LYON, France : Ebranlée par la catastrophe nucléaire de Fukushima, l'artiste polyvalente japonaise Aya Takano soigne son traumatisme par une nouvelle série d’œuvres en forme d'ode à la nature, exposées au musée d'art contemporain de Lyon (MACL), dans le centre-est de la France.
Une jeune fille en train de lire en chevauchant une bête à corne, une autre dotée d'ailes de papillon, des lions, des renards et un chimpanzé sur la plage: à 44 ans, Aya Takano installe ses personnages et leurs silhouettes manga en symbiose avec le vivant.
«Avant Fukushima», l'accident nucléaire provoqué par un séisme suivi d'un tsunami en mars 2011 sur la côte orientale du Japon, «j'aimais bien les villes, je n'avais pas beaucoup de contact avec la nature», raconte à l'AFP l'artiste, devant l'une des 15 grandes toiles qu'elle a peintes entre mai et juillet.
«Mais après, j'ai vraiment senti l'importance de la vie, de la nature, et des animaux, même si je les aimais avant. Je suis devenu végétarienne, j'ai pratiqué le yoga, ma vie a profondément changé», poursuit-elle à l'occasion de la première exposition que lui consacre un musée en Europe.
De ses premières peintures récemment retrouvées par sa mère jusqu'à ses dernières productions, l'univers est constant: des jeunes filles-femmes longilignes au regard aussi puissant qu'intrigant, évoluant dans un décor mi-science-fiction/mi-Japon traditionnel, où affleure l'érotisme.
- «Sous pression» -
Quasiment pas d'homme dans ce monde-là: «J'ai le corps d'une femme, et j'ai donc le contact au monde à travers ce corps féminin. Dans la société actuelle, il y a plus d'éléments masculins que féminins, la féminité est sous pression, c'est pour ça que, peut-être, je voulais combler un manque...», affirme-t-elle.
En 2022, celle qui travaille aussi comme illustratrice et autrice de mangas, a déménagé de Yokohama à Kamakura, au bord de l'océan, où elle se «baigne tous les jours». Elle y vit entourée d'animaux, de champs, d'insectes.
A l'huile et non plus à l'acrylique, elle peint la mer, et les lumières qui vont avec, celles du jour et du soleil, plus vives, plus colorées - un contraste avec son monde d'avant. «Une évolution, pas une rupture», souligne la commissaire Marilou Laneuville. «Depuis toute petite, Aya trouve que la société est trop logique, elle aspire à quelque chose de plus irrationnel, avec plus de nature, d'éléments organiques. Son univers était beaucoup plus urbain auparavant».
Mais ces œuvres post-Fukushima, paradoxalement, ne broient pas de noir: «j'ai voulu montrer que, s'il y a des choses cruelles dans notre monde, il y a un autre chemin possible. C'est un message d'espoir», résume l'artiste.
Exposition du 22 septembre au 7 janvier 2024.