BRUXELLES: Bruxelles a indiqué jeudi s'attendre à un accord "dans les prochains jours" entre Etats membres sur un texte-clé de la réforme du système migratoire européen qui a obtenu un feu vert de Berlin mais suscité des objections italiennes.
Le règlement en discussion est destiné à organiser une réponse européenne en cas d'afflux massif de migrants dans un pays de l'UE, comme lors de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il permet notamment d'allonger la durée de détention des migrants aux frontières extérieures du bloc.
Berlin, qui refusait jusque là d'endosser le texte pour des raisons humanitaires, s'est finalement rallié jeudi au compromis sur la table.
"La proposition révisée comprend des changements importants qui ont permis à l'Allemagne de l'approuver", a expliqué la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser, à l'issue d'une réunion avec ses homologues européens à Bruxelles.
La paralysie de ce "règlement de crise" avait suscité la frustration au sein de l'UE, face à la hausse des arrivées de migrants à ses frontières extérieures et la situation sur l'île italienne de Lampedusa.
Le ministre espagnol de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, dont le pays exerce la présidence tournante du Conseil de l'UE, a affirmé que le texte de compromis rassemblait désormais la majorité nécessaire au sein des Etats membres.
«Des nuances»
Il a assuré, tout comme la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, qu'un accord serait formalisé "dans les prochains jours" sur ce dernier texte du pacte asile et migration de l'UE, qui devra ensuite faire l'objet de négociations avec le Parlement européen.
Il ne reste que "des nuances" à régler, a indiqué le responsable espagnol.
Le compromis a pourtant suscité des objections de l'Italie.
Rome "a demandé du temps pour examiner plus en détail le contenu de cette proposition, y compris d'un point de vue juridique", a déclaré le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani à Berlin.
Selon la presse italienne, ces réticences sont liées à des concessions faites à l'Allemagne notamment sur la protection des ONG sauvant des migrants en mer.
Le texte prévoit, en cas d'afflux "massif" et "exceptionnel" de migrants, la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles.
Il prolonge la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE --jusqu'à 40 semaines--, et permet des procédures d'examen des demandes d'asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés (tous ceux venant de pays dont le taux de reconnaissance, c'est-à-dire le taux de réponse positive aux demandes d'asile, est inférieur à 75%), afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.
Il prévoit par ailleurs un déclenchement rapide de mécanismes de solidarité envers l'Etat membre confronté à cet afflux, sous la forme notamment de relocalisations de demandeurs d'asile ou d'une contribution financière.
Pression du Parlement
En juillet, la majorité nécessaire à l'adoption de ce règlement n'avait pas été atteinte : la Hongrie, la Pologne, l'Autriche et la République tchèque avaient voté contre, tandis que l'Allemagne, la Slovaquie et les Pays-Bas s'étaient abstenus.
L'abstention de l'Allemagne était due à l'opposition des Verts, membres de la coalition au pouvoir, qui réclamaient des aménagements pour les mineurs et les familles.
La ministre Nancy Faeser a indiqué avoir notamment obtenu des améliorations sur ce point.
Le blocage du texte a provoqué l'impatience de nombreux pays de l'UE et des députés européens.
Pour faire pression sur les Vingt-Sept, le Parlement européen a décidé la semaine dernière de mettre sur pause les négociations déjà entamées avec les Etats membres sur deux autres règlements du paquet migratoire, visant à renforcer la sécurité aux frontières extérieures.
L'accord des Etats membres sur le règlement de crise devrait débloquer ces négociations sur les autres textes de ce pacte présenté en septembre 2020 par la Commission européenne.
L'objectif affiché est d'aboutir à une adoption de ce pacte, comprenant une dizaine de législations, avant les élections européennes de juin 2024, afin de ne pas réitérer l'échec de la précédente Commission à conclure une refonte du système d'asile.
Après les élections, le sort d'une telle réforme pourrait être compromis par de possibles changements dans la composition politique du Parlement européen.
En outre, la Hongrie et la Pologne, deux pays farouchement opposés à la réforme et à tout accueil de demandeurs d'asile, exerceront l'une après l'autre la présidence semestrielle du Conseil de l'UE et seront, à ce titre, en charge de fixer l'agenda des réunions.