TOUWANI: Routes bloquées, raids armés, puits attaqués: les Palestiniens des villages de Cisjordanie occupée disent subir le harcèlement croissant des colons israéliens, plus menaçants depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza.
"Même l'armée israélienne voulait rouvrir la route mais les colons sont venus l'en empêcher", raconte éberlué, Imran Nawaja, agriculteur de 46 ans à Soussia, près d'Hébron dans le sud de la Cisjordanie.
"Ce sont eux qui commandent ici maintenant", soupire-t-il.
Sur la route d'accès à son village, d'énormes pierres ont été installées au début de la guerre, par, dit-il, des colons ou l'armée. La circulation est bloquée.
En Cisjordanie occupée depuis 56 ans par Israël, 490.000 colons vivent au milieu de trois millions de Palestiniens. Ces colonies sont considérées par l'ONU comme illégales au regard du droit international.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) recense en moyenne plus de six "incidents" (du vol de bétail aux violences physiques) par jour entre colons et Palestiniens, contre une moyenne de trois au cours des mois précédents.
"Ils utilisent la guerre comme prétexte pour nous expulser de nos maisons et s'approprier nos terres", dénonce auprès de l'AFP Jaber Dababsi, agriculteur palestinien et militant de 35 ans dans le village de Khallet al-Dabaa.
Les diplomaties européennes et américaine ont condamné à plusieurs reprises la hausse des violences de colons israéliens contre les civils palestiniens depuis la guerre déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
Environ 1.200 personnes ont été tuées dans cette attaque, en grande majorité des civils, selon les autorités israélienne. Et quelque 240 otages ont été enlevés et amenés à Gaza, selon l'armée.
Dans la bande de Gaza, les bombardements israéliens ont tué 11.320 personnes, majoritairement des civils, parmi lesquels 4.650 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.
« Des armes et le droit d'agir »
Dans ce contexte extrêmement tendu, certains colons "portent même des uniformes militaires", affirme Moussaab Rabbe, agriculteur et ouvrier du bâtiment de 36 ans.
"On leur a donné des armes et le droit d'agir comme des soldats, ils arrêtent les gens et nous pensons que ce sont des soldats", raconte-t-il dans l'un des hameaux de Massafer Yatta, au sud d'Hébron.
Sur les 235 attaques de colons contre des Palestiniens recensées par l'Ocha depuis le 7 octobre, dont plusieurs mortelles, "plus d'un tiers ont été faites avec la menace d'une arme ou des tirs".
Et dans près de la moitié des cas, les forces de sécurité israéliennes "accompagnaient ou soutenaient activement les assaillants", poursuit l'Ocha.
Le 10 octobre, la police israélienne avait annoncé qu'elle armerait des civils et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, figure de l'extrême-droite, a dit travailler à assouplir les critères d'obtention des permis de port d'arme.
Une session parlementaire israélienne a révélé que durant la première semaine de guerre, 41.000 Israéliens avaient demandé un permis d'arme à feu, contre 38.000 demandes en temps normal sur une année entière.
"J'ai peur qu'ils tuent mes enfants", affirme Moussaab Rabbe qui dit avoir confié ses aînés à des proches, dans un autre village, pour les éloigner de possibles affrontements.
"S'ils tuent mes enfants, personne ne s'en soucierait, il ne se passerait rien", lance-t-il amer. Parce que selon l'ONG des droits humains Yesh Din, l'impunité règne.
Sur plus de 1.000 cas de violence des colons soumis à la justice israélienne qu'elle a étudiés entre 2005 et 2021, 92% des affaires ont abouti à non-lieu, rapporte cette ONG israélienne.
« 24 heures pour partir »
Plus au sud, à Soussiya, Imran Nawaja dit vivre le même enfer: "avant on avait des problèmes mais pas tous les jours, et pas autant", assure-t-il à l'AFP.
Dans le village de Touwani, limitrophe de la colonie de Ma'on, instaurée au début des années 1980, une tente et des installations agricoles de colons sont apparues sur des terrains de bergers.
L'un des habitants, qui ne donne que son prénom, Bassel, accuse: "ils veulent prendre plus de terres, ils attendaient depuis longtemps un moment comme celui-ci pour pouvoir aller où ils veulent", dit-il à l'AFP.
"Ils viennent la nuit, ils coupent les tuyaux, ils percent les réservoirs d'eau et ils nous disent +vous avez 24 heures pour partir+", poursuit-il. "Il faut partir à pied parce qu'ils bloquent les routes avec des blocs de pierre et après ils détruisent tout au bulldozer".
Après plus de cinq semaines de guerre à Gaza, "69% des Palestiniens disent redouter de futures attaques de colons", rapporte le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR), basé à Ramallah, le siège de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie.