller à ce que les fournitures humanitaires entrent à Gaza en quantités suffisantes pour répondre aux besoins quotidiens. Les capacités de transit doivent être augmentées et davantage de postes-frontières doivent être ouverts. De même, des couloirs de sécurité doivent être mis en place pour les blessés et les malades. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) doit avoir accès aux otages détenus par le Hamas. Ceux-ci sont tenus d’être libérés immédiatement et sans condition.
L’Autorité palestinienne doit retourner à Gaza. Toutefois, elle passera par une période transitoire et aura probablement besoin d’être soutenue pendant cette période
Josep Borrell
Une fois la situation humanitaire consolidée, nous devons aborder la question politique. J’ai discuté en Israël et en Palestine d’une série de principes concernant l’avenir possible de Gaza.
Nous nous opposons au déplacement forcé de la population de Gaza vers d’autres pays. Nous disons non à la réduction du territoire de l’enclave, à sa réoccupation par Israël, ou au fait que le Hamas continue d’utiliser son territoire comme refuge. Nous disons également non à la dissociation de Gaza de la question palestinienne dans son ensemble.
L’Autorité palestinienne doit retourner à Gaza. Toutefois, elle passera par une période transitoire et aura probablement besoin d’être soutenue pendant cette période. Nous encourageons donc une implication plus forte des États arabes, qui bénéficient de la confiance des Israéliens et de l’Autorité palestinienne. Par ailleurs, nous devons maintenant résoudre le conflit israélo-palestinien dans son ensemble. Je comprends que les États arabes, comme l’UE, doivent s’assurer que leur participation ne sera pas une fin en soi, mais une étape sur une voie claire vers la création d’un État palestinien.
Enfin, nous avons besoin d’une plus grande implication de l’UE. Non seulement pour aider à reconstruire Gaza, comme nous l’avons déjà fait à maintes reprises, mais aussi pour aider à construire un État palestinien pleinement souverain, capable de rétablir les droits des Palestiniens. L’UE doit contribuer à assurer la sécurité et la liberté d’Israël et de la Palestine.
Pendant des décennies, la communauté internationale s’est formellement engagée en faveur de la solution à deux États, mais sans s’engager suffisamment pour la mettre en œuvre de manière efficace. En outre, dans les deux camps, les forces du déni se sont développées en raison de l’orgueil démesuré de certains et du désespoir d’autres.
Au cours des dernières décennies, le territoire palestinien a été divisé en un archipel de régions non reliées entre elles. Les colonies illégales en Cisjordanie et la violence à l’encontre des Palestiniens ont considérablement augmenté et sont devenues encore plus brutales depuis l’attaque du Hamas. Beaucoup pensaient que les accords d’Abraham permettraient de régler le conflit israélo-palestinien, mais le 7 octobre a dissipé cette illusion.
Cette fois, nous devons mettre fin au cercle vicieux de la violence. Sinon, il se perpétuera de génération en génération, de funérailles en funérailles.
J’ai discuté avec nos partenaires régionaux de la manière de mettre en œuvre la solution à deux États, en m’appuyant sur la coopération que l’UE a établie avec l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Jordanie et la Ligue arabe l’année dernière afin d’œuvrer à une paix régionale globale.
Nous devons maintenant intensifier notre travail. Ce sera difficile, mais travailler ensemble reste le seul moyen viable d’instaurer la paix. C’est l’objectif commun pour lequel nous nous sommes engagés. Nous devons le réaliser pour les milliers de victimes israéliennes et palestiniennes qui ont péri depuis le 7 octobre.
Josep Borrell est le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne
X: @JosepBorrellF
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com