Mixité et services publics, horizons de Borne pour les quartiers populaires

La Première ministre française Elisabeth Borne (2e à gauche), le ministre français de l'Education nationale Gabriel Attal (2e à droite) et la ministre déléguée à la Ville Sabrina Agresti-Roubache (à gauche) assistent à une réunion interministérielle sur les villes, à Chanteloup-les-Vignes, au nord de Paris, le 27 octobre 2023. (Photo Bertrand Guay AFP)
La Première ministre française Elisabeth Borne (2e à gauche), le ministre français de l'Education nationale Gabriel Attal (2e à droite) et la ministre déléguée à la Ville Sabrina Agresti-Roubache (à gauche) assistent à une réunion interministérielle sur les villes, à Chanteloup-les-Vignes, au nord de Paris, le 27 octobre 2023. (Photo Bertrand Guay AFP)
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Publié le Vendredi 27 octobre 2023

Mixité et services publics, horizons de Borne pour les quartiers populaires

  • Elisabeth Borne a dévoilé vendredi une seconde salve de mesures pour les quartiers populaires, visant à y enrayer la concentration de la pauvreté, s'attirant des critiques de la gauche et du monde associatif
  • La Première ministre a dégainé une mesure-choc: la consigne donnée aux préfets de ne plus attribuer de logements à certains ménages bénéficiant du droit au logement opposable dans ces quartiers, au nom de la mixité sociale

CHANTELOUP-LES-VIGNES, France : Au lendemain d'annonces sécuritaires en réponse aux émeutes de l'été, Elisabeth Borne a dévoilé vendredi une seconde salve de mesures pour les quartiers populaires, visant à y enrayer la concentration de la pauvreté, s'attirant des critiques de la gauche et du monde associatif.

Mixité sociale, emploi, services publics, transition écologique: à l'issue du Comité interministériel des villes (CIV) tenu à Chanteloup-les-Vignes, commune populaire des Yvelines, la Première ministre a dessiné quatre axes de l'action sociale du gouvernement pour résorber les difficultés des quartiers prioritaires.

La veille, elle avait fait une première série d'annonces, plutôt sécuritaires, quatre mois après la vague d'émeutes déclenchée par la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre.

Les élus de ces quartiers, en première ligne lors des émeutes de l'été, attendaient avec impatience ce comité, reporté à plusieurs reprises.

Ils doivent négocier avec l'Etat, d'ici au 31 mars prochain, le cadre de la politique de la ville sur leur territoire jusqu'en 2030.

À Chanteloup, dont plus de la moitié des habitants vivent dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), la Première ministre a dégainé une mesure-choc: la consigne donnée aux préfets de ne plus attribuer de logements à certains ménages bénéficiant du droit au logement opposable dans ces quartiers, au nom de la mixité sociale.

«Toutes les difficultés ne doivent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire», a-t-elle martelé.

Les ménages «Dalo», pour «droit au logement opposable», disposent d'un droit au logement reconnu par une commission de médiation ou la justice, et doivent être prioritaires dans l'attribution de logements sociaux.

Près de 35.000 ont obtenu la reconnaissance de ce droit en 2022, et plus de 93.000 restent en attente d'un relogement malgré cette reconnaissance, en grande majorité en région parisienne.

Seuls les plus précaires seront concernés par la mesure, a-t-on précisé au ministère du Logement, et se verront octroyer des logements sociaux hors QPV.

Les préfets devront également stopper la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence, destinées aux personnes sans domicile, dans ces mêmes quartiers.

La mesure a ulcéré à gauche et au sein des associations contre le mal-logement.

«Punir les ménages prioritaires Dalo à cause des émeutes, quel contre-sens abyssal !», s'est emporté sur X (ex-Twitter) le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue. «Cette décision (illégale !) leur barrerait l'accès à un tiers du parc HLM», a-t-il soutenu.

