JERUSALEM: La jeune Ahed Tamimi, arrêtée lundi pour une publication Instagram "incitant au terrorisme" selon l'armée israélienne, est pour les Palestiniens et leurs soutiens à travers le monde une icône de la lutte contre l'occupation israélienne.
Les images de cette Palestinienne aujourd'hui âgée de 22 ans ont fait le tour du monde: à 11 ans, on la voit sur ces clichés brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens; à 14 ans, au milieu d'autres femmes, elle tente de faire lâcher prise un soldat plaquant contre un rocher un enfant au bras dans le plâtre; puis, à 16 ans, elle apparaît en tenue de détenue entourée de policiers israéliens.
La maison familiale des Tamimi, comme leur village de Nabi Saleh, dans le nord de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël, est devenue au fil des ans le point de rencontre des militants palestiniens --et étrangers-- contre le mur israélien de séparation, contre les colons et les raids israéliens dans les territoires occupés et pour le soutien à la cause palestinienne.
Ahed Tamimi vient d'être une nouvelle fois arrêtée par l'armée israélienne.
Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza et de flambée de violences en Cisjordanie, elle la "soupçonne d'incitation à la violence et à des activités terroristes", selon un porte-parole.
Erdogan et le Real Madrid
Ahed Tamimi subit actuellement "un interrogatoire plus approfondi" selon l'armée, une source des services de sécurité évoquant une publication Instagram attribuée à la jeune militante qui promet de "massacrer" des Israéliens "dans toutes les villes de Cisjordanie" et fait référence à Hitler.
Pour sa mère Narimane Tamimi --dont l'époux est depuis plus de deux semaines dans une prison israélienne--, c'est impossible: car "quand Ahed essaye d'ouvrir un compte sur les réseaux sociaux, il est aussitôt bloqué".
La jeune femme est cependant régulièrement citée sur les réseaux sociaux. Le Real Madrid la reçoit en 2018. La presse israélienne se déchaîne contre une "provocatrice qui sait médiatiser ses actes".
Elle témoigne à travers le monde de ses huit mois passés dans une prison israélienne et, de nouveau, ressortent les accusations en Israël d'une famille qui "exploite" ses enfants à des fins politiques.
"Chaque mot que je dis, c'est un poids, une responsabilité, et donc c'est quelque chose de lourd que je porte", admettait-elle à l'AFP en France en 2018.
Chaque mot, mais aussi chaque image.
Dans une vidéo filmée au téléphone en décembre 2017, on la voit s'approcher avec sa cousine de deux soldats appuyés sur un muret, dans la cour de sa maison selon sa famille, puis leur donner des coups de pied et de poing et des gifles.
En 2012 déjà, la fillette s'était distinguée en brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens, des images qui avaient fait le tour du monde et qui lui avaient valu d'être reçue par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre turc.
«Héroïne»
Trois ans plus tard, à l'été 2015, elle était sur des images également remarquées, parmi des femmes qui tentaient de faire lâcher prise à un soldat plaquant contre un rocher un enfant au bras dans le plâtre. Son petit frère.
Née en 2001 à Nabi Saleh, la jeune femme qui rêvait de devenir footballeuse a grandi avec l'étau se resserrant sur la Cisjordanie: elle a vu le mur de séparation israélien grignoter des terres, de nouvelles colonies pousser alentours et surtout entendu les récits familiaux.
Son père Bassem, souvent à la tête de manifestations contre les colons israéliens, a été emprisonné plusieurs années par Israël. Il raconte que sa fille a été marquée par les récits d'incursions et d'arrestations des forces israéliennes, et affirme que la famille compte plusieurs "martyrs", dont l'oncle et la tante d'Ahed.
Lundi, alors que la nouvelle de son arrestation émergeait dans les médias du monde entier, les réseaux sociaux, particulièrement en arabe, se couvraient de nouveau de sa photo.
"Que Dieu protège notre héroïne", clamait un tweet.