En Irak hanté par les conflits et les traumatismes, la santé mentale malmenée

Des patients participent à une représentation théâtrale à l'hôpital psychiatrique Al-Rashad de Bagdad, le 8 octobre 2023. (Photo d'Ahmad AL-RUBAYE / AFP)
Des patients participent à une représentation théâtrale à l'hôpital psychiatrique Al-Rashad de Bagdad, le 8 octobre 2023. (Photo d'Ahmad AL-RUBAYE / AFP)
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Publié le Vendredi 17 novembre 2023

En Irak hanté par les conflits et les traumatismes, la santé mentale malmenée

  • Au Moyen-Orient, la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas palestinien a fait des milliers de morts et ravivé les traumatismes psychologiques. Un mal que l'Irak ne connaît que trop bien
  • Petite lueur d'espoir: si autrefois il était difficile pour un Irakien de dire «j'ai un problème psychologique», la situation a sensiblement changé avec l'évolution des mentalités grâce aux médias et réseaux sociaux

BAGDAD: Raghad Qassem a longtemps cherché un psychologue à qui parler à Bagdad. Elle s'est finalement résignée à des consultations en ligne, dans un Irak hanté par des décennies de conflits et leurs traumatismes, et où la santé mentale reste malmenée et mal soignée.

Outre la peur du qu'en-dira-t-on, les chiffres illustrent les difficultés rencontrées par Raghad pour trouver un médecin: dans le pays de 43 millions d'habitants, il n'y a que deux professionnels de la santé mentale pour 100.000 Irakiens, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Militante féministe de 34 ans, Raghad reconnaît avoir longtemps tout ignoré de la santé mentale, un sujet auquel elle s'est intéressée "en arrivant à la trentaine."

En pleine pandémie de Covid, elle a "commencé à découvrir les symptômes de la dépression", raconte-t-elle. "Je me suis rendue compte que c'est ce que j'avais".

Si elle a d'abord cherché un psychologue à Bagdad c'est parce que "quand je parle j'aime avoir la personne devant moi", dit-elle. Des amis lui ont recommandé un médecin, mais elle était réticente car "ils avaient été soignés avec des médicaments".

Sur Internet, elle consulte plusieurs psychologues, dont une professionnelle libanaise, et commence à décortiquer son mal-être.

"C'est grâce à elle que j'ai pris conscience des accumulations causées par la guerre, la peur et l'anxiété en 2003 et après", confie-t-elle, en allusion à l'invasion américaine contre Saddam Hussein, ayant inauguré une des pages les plus sanglantes de l'histoire irakienne.

«Pénurie de médecins»

Au Moyen-Orient, la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas palestinien a fait des milliers de morts et ravivé les traumatismes psychologiques. Un mal que l'Irak ne connaît que trop bien.

Dans un pays ravagé par des guerres meurtrières, secoué ces dernières années par les attentats spectaculaires et les exactions du groupe Etat islamique (EI), les besoins sont colossaux. Et la réponse rarement à la hauteur des attentes.

A Bagdad, l'hôpital al-Rachad accueille les patients atteints de maladies psychologiques graves, comme la schizophrénie. L'établissement est ouvert aux consultations externes, pour des personnes venant parler de leur dépression, leur anxiété, ou de troubles post-traumatiques.

Dans les couloirs de l'hôpital fondé en 1950, des patients déambulent parfois seuls, l'air hagard. Certains sont hospitalisés depuis plusieurs décennies, indique à l'AFP le directeur de l'établissement Firas al-Kadhimi, reconnaissant qu'un des principaux défis est "la main d'oeuvre" insuffisante.

"Il y a une pénurie de médecins spécialisés", ajoute-t-il, évoquant la présence dans son hôpital de 11 psychiatres pour un total de 1.425 patients âgés de 18 à 70 ans.

"Je ne crois pas qu'il existe nulle part au monde un médecin qui doit s'occuper de 150 patients sur 30 jours", lâche-t-il.

L'établissement compte cinq assistants sociaux accueillant au quotidien une centaine de visiteurs venus pour une consultation. Parfois, trois patients sont entendus au même moment dans une seule pièce.

Il y a aussi des ateliers musique et dessin. Dans une petite salle de spectacle aux fauteuils rouges, trois seniors répètent sur l'estrade une saynète préparée par un ancien employé de l'hôpital: il a pris sa retraite mais continue de venir donner un coup de main.