«Ce qui favoriserait la +mixité sociale+ ce serait que les maires voyous qui refusent de respecter la loi SRU (instaurant des quotas de logements sociaux par commune, NDLR) soient sanctionnés sévèrement, et obligés d'en construire», a affirmé sur le même réseau le député LFI François Piquemal.

- «Testing» relancé -

Parmi les autres mesures annoncées par Matignon, un programme «Entrepreneuriat Quartiers 2030», doté de 456 millions d'euros sur quatre ans, visant à favoriser la création d'entreprises dans les QPV.

Pour lutter contre les discriminations à l'embauche, au logement ou dans l'accès aux prêts bancaires, le gouvernement va également lancer «dès 2024 des opérations de testing massives», a annoncé la cheffe du gouvernement.

Le «testing» consiste à envoyer au même employeur, bailleur ou banquier des CV ou dossiers de personnes différenciées seulement par un point pouvant faire l'objet de discrimination (couleur de peau, nom à consonance étrangère, adresse, handicap...).

Pilotée par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme (Dilcrah), cette politique visera «à terme 500 entreprises par an», selon Matignon.

L'éducation, priorité selon nombre d'élus pour atténuer les inégalités entre quartiers populaires et reste du territoire, bénéficie de plusieurs mesures: l'extension des cités éducatives, où la prise en charge des élèves est renforcée, et l'ouverture garantie des collèges de 8h00 à 18h00 dès la rentrée 2024.

Les bibliothèques verront également leur horaires d'ouverture étendus dans 500 quartiers, promet Matignon.

Et la géographie de l'éducation prioritaire, dont les établissements bénéficient de davantage de moyens, va être progressivement réformée pour coller exactement à celle des QPV.

Le programme «Quartiers résilients», visant à verdir la politique de la ville, concernera 24 quartiers supplémentaires, avec 250 millions d'euros fléchés en ce sens contre 100 millions auparavant.

Mixité sociale, mode d’emploi

Le gouvernement va demander aux préfets de ne plus attribuer de logements dans les quartiers prioritaires aux ménages les plus en difficulté, afin de favoriser la mixité sociale, a annoncé vendredi la Première ministre Elisabeth Borne.

"Je demande donc aux préfets de ne plus installer via les attributions de logements ou la création de places d'hébergement, les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés", a déclaré la cheffe du gouvernement à l'issue du Comité interministériel des villes (CIV), tenu à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines).

Ce CIV, reporté à plusieurs reprises, a été pensé pour apporter des réponses sociales et structurelles aux difficultés des quartiers populaires, quatre mois après les émeutes de cet été et au lendemain d'une première salve d'annonces plutôt sécuritaires.

Ce sont des ménages reconnus "Dalo", pour "droit au logement opposable", qui ne devront plus se voir attribuer de logements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), a précisé Matignon.

Tous les ménages Dalo ne seront pas concernés par la mesure, seulement les plus précaires, a-t-on précisé au ministère du Logement. Ceux-ci se verront octroyer des logements sociaux en dehors des QPV.

Les préfets auront également consigne de stopper la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence, destinées aux personnes sans domicile, dans ces mêmes quartiers.

Les ménages Dalo disposent d'un droit au logement reconnu par une commission de médiation ou la justice, et doivent être prioritaires dans l'attribution de logements sociaux.

Près de 35.000 ont obtenu la reconnaissance de ce droit en 2022 et plus de 93.000 restent en attente d'un relogement malgré cette reconnaissance, en grande majorité en région parisienne.

"Toutes les difficultés ne peuvent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire", a martelé Elisabeth Borne.


Dans les Pyrénées, Macron emmènera Xi sur ses terres d'adoption

Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
Cette photographie, prise le 2 mai 2024, montre une vue de la station de ski du Grand Tourmalet - La Mongie dans les montagnes des Pyrénées, dans le sud-ouest de la France. Pour poursuivre la visite d'État du président chinois en France, Emmanuel Macron et XI Jinping, se rendront dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai 2024, pour un déjeuner au restaurant "L'Etape du Berger" situé sur les pistes de la station de ski. (Photo de Lionel Bonaventure AFP)
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  • Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les
  • Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie

BAGNÈRES-DE-BIGORRE, France : En apparence, c'est un petit cimetière comme les autres, mais c'est là, à Montgaillard, dans le département des Hautes-Pyrénées (sud), qu'Emmanuel Macron vient souvent se recueillir sur la tombe de sa grand-mère, près de la station de ski où il emmènera mardi le président chinois Xi Jinping.

