LISBONNE : Au pouvoir depuis 2015, le Premier ministre socialiste portugais Antonio Costa a démissionné subitement mardi, emporté par une affaire de corruption ayant conduit à l'inculpation de l'un de ses ministres et de son chef de cabinet.
"Les fonctions de Premier ministre ne sont pas compatibles avec un quelconque soupçon portant sur mon intégrité. Dans ces circonstances, j'ai présenté ma démission au président de la République", a déclaré devant la presse M. Costa, l'un des rares socialistes à la tête d'un gouvernement européen.
M. Costa a précisé qu'il ne briguerait pas un second mandat.
Cette démission a été acceptée par le chef de l'Etat, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, selon la présidence portugaise.
Ce dernier a convoqué dans la foulée les représentants des partis élus au Parlement mercredi puis le Conseil d'Etat jeudi, comme le lui impose la Constitution avant de pouvoir dissoudre le Parlement et convoquer des élections anticipées.
Le Président s'adressera ensuite à la nation pour faire part de sa décision, ajoute le communiqué de la présidence portugaise.
Le Parti socialiste "est préparé pour tous les scénarios, soit pour des élections anticipées, soit pour un changement de leader dans le gouvernement", a affirmé le président du PS Carlos Cesar.
L'affaire éclaboussant Antonio Costa porte, selon le parquet, sur des soupçons de "malversation, corruption active et passive de titulaires de fonctions politiques et trafic d'influence" dans le cadre de l'attribution de licences d'exploration de lithium et de production d'hydrogène.
Au cours de l'enquête, "le nom et l'autorité du Premier ministre" ont "été cités", a indiqué mardi le ministère public dans un communiqué.
Soupçonné d'être lui-même intervenu "pour débloquer des procédures" dans le cadre de cette affaire, Antonio Costa fera "l'objet d'une enquête" autonome, toujours selon le parquet.
Au cours de son allocution devant la presse, M. Costa s'est dit "surpris" par l'ouverture de cette enquête rejetant la pratique de "tout acte illégal".
"Personne n'est au-dessus de la loi (...) les autorités judiciaires sont libres d'enquêter", a dit M. Costa qui s'est entretenu avec ses ministres mardi soir.
Scandales à répétition
Les enquêteurs s'intéressent plus précisément à la concession de licences "d'exploration de mines de lithium" dans le nord du Portugal, à "un projet de production d'énergie à partir d'hydrogène" et à "un projet de construction d'un data center de la société Start Campus" à Sines, à une centaine de kilomètres au sud de Lisbonne.
Mardi matin, une série de perquisitions ont été menées dans la résidence officielle du Premier ministre, dans plusieurs domiciles, dans des ministères et des cabinets d'avocats.
Compte tenu des éléments recueillis par les enquêteurs, du "risque de fuite et de poursuite de l'activité criminelle", la justice a émis "des mandats d'arrêt" à l'encontre du chef de cabinet de M. Costa, du maire de Sines et de deux administrateurs de Start Campus.
Le ministre portugais des infrastructures Joao Galamba a été pour sa part inculpé, tout comme le président du conseil de direction de l'Agence portugaise pour la protection de environnement (APA).
L'APA a déjà accordé, sous certaines conditions, des projets d'exploitation minière de lithium, un métal utilisé pour la fabrication de batteries et essentiel à la transition énergétique.
Le Portugal, qui détient les premières réserves de lithium en Europe, en est déjà le principal producteur.
Arrivé au pouvoir en 2015, M. Costa a d'abord gouverné dans le cadre d'une alliance inédite entre les socialistes, la gauche radicale et les communistes.
Après avoir remporté les élections de 2019, il s'est renforcé lors d'un nouveau scrutin en janvier 2022 qui lui a permis d'obtenir pour la première fois la majorité absolue.
Mais M. Costa a depuis vu sa popularité dégringoler en raison de scandales à répétition.
L'un des plus marquants est le "TAPgate"", du nom de la compagnie aérienne publique qui a conduit à la démission de plusieurs membres du gouvernement.
Ce scandale a éclaté suite au versement d'une indemnité de départ de 500 000 euros à une administratrice de TAP, qui a ensuite pris les commandes de l'entreprise de contrôle aérien avant d'atterrir quelques mois plus tard au poste de secrétaire d'Etat au Trésor.