Charles III à Bordeaux, symbole de trois siècles d'Aquitaine anglaise

Le roi Charles III et la reine Camilla arrivent pour assister à un banquet d'État au château de Versailles, à l'ouest de Paris, le 20 septembre 2023, au premier jour d'une visite d'État de la famille royale britannique en France. (AFP).
Le roi Charles III et la reine Camilla arrivent pour assister à un banquet d'État au château de Versailles, à l'ouest de Paris, le 20 septembre 2023, au premier jour d'une visite d'État de la famille royale britannique en France. (AFP).
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Publié le Jeudi 21 septembre 2023

Charles III à Bordeaux, symbole de trois siècles d'Aquitaine anglaise

  • Déjà venu en 1977, lorsqu'il était prince de Galles, le roi marche aussi sur les traces de sa mère, Elizabeth II (1926-2022), qui avait fait escale sur les rives de la Garonne en 1992
  • Jusqu'à la bataille de Castillon, qui met un terme à la guerre de Cent Ans en 1453, le duché d'Aquitaine est régi par des monarques anglais

BORDEAUX: La visite de Charles III, vendredi à Bordeaux, ravive les liens entre l'Aquitaine et l'Angleterre qui a régné pendant trois siècles sur le Bordelais, importé son vin "claret" et laissé une empreinte vivace, dont témoigne une importante communauté britannique.

Déjà venu en 1977, lorsqu'il était prince de Galles, le roi marche aussi sur les traces de sa mère, Elizabeth II (1926-2022), qui avait fait escale sur les rives de la Garonne en 1992.

"Elle cherchait à réactiver, à rappeler ce lien historique", souligne Frédéric Boutoulle, professeur d'histoire médiévale à l'Université Bordeaux-Montaigne.

Ces attaches remontent à 1152 : Aliénor, duchesse d'Aquitaine, épouse alors Henri II Plantagenêt, qui deviendra roi d'Angleterre deux ans plus tard.

"À partir de ce moment-là, il y a une union dynastique entre l'Aquitaine et l'Angleterre qui a duré trois siècles, contre vents et marées", poursuit l'historien, évoquant des "liens assez forts".

« Pas une colonisation »

Jusqu'à la bataille de Castillon, qui met un terme à la guerre de Cent Ans en 1453, le duché d'Aquitaine est régi par des monarques anglais, même si l'étendue territoriale de la province varie beaucoup au fil des conflits et des traités.

Durant cette période, "Bordeaux est toujours restée anglaise", note Guilhem Pépin, titulaire d'un doctorat en histoire de l'université d'Oxford et spécialiste du sujet. "Mais ce n'est pas une colonisation de peuplement, il y avait une grande autonomie." Les sujets aquitains du roi d'Angleterre ne parlaient pas l'anglais mais le gascon.

Cette union dynastique bénéficie au commerce de la Gascogne, en particulier à son vignoble. "Ça a été une aubaine pour les vins de la région", confirme Frédéric Boutoulle.

Selon les registres fiscaux de l'époque, le volume moyen exporté depuis l'estuaire de la Gironde atteint 82.000 tonneaux par an au début du XIVe siècle (près de 700.000 hectolitres), avec une année record en 1308-1309 : 102.000 tonneaux ou 850.000 hl.

"On n'a retrouvé ces chiffres que dans les années 1950", précise Frédéric Boutoulle.

Si le fameux vin rouge clairet, ou "claret", se taille la part du lion, l'élite anglaise se délecte aussi du blanc, comme celui produit alors à Saint-Émilion.

La région garde des traces de ce riche passé, comme le léopard anglais qui figure sur les armoiries de la ville de Bordeaux, ou le nom de bastides médiévales fondées par des représentants du roi d'Angleterre: Roger de Leyburn à Libourne (Gironde) ou John de Hastings à Hastingues (Landes).

Le roi d'Angleterre Richard II, quant à lui, est né en 1367 à Bordeaux, ou bien tout près de là à Lormont, selon les sources.

« Anachronisme »

Par la suite, le lien culturel et commercial se maintient, malgré la conquête française, la région restant aujourd'hui un pôle d'attraction pour les Britanniques.

Selon l'Office du tourisme, ils ont été 100.000 à séjourner à Bordeaux en 2022, soit la deuxième fréquentation étrangère après les Espagnols. Et selon des données de l'Insee d'avant le Brexit, un quart des Britanniques vivant en France résidaient en Nouvelle-Aquitaine (39.000 résidents en 2016).

La venue de Charles III, d'abord annulée il y a six mois en plein conflit sur les retraites, met en joie des ressortissants britanniques installés dans la région.

"J'avais été déçue qu'il ne vienne pas" en mars, témoigne Christine Rychlewski, responsable locale de l'église anglicane, qui compte bien aller applaudir Charles III, chef de l'Église d'Angleterre, vendredi à Bordeaux.

"C'est une bonne chose que ça soit remis au programme, c'est bien pour l'amitié franco-britannique", ajoute cette sexagénaire, interprète à la retraite.

Mais pour d'autres, comme Andy Smith, président du Bordeaux Giscours Cricket Club, cette visite relève d'un "anachronisme incroyable dans un pays démocratique".

"La famille royale est un symbole du système de classes britannique que je trouve aberrant", plaide cet enseignant à Sciences Po Bordeaux, qui se dit "plutôt républicain".


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.