Le président français a choisi ce coin des Pyrénées, où il nourrit d'anciennes et profondes attaches, pour délocaliser l'espace d'une courte journée la visite d'Etat de M. Xi à l'occasion des 60 ans de l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.

Une façon de casser le protocole imposant qui entoure le moindre déplacement du dirigeant chinois pour tenter d'instaurer un dialogue sincère, notamment sur la question-clé de l'Ukraine.

- «Grâce à elle» -

Né à Amiens, dans le nord de la France, où il a grandi, Emmanuel Macron a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnère-de-Bigorre et la station de ski de La Mongie, juste avant le col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France.

C'est avec «Manette» et «Koulou», ses grands-parents maternels Germaine et Jean Noguès, que le jeune Emmanuel descendait chaque année en train jusqu'à cette petite vallée, une semaine en hiver et un mois en été.

«C'est grâce à elle qu'il est arrivé là où il est», raconte une cousine du président français, Nicole Arnal, 80 ans, venue donner un coup de main au magasin de vêtements pour dame que sa fille tient dans le centre-ville de Bagnère-de-Bigorre.

Institutrice puis directrice d'école, Manette «le faisait travailler tous les jours», même en vacances, se souvient-elle.

En dépit de la mort de Jean en 2002 et celle, douloureuse, de Manette en 2013, Emmanuel Macron n'a jamais cessé de se rendre dans les Hautes-Pyrénées.

«Il souffle quand il vient ici», explique la fille de Nicole, Sylvie Durant, 52 ans, dont les yeux s'embuent quand elle évoque les détracteurs du président, pour qui elle a forcément de l'affection.

- «Racines» -

«Un arbre, si vous voulez qu'il tienne, il a besoin de racines», philosophe l'éleveur et ami d'Emmanuel Macron Eric Abadie, dont le restaurant d'altitude accueillera la rencontre avec Xi Jinping mardi.

Au menu: épaule d'agneau, jambon de porc noir et haricots tarbais, une sélection de fromages du meilleur ouvrier de France Dominique Bouchait, et tarte aux myrtilles en dessert, à la demande expresse de Brigitte Macron. Les deux couples présidentiels et leurs interprètes dégusteront des vins locaux, un Montus rouge et un Saint Mont blanc.

«Manu», il l'a rencontré «gamin» alors qu'il venait déjeuner à son restaurant en face des pistes de La Mongie avec son grand-père, raconte l'éleveur de 61 ans a la carrure solide. «Le courant est passé» et leur amitié dure maintenant depuis près de trente ans.

Les péripéties politiques du «gamin» n'ont pas rompu les liens. «Quand il était ministre de l'Economie, (...) je l'ai fait dormir dans un canapé, avec Brigitte. Tout le monde ne l'aurait pas fait», se rappelle Eric Abadie. Les deux hommes se sont encore parlé la veille au téléphone, une vingtaine de minutes.

«Mes racines familiales sont ici (...) Dès que je peux, je viens. C'est un lieu de vérité où j'arrive serein et déterminé», avait confié le candidat Macron en 2017, au quotidien régional La Dépêche du Midi.

Pourtant fermée depuis un mois, la station de La Mongie est en «effervescence» à quelques jours de recevoir «non pas un, mais deux présidents», confie Enzo Celhaiguibel, 35 ans, sur le pas de la porte de son hôtel La voie lactée.

«Si Emmanuel Macron a choisi ce lieu qui lui est cher et auquel il est très attaché, ce n'est pas pour rien», estime l'hôtelier, qui y voit une «volonté de redynamiser la vallée».

