NEW YORK: Avec ses lustres blancs, ses bancs en bois et sa grande fresque au mur, c'est une salle d'audience propice aux solennités judiciaires, au coeur du quartier new-yorkais des tribunaux de Manhattan: la déposition sous serment d'un ex-président américain, Donald Trump, pugnace et défiant à son procès civil, y a pourtant fait régner un climat volcanique.
Il est 10H00 (15H00 GMT) quand le milliardaire républicain de 77 ans se lève des bancs de la défense pour faire quelques pas et poser sa carrure imposante et légèrement voûtée juste à la gauche du juge Arthur Engoron, qui préside ce procès civil pour fraude financière.
Sous une grande fresque décorative aux couleurs passées célébrant l'adoption d'une "Charte des libertés" en 1683, surmontée de l'inscription en lettres dorées "IN GOD WE TRUST", Donald Trump, visage fermé, lève la main et jure de dire la vérité.
Le moment est historique: c'est la première fois depuis plus de 100 ans qu'un ancien président est appelé à témoigner pour sa défense lors d'un procès, depuis Theodore Roosevelt dans les années 1910.
Pendant quatre heures, entrecoupées d'une pause-déjeuner, le favori des républicains pour la prochaine présidentielle américaine du 5 novembre 2024, costume bleu marine, cravate et chemise assorties, alterne réponses longues, parfois argumentées, sur sa fortune qu'il est accusé d'avoir surévalué de manière colossale pour séduire les banques, et invectives contre cette justice qui serait aux ordres de ses adversaires politiques.
«C'est fini?»
Bras croisés, il fixe, tête un peu penchée, le procureur Kevin Wallace, qui l'assaille de questions sur ses somptueuses résidences Mar-a-Lago en Floride, Seven Springs dans un coin bucolique de la banlieue de New York, ses gratte-ciel de la Trump Tower ou du 40 Wall Street dans la mégapole américaine.
Mais à plusieurs reprises, son tempérament volcanique prend le dessus.
Donald Trump part dans une longue tirade contre le procès, une "ingérence électorale" menée par une "petite politicienne", la procureure générale Letitia James, et son juge, "très hostile".
"C'est fini?", le surprend alors Kevin Wallace en s'adressant à lui comme à un enfant en colère.
"C'est fini", consent Donald Trump.
A sa droite, le juge Arthur Engoron, 74 ans, cheveux blancs légèrement ébouriffés, n'est pas en reste, lors d'un procès qui sert aussi de ballon d'essai avant ceux qui attendent Donald Trump au pénal en 2024, notamment pour avoir tenté de renverser les résultats de la présidentielle de 2020.
Il lui demande des réponses courtes, "pas des discours". "Nous ne sommes pas à un meeting politique", lui lance le magistrat, dont l'agacement est parfois perceptible, au milieu de ses traits d'humour.
Au bout de quatre heures d'audition, Donald Trump n'a rien cédé, répétant encore et encore que les banques ont gagné de l'argent.
"Vous n'avez pas de dossier", lance-t-il, provocateur, au procureur.
Le juge le coupe: "mais c'est un disque rayé", plaisante-t-il.