LONDRES: Les autorités qataries, bien qu'elles aient été averties à plusieurs reprises de la situation, ont ignoré la situation de centaines de travailleurs immigrés, qui attendent des mois de salaires impayés dans deux entreprises du pays, fait savoir mardi dernier Human Rights Watch (HRW).
Le gouvernement, pour répondre aux allégations persistantes d'abus du travail formulées contre le Qatar, a mis en place le Fonds de soutien et d'assurance aux travailleurs en 2018. Cependant, ce fonds n'a pas été utilisé au profit des travailleurs en difficulté de ces deux entreprises.
«Il est navrant de constater que des centaines de travailleurs, dans deux entreprises au moins, luttent pour obtenir leurs salaires impayés, bien que le gouvernement qatari ait été informé à maintes reprises de ces abus», déplore Maham Javaid, membre de HRW pour le Moyen-Orient.
«L’incapacité du gouvernement qatari à faire en sorte que les travailleurs soient payés souligne l’écart regrettable entre les promesses de réforme du Qatar et la réalité», ajoute-t-elle.
Cette année, HRW avait déjà informé le gouvernement que deux entreprises du pays sous-payaient systématiquement leurs employés.
Les travailleurs de l'Imperial Trading and Construction Company (ITCC) et de Lalibela Cleaning & Services ont informé les enquêteurs qu'ils «vivaient et travaillaient dans des conditions dramatiques».
En réponse à ces allégations, le Bureau de la communication du gouvernement du Qatar annonce que «l'ITCC a été inscrite sur la liste des entreprises interdites du ministère du Travail» et que «des poursuites judiciaires ont été engagées contre cette entreprise, et de sévères sanctions lui ont été infligées».
Cependant, les travailleurs n'ont pas encore reçu les salaires qui leur sont dus, et un grand nombre d’entre eux se voient refuser les cartes d'identité qataries requises pour bénéficier des prestations indispensables dans leur pays. HRW a contacté les deux sociétés pour obtenir des commentaires, mais aucune n'a donné suite à cette sollicitation.
Un rapport de HRW datant du mois d'août révèle que les abus au sujet des rémunérations des travailleurs immigrés sont répandus dans de nombreux secteurs et professions au Qatar.
Le rapport indique que le pays «n'a pas respecté son engagement de 2017 envers l'Organisation internationale du travail».
Dans le cadre de l'enquête, HRW met en lumière un schéma récurrent de négligences. Les autorités locales et la police ont ignoré les plaintes et les protestations des travailleurs immigrés, constate l'organisation.
Un salarié révèle à HRW qu’«au moins 40 travailleurs» ont déposé des plaintes auprès du comité des conflits du travail du Qatar. Aucun d’eux n’a encore été convoqué pour une audition.
Devant l’absence de réponse des autorités à ces multiples plaintes, de nombreux travailleurs ont organisé des grèves et des manifestations.
Un autre employé apporte cette précision: «La police est venue aux manifestations pour essayer de nous faire peur, afin que nous mettions fin aux grèves, disant que nous serions emprisonnés si nous postions des photos ou des vidéos des manifestations sur les réseaux sociaux.»
Au cours de cette année, le Qatar a déclaré que la Caisse d’assistance et d’assurance aux travailleurs était «pleinement opérationnelle» et qu’elle avait distribué plus de 14 millions de riyals qataris (3,85 millions de dollars, soit 3,16 millions d’euros) en guise de compensation financière.
Néanmoins, au moins quatre cents travailleurs attendent toujours les paiements du fonds malgré la loi qatarie, qui stipule que les affaires de travail doivent être réglées «dans les six semaines».
HRW prévient: «Le Qatar devrait modifier les conditions du fonds et fournir une aide humanitaire aux travailleurs, en attendant une résolution du tribunal du travail. En outre, ce dernier doit créer des moyens permettant aux travailleurs dépourvus de carte d'identité du Qatar de signaler les abus concernant les salaires impayés et toutes autres revendications.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.