PARIS: En coulisses, la Macronie l'admet sans fard: le chef de l'Etat n'a pas réussi, jusqu'ici, à esquisser son grand récit écologique qui parlerait "aux tripes" des Français. Et au moment de dévoiler lundi la "planification" tant attendue, Emmanuel Macron affiche un bilan environnemental en demi-teinte.
Après un premier mandat déjà contrasté, il avait promis en 2022 de changer de braquet. Le second quinquennat "sera écologique ou ne sera pas", avait-il lancé à Marseille entre les deux tours de la présidentielle.
Un an et demi plus tard, "le quinquennat n'est pour l'instant clairement pas écologique", déplore Anne Bringault, du Réseau Action Climat.
C'est tout l'enjeu de l'exercice de lundi, quand le président présentera aux Français la stratégie dont sa Première ministre Elisabeth Borne a déjà détaillé les contours aux partis et à la société civile. Objectif: aller "deux fois plus vite" pour respecter les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030.
Une fois n'est pas coutume, la cheffe d'Europe Ecologie Les Verts Marine Tondelier a salué "un constat très complet, très lucide et assez inédit". Mais elle a aussitôt appelé à passer à l'"action", avec un impôt "climatique" sur les grandes fortunes pour financer ce chantier herculéen - impôt dont l'exécutif ne veut pas entendre parler.
«Trop techno»
Pour Anne Bringault aussi, le plan doit être assorti de "financements sur plusieurs années", bien au-delà des sept milliards d'euros supplémentaires prévus pour 2024.
Surtout, cette politique, "il faut l'incarner". "Ce qu'on attend d'Emmanuel Macron, c'est qu'il donne sa vision d'où il veut emmener les Français, dans leur quotidien, comment ils vont se déplacer, se loger, se chauffer, s'alimenter", insiste-t-elle.
Jusqu'ici, ont circulé de cette planification écologique des efforts chiffrés secteur par secteur et 52 leviers d'action.
Longtemps jugé en retrait sur cette priorité d'Emmanuel Macron, son ministre de la Transition écologique Christophe Béchu est devenu intarissable, sortant dès qu'il le peut tableaux et graphiques accompagnant le plan.
Mais comment rendre tout cela digeste pour embarquer les Français ?
Selon plusieurs sources, l'entourage présidentiel a dû revoir à plusieurs reprises sa copie avant le rendez-vous de lundi, qui sera finalement une simple prise de parole du chef de l'Etat au terme d'une réunion ministérielle. Et le briefing organisé vendredi par l'Elysée pour la presse n'a pas permis de comprendre si des annonces fortes étaient à attendre.
"On est beaucoup trop techno, il faut parler aux tripes", lâche un proche d'Emmanuel Macron, regrettant qu'il n'ait pas profité du "boulevard" dont il disposait après le meeting de Marseille. "Il n'a pas encore trouvé le récit", ajoute-t-il.
Leadership international
Une précédente tentative pour mobiliser la société, autour de la convention citoyenne pour le climat du premier quinquennat, s'est retournée contre le président, accusé par les écologistes d'avoir enterré plusieurs recommandations.
"Ça fait six ans qu'on est mauvais", peste une députée du camp présidentiel. "Dans le fond, on a fait pas mal de choses. Mais c'est la maladie macronienne, on parle trop de chiffres, de milliards. Il faut avoir un discours militant."
Emmanuel Macron a plusieurs fois tenté de donner sa vision, promettant "une écologie de progrès et de solutions" et "non punitive" - parfois jusqu'à la caricature, lorsqu'il épingle ceux qui préféreraient le "retour à la lampe à huile".
"La radicalité est bien sûr bien plus simple pour communiquer", soupire un ministre en première ligne. Pour lui, "le risque, c'est qu'on n'embarque pas les gens si on entre dans l'interdit" ou s'ils voient "l'écologie comme une source de hausses d'impôts sans fin".
L'exécutif est d'autant plus perplexe qu'il vante son bilan, de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes aux récentes lois pour accélérer le nucléaire et les énergies renouvelables.
Emmanuel Macron porte en outre sur la scène internationale un discours volontariste sur la sortie des énergies fossiles et a imposé un certain leadership sur la finance verte avec son sommet qui a débouché en juin sur un "pacte de Paris pour les peuples et la planète".
Pas assez, prévient Anne Bringault: "S'il veut être crédible hors de France, la France devra d'abord être un peu plus exemplaire".