«Stigmate»

Petite lueur d'espoir: si autrefois il était difficile pour un Irakien de dire "j'ai un problème psychologique", la situation a sensiblement changé avec l'évolution des mentalités grâce aux médias et réseaux sociaux. "Le nombre de visiteurs est en hausse dans les cliniques de consultation", indique le docteur Kadhimi.

Dans les locaux de Médecins sans frontières (MSF) à Bagdad, la psychologue Zeinab Abdel Razaq confirme. Si le "stigmate" persiste, en Irak comme ailleurs dans le monde, "ces dernières années, il a commencé à diminuer: les gens sont relativement plus réceptifs à la psychologie".

Zeinab Abdelwahab était initialement venue pour de la physiothérapie, elle est restée pour les séances avec le psy.

Après plusieurs mois de consultations, "j'ai constaté un changement radical dans mon humeur", confie la trentenaire au parcours douloureux: sa mère est décédée, son père est malade, et elle-même souffre de poliomyélite et a été victime de plusieurs chutes à l'origine de fractures aux genoux et au bassin.

Elle reconnaît que sa propre perception était faussée par la stigmatisation de la société.

"Quand je suis venue ici, j'ai compris que ce n'est pas que pour les fous", admet-elle.

"C'est juste quelqu'un qui a besoin de parler à quelqu'un d'autre, pour se soulager de ce qu'il ressent. Sans restrictions".


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.


Trump avertit Israël de ne pas «interférer» avec la Syrie

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
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  • Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump
  • "Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère"

WASHINGTON: Donald Trump a mis en garde Israël lundi contre toute ingérence en Syrie qui risquerait de compromettre la transition du pays arabe en "Etat prospère", après une incursion vendredi de forces israéliennes dans le sud de la Syrie.

Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump.

"Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère", a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, affirmant que les Etats-Unis étaient "très satisfaits des résultats affichés" par Damas.

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste.

Depuis la chute il y a près d'un an du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition islamiste, Israël a mené des centaines de frappes et conduit des incursions en Syrie. L'opération de vendredi est la plus meurtrière de celles-ci et le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé un "crime de guerre".

Donald Trump avait reçu début novembre à la Maison Blanche le nouveau chef d'Etat syrien, Ahmad al-Chareh, pour une visite cordiale, au cours de laquelle l'ancien jihadiste avait annoncé que son pays rejoindrait la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Le président américain, qui a levé les sanctions contre Damas, pousse également pour qu'un accord de sécurité soit conclu entre Israël et la Syrie.

"Le nouveau président de la Syrie, Ahmad al-Chareh, travaille de manière assidue pour s'assurer que des bonnes choses arrivent et que la Syrie et Israël aient à l'avenir une relation longue et prospère ensemble", a déclaré lundi Donald Trump dans son post sur Truth Social.

"C'est une opportunité historique, et elle s'ajoute au SUCCÈS, déjà atteint, pour la PAIX AU MOYEN-ORIENT", a-t-il affirmé.

Invitation 

Lors de leur échange par téléphone lundi, Benjamin Netanyahu et Donald Trump ont évoqué un "élargissement" des accords de paix régionaux, selon un communiqué des services du Premier ministre israélien publié dans la foulée du post de Donald Trump.

"Trump a invité le Premier ministre Netanyahu à une rencontre à la Maison Blanche dans un avenir proche", ont-ils ajouté.

Benjamin Netanyahu a déjà effectué davantage de visites auprès de Donald Trump que n'importe quel autre dirigeant étranger depuis le retour du républicain au pouvoir.

"Les deux dirigeants ont souligné l'importance et le devoir de désarmer le Hamas et de démilitariser la bande de Gaza", précise le communiqué.

Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël a déployé des troupes dans la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, au-delà de la ligne de démarcation entre la partie de ce territoire syrien annexée unilatéralement par Israël en 1981 et le reste de la Syrie.

Israël attache une "importance immense" à sa présence militaire dans la zone tampon en Syrie, avait déclaré le 19 novembre son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite à des soldats israéliens déployés dans cette zone censée être sous le contrôle de l'ONU.

Cette visite avait été dénoncée par Damas et par l'ONU.

Pendant l'été, des contacts de haut niveau entre responsables israéliens et syriens ont eu lieu, avec l'aide de Paris et Washington, les deux parties indiquant vouloir parvenir à un accord de sécurité.

Mais Benjamin Netanyahu exige pour cela une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien courant du sud de Damas jusqu'à la ligne de démarcation de 1974, instituée après la guerre israélo-arabe de 1973.