BRUXELLES: L'Union européenne progresse sur la réforme de ses règles budgétaires, grâce à un rapprochement franco-allemand qui laisse espérer en décembre un accord des Vingt-Sept, traditionnellement divisés entre tenants de la rigueur et partisans de la flexibilité.
"Il y a encore beaucoup de travail à faire, un dernier kilomètre à boucler. Mais comme les pèlerins sur le chemin de Compostelle nous commençons à voir la cathédrale au bout du chemin", a expliqué jeudi la ministre espagnole de l'Economie, Nadia Calvino, dont le pays assure jusqu'à la fin de l'année la présidence tournante du Conseil de l'UE.
Elle a annoncé une intensification des discussions au niveau technique "avec l'objectif d'aboutir" à un compromis lors de la réunion des ministres de l'Economie et des Finances de l'UE les 7 et 8 décembre prochains. Les 27 ont en outre accepté l'idée d'une réunion supplémentaire sous ce format "fin novembre".
Les pays membres de l'UE s'accordent sur le constat que les anciennes règles du Pacte de stabilité et de croissance, qui remontent à la fin des années 1990, sont obsolètes, trop complexes et inefficaces.
Ce "corset budgétaire" limite en théorie pour chaque pays le déficit des administrations publiques à 3% du Produit intérieur brut (PIB national et la dette à 60% du PIB. En pratique, il n'a pas empêché l'explosion de l'endettement, tout en freinant l'investissement et la croissance après la crise financière de 2008.
L'objectif est de s'entendre sur des règles plus adaptées à la situation particulière de chaque pays, de fixer des trajectoires budgétaires à la fois plus réalistes et mieux respectées.
Il s'agit aussi de trouver le bon équilibre entre réduction des dépenses et marges de manoeuvre pour des investissements prioritaires dans la transition verte et le réarmement sur fond de guerre en Ukraine.
C'est le sens de la proposition mise sur la table en avril par la Commission européenne.
Cette proposition reprend les seuils emblématiques de 3% et 60% du PIB. Mais, aux Etats membres qui les dépassent, elle accorde plus de marge de manœuvre pour revenir dans les clous.
Concrètement, Bruxelles propose que les Etats présentent leur propre trajectoire d'ajustement, accompagnée de propositions de réformes et d'investissements, sur une période d'au moins quatre ans. Ce plan serait ensuite évalué par la Commission et les autres Etats membres et ferait l'objet d'un contrôle annuel.
Rapprochement franco-allemand
Mais, les 27 se divisent dans des débats techniques qui s'éternisent, notamment entre Paris, qui insiste sur le soutien à la croissance, et Berlin sur la réduction des déficits.
Le ministre des Finances français Bruno Le Maire a tenté de rassurer jeudi lors d'une réunion avec ses homologues à Bruxelles. "Nous travaillons très étroitement désormais avec l'Allemagne pour essayer de trouver un accord franco-allemand", a-t-il déclaré, annonçant qu'il se rendrait à Berlin "dans les jours qui viennent".
Il a évoqué des discussions "positives et constructives" avec son homologue allemand Christian Lindner qui était à Paris en début de semaine.
Ce dernier a salué un rapprochement entre les deux pays sur l'introduction d'exigences minimales en matière de réduction de la dette et des déficits. "C'est un pas en avant substantiel. Je suis beaucoup plus optimiste sur la possibilité de trouver un consensus cette année", a-t-il affirmé.
Le temps presse. Les règles budgétaires ont été désactivées début 2020 pour éviter un effondrement de l'économie européenne touchée par la pandémie de Covid. Mais elles seront réactivées au 1er janvier prochain.
Une absence d'accord, après plus de deux ans de débat, signifierait le retour aux anciennes règles qui n'ont jamais été correctement appliquées et risquerait d'envoyer un mauvais signal aux marchés financiers.
Cela marquerait probablement aussi la fin du projet de réforme sous cette législature, des élections européennes étant programmées en juin.
Une position commune des 27 permettrait d'ouvrir la négociation avec le Parlement européen afin de conclure le processus législatif d'ici au printemps.
Mais les dernières exigences allemandes mécontentent l'Italie qui se débat avec une dette publique à plus de 140% du PIB, la plus élevée de l'UE après la Grèce, et redoute de devoir mener un ajustement brutal qui tuerait la croissance.
Selon des sources au ministère italien des Finances, Rome ne souhaiterait pas conclure à tout prix un accord s'il n'était pas conforme à l'intérêt du pays, quitte à revenir aux anciennes règles.