WASHINGTON: Le retrait de près de 12.000 militaires américains d'Allemagne vient confirmer une constante: parmi les alliés des Etats-Unis qu'il aime rudoyer, Donald Trump réserve toujours une place de choix à l'Allemagne d'Angela Merkel.
Le Pentagone a annoncé mercredi le départ de plus d'un tiers de ses forces déployées dans des bases allemandes. Une partie de ces troupes rentreront aux Etats-Unis, les autres seront repositionnées ailleurs en Europe. Et le président américain n'a pas pris de gants contre Berlin, traditionnellement l'un des alliés les plus proches de Washington sur le Vieux Continent.
"L'Allemagne est un mauvais payeur", a-t-il lancé. "L'Allemagne doit des milliards et des milliards de dollars à l'Otan" et "n'a aucune intention de payer." "On en a marre d'être des pigeons", a encore insisté le milliardaire républicain, avant de trancher: "Nous réduisons nos forces parce qu'ils ne paient pas".
Peu importe que le ministère de la Défense se soit efforcé de présenter la décision comme un redéploiement stratégique. Pour Rachel Rizzo, du cercle de réflexion Truman Center, "cette décision n'est rien d'autre qu'une mesure punitive à l'encontre de l'Allemagne". "Un affront à l'un de nos plus proches alliés", s'est même emporté le sénateur démocrate Bob Menendez.
Animosité à l'égard de l'Allemagne
La participation allemande, jugée insuffisante, aux dépenses militaires au sein de l'Alliance atlantique est un des principaux griefs de Donald Trump dont le grand-père paternel était pourtant allemand, né dans un village rhénan avant de traverser l'océan.
"Il avait une certaine animosité à l'égard de l'Allemagne déjà dans les années 1980 et 1990, lorsqu'il déplorait que les Américains doivent payer pour la sécurité des alliés alors que les Allemands en profitaient sans contribuer", rappelait récemment Sudha David-Wilp, du cercle de réflexion German Marshall Fund of the United States.
Les enviables exportations de Berlin ont alimenté l'agacement d'un Donald Trump élu sur la promesse de rééquilibrer les relations commerciales avec ses partenaires quitte à brandir régulièrement la menace de taxes douanières contre les voitures, joyau de l'économie allemande.
Diamétralement opposées
Une fois à la Maison Blanche, le différend financier a même provoqué un clash mémorable au sommet de l'Otan en juillet 2018 à Bruxelles, quand le président américain avait accusé l'Allemagne d'être "prisonnière de la Russie". "Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie", avait-il asséné en référence au projet de gazoduc Nord Stream 2, auquel Washington est fermement opposé.
Un mois plus tôt, le sommet du G7 au Canada avait déjà été rythmé par ses humeurs. Une confrontation résumée par une photo: celle de la chancelière allemande Angela Merkel debout, mains posées sur la table face à l'ex-homme d'affaires new-yorkais assis, les bras croisés, de l'autre côté de celle-ci.
Le courant n'est jamais passé entre ces deux dirigeants aux personnalités diamétralement opposées.
Trump-Merkel
Sudha David-Wilp reconnaît que l'hostilité présumée de l'Américain envers les femmes, a fortiori les femmes fortes, est probablement "un facteur".
Cette spécialiste souligne que la chancelière a certainement énervé le président avec sa leçon sur les "valeurs" démocratiques au lendemain de sa victoire surprise en novembre 2016. Ou en estimant que les Européens devaient prendre leur "destin en main" faute de pouvoir continuer à compter sur l'allié américain. Donald Trump s'est lui régulièrement immiscé, avant comme après son élection, dans le débat allemand au sujet de l'immigration, pour étriller la décision "insensée" de la dirigeante chrétienne-démocrate d'accueillir massivement des réfugiés en 2015.
Depuis, à l'inverse d'un président français, Emmanuel Macron, qui s'efforce d'afficher son "amitié" avec son homologue américain, Angela Merkel, d'une nature moins chaleureuse et tactile, n'hésite pas à lui dire "non". Dernier exemple en date: c'est elle qui, "compte tenu de la pandémie", a fait capoter son projet de réunir en juin les dirigeants du G7 aux Etats-Unis en chair et en os.
Une éventuelle victoire à la présidentielle américaine de novembre du démocrate Joe Biden, plus attaché aux alliances traditionnelles des Etats-Unis, permettrait-elle d'apaiser ces tensions? Pas si simple. "L'Allemagne était le plus atlantiste des pays, celui qui faisait le pari des relations transatlantiques", expliquait en juin Ivan Krastev, du think tank bulgare Centre for Liberal Strategies. "Mais l'opinion publique allemande a changé", "et ce serait une erreur de penser que l'élection de Biden suffirait à rétablir les relations".