WASHINGTON: Le Congrès américain est plongé jeudi dans son 16e jour de paralysie chaotique, les solutions envisagées par les républicains en début de matinée pour élire un président et sortir de la crise semblant l'une après l'autre vouées à l'échec au fil de la journée.
C'est une situation complètement inédite: l'une des deux chambres du Congrès, censé être l'un des parlements les plus puissants au monde, n'a pas été capable de voter sur le moindre projet de loi depuis plus de deux semaines.
Qu'importe que le président Joe Biden s'apprête à demander lors d'un discours à 20H00 (00H00 GMT vendredi) des ressources considérables pour l'Ukraine, envahie par la Russie, et pour Israël, en guerre avec le Hamas. La Chambre est actuellement incapable d'accéder à cette requête.
L'immense majorité des pouvoirs de cette institution ont été suspendus par la destitution historique de son chef Kevin McCarthy le 3 octobre, victime de divisions entre républicains modérés et trumpistes.
Renforcement temporaire
Les conservateurs sont majoritaires à la chambre basse et donc responsables d'en élire le "speaker". Mais ces 221 parlementaires ne parviennent pas à s'entendre sur un nouveau président.
L'élu de l'Ohio Jim Jordan, membre de la frange la plus conservatrice du parti et très proche de Donald Trump, candidat désigné, a déjà échoué deux fois cette semaine à obtenir la majorité pour accéder au perchoir.
Face à cette difficulté, un scénario était envisagé de plus en plus sérieusement: renforcer temporairement les pouvoirs du "speaker" par intérim, Patrick McHenry.
L'unique responsabilité de cet élu de Caroline du Nord -- reconnaissable au noeud papillon qu'il porte toujours avec ses costumes -- est actuellement d'organiser l'élection du successeur de Kevin McCarthy.
Mais le quadragénaire pourrait, grâce à un vote de la Chambre, être autorisé à présider cette institution pour quelques mois, le temps par exemple d'adopter un nouveau budget pour l'Etat fédéral, celui-ci expirant dans moins d'un mois.
Cette hypothèse a finalement pris du plomb dans l'aile jeudi.
«Rupture des normes»
Après une réunion survoltée entre les parlementaires de cette majorité fracturée, Jim Jordan a dit à la presse qu'il n'en avait pas terminé. "Je suis toujours candidat à la présidence, et je prévois d'aller dans l'hémicycle, réunir les voix nécessaires et l'emporter", a-t-il déclaré.
Cet ancien lutteur tentera à nouveau sa chance avec un vote vendredi matin, à fait savoir son porte-parole jeudi soir.
Jim Jordan est pourtant loin du compte.
Une vingtaine de républicains modérés reprochent toujours à cet élu pugnace des positions trop extrêmes et refusent pour cette raison de l'élire au poste de "speaker". Certains ont aussi affirmé avoir reçu des menaces de mort depuis leur vote contre Jim Jordan.
De l'autre côté, des élus de l'aile droite du parti, proches de l'ancien président Donald Trump, ne souhaitent pas donner les clés de la Chambre à Patrick McHenry, l'un d'entre eux affirmant qu'une telle élection serait "une rupture des normes et des traditions".
Illustration des tensions très vives entre les deux factions républicaines: des journalistes américains ont fait état de cris et d'invectives dans la salle où les élus se sont réunis jeudi.
Face à ces fractures internes béantes, une autre issue possible se dessine: une alliance surprise entre républicains modérés et le parti de Joe Biden, les démocrates, qui a jusqu'ici principalement été spectateur de ces tractations.
Exhortant les républicains à mettre fin "à leur guerre civile", le leader démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a appelé à former "une coalition qui transcende les partis".