A Eric Abadie, le président confiait encore récemment au téléphone: «Ça va faire dix ans que je serai au pouvoir, et j'aimerais qu'il y ait des choses qui restent.»

En y faisant monter Xi Jinping, le président français veut inscrire le Tourmalet dans l'histoire.


La rédaction de France Inter critique la «convocation inacceptable» de Guillaume Meurice

L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
L'auteur, animateur de radio, écrivain et humoriste français Guillaume Meurice, pose lors d'une séance photo à Paris le 13 mars 2024. (Photo, AFP)
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  • "Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter
  • Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien

PARIS: La rédaction de France Inter a dénoncé vendredi la "convocation inacceptable" de Guillaume Meurice en vue d'un éventuel licenciement, y voyant un "signe très inquiétant pour la liberté d'expression", au lendemain de la suspension de l'humoriste par Radio France.

"Nous demandons le maintien à l'antenne de Guillaume Meurice, sans délai", ont déclaré dans un communiqué les sociétés des journalistes (SDJ) et des producteurs (SDPI) de France Inter.

Jeudi, le chroniqueur de l'émission "Le grand dimanche soir", présentée par Charline Vanhoenacker, a été suspendu, quatre jours après avoir réitéré à l'antenne ses propos polémiques tenus fin octobre sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

"Il y a des choses qu'on peut dire. Par exemple, si je dis: +Netanyahu est une sorte de nazi mais sans prépuce+, c'est bon. Le procureur, il a dit: +C'est bon+", a lancé l'humoriste dimanche, en référence au récent classement sans suite d'une plainte à son encontre l'accusant d'antisémitisme pour des propos similaires.

Convoqué à un entretien dont la date reste inconnue, il risque une "éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture anticipée de (son) contrat à durée déterminée pour faute grave", rappellent les SDJ et SDPI de France Inter, qui "voient dans cette décision un signe très inquiétant pour la liberté d'expression, valeur que défend Radio France".

"Cette convocation inacceptable semble être le symptôme d'un virage éditorial plus large", déplorent-elles.

Elles affirment ainsi avoir appris que le programme "La terre au carrée" allait s'arrêter "pour laisser place à une émission de sciences et d'écologie +plus narrative+ toujours présentée par Mathieu Vidard mais sans Camille Crosnier" et évoquent une "coupe drastique" du budget du "Grand dimanche soir".

Interrogée par l'AFP sur ces éléments, France Inter a expliqué qu'"en accord avec Mathieu Vidard, il y aura une évolution éditoriale de son émission à la rentrée mais elle gardera ses fondamentaux, l'environnement et la science".

Camille Crosnier, elle, restera aux manettes des "P'tits bateaux", désormais diffusée sept jours sur sept, et elle est "en discussions sur d'autres projets" au sein de la grille.

Quant au "Grand dimanche soir", France Inter "souhaite que l'émission continue l'an prochain mais il faut la faire évoluer d'un point de vue éditorial pour qu'elle rentre dans nos frais, en gardant toute l'équipe et en restant en public", a expliqué la radio.

"Aujourd'hui, des séquences coûtent extrêmement cher à produire. Un travail est en cours avec la productrice, Charline Vanhoenacker, pour trouver la meilleure formule", a-t-on appris de même source.

 

 


Victimes de cyberattaques attribuées à la Chine, des parlementaires français s'inquiètent

Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
Un homme lit un journal chinois dont la première page couvre la rencontre du président chinois Xi Jinping avec le président français Emmanuel Macron dans une vitrine publique dans un parc de Pékin le 7 avril 2023. (Photo, AFP)
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  • A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic
  • Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31

PARIS: Ciblés par une campagne mondiale de cyberespionnage menée par un groupe de hackers aux liens présumés avec l'Etat chinois, plusieurs parlementaires français ont tiré ces derniers jours la sonnette d'alarme devant la "légèreté" de la réponse des autorités face à cet "acte de guerre".

A quelques jours de la venue en France du président chinois Xi Jinping, "nous sommes confrontés à une ingérence étrangère d'envergure manifeste de la part de la Chine", s'inquiète le sénateur centriste Olivier Cadic.

Lui et six autres parlementaires français affirment avoir fait l'objet, en janvier 2021, d'emails toxiques envoyés par un groupe de hackeurs baptisé APT31, que plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, considèrent lié au gouvernement chinois.

Le point commun de ces élus ? Tous sont membres de l'alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC), une instance crée en 2020 pour agir de manière coordonnée sur différents sujets relatifs à la Chine (Covid, répression des Ouïghours, manifestations à Hong Kong...).

Pour la plupart, ces députés et sénateurs français n'ont pourtant découvert l'existence de cette attaque qu'à la fin du mois de mars 2024, lorsque le ministère de la justice américain a publié un acte d'accusation inculpant sept Chinois pour une "prolifique opération de piratage informatique à l'échelle mondiale". Seraient concernés, notamment, plusieurs centaines de comptes liés à l'IPAC, attaqués en janvier 2021.

Pixels malveillants

Lorsqu'il apprend la nouvelle, l'ex-sénateur André Gattolin, qui coprésidait la branche française de l'IPAC jusqu'en septembre 2023, fait le lien tout de suite: à l'automne 2021, les services informatiques du Sénat avaient trouvé dans son ordinateur professionnel des virus de type "cheval de Troie", à la suite d'une alerte de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

"A l'époque, je rédigeais un rapport très sensible sur les ingérences étatiques dans les universités et la recherche. Déjà, je m'étais demandé si la Chine pouvait être derrière tout ça", affirme l'ancien élu à l'AFP.

En fouillant ses emails, André Gattolin retrouve la "source corrosive": un mail du 6 janvier 2021 lui proposant de soutenir une soi-disant journaliste indépendante chinoise enquêtant sur la pandémie de Covid à Wuhan.

"Je me rends compte que ce mail avait été ouvert", raconte-t-il. "J'appelle l'Anssi, j'ai du mal à me faire entendre. Même son de cloche auprès des services de renseignement intérieur français (DGSI). Je dépose plainte le 4 avril et nous prenons contact à l'IPAC avec le FBI, qui nous assure avoir prévenu les services français dès 2022. Mais personne ne nous a rien dit", ajoute l'ancien sénateur, agacé.

Alertée par son collègue, la députée du parti présidentiel Renaissance Anne Genetet fait la même manipulation sur sa boîte mail et retrouve aussi un courrier suspect du 21 janvier 2021. "Malencontreusement, je l'ouvre. Une image s'affiche immédiatement, je comprends tout de suite qu'un virus malveillant se trouve dans les pixels", raconte la députée, qui porte plainte immédiatement et dont l'ordinateur est sous scellés depuis.

Interrogé par l'AFP, le parquet s'est refusé à tout commentaire sur ce dossier.

" Dysfonctionnements" 

"S'il y avait aussi peu de parlementaires concernés, je serais rassuré", glisse un haut-responsable français familier des questions de défense. Ce dernier note que l'Anssi protège les services informatiques des deux chambres, ce qui permet de "voir passer pas mal de choses". "Mais il est important que toutes les personnalités importantes se disent qu'elles peuvent être interceptées", insiste cette source.

Les mêmes courriers ont été remarqués par des parlementaires du monde entier, en Belgique, au Canada, en Allemagne ou encore au Danemark.

"Il y a au minimum beaucoup de légèreté et de dysfonctionnements. Je m'inquiète de voir cette puissance chinoise qui agit et un silence total en face. Autant faire entrer tout de suite des espions chinois dans les bureaux", reprend André Gattolin.

Interpellé mardi au Sénat, le gouvernement français s'en est tenu à une réponse convenue: "Le mode opératoire d'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier", "y compris judiciaire", a assuré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, et "le gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques" à l'avenir.

Peu rassurant pour les parlementaires concernés. "C'est une attaque ouverte, officielle, et les autorités le savent", regrette Olivier Cadic. "Ce qu'on nous fait, c'est un acte de guerre".