BERLIN: La Commission européenne et l'Allemagne ont exigé mercredi de Varsovie des éclaircissements sur l'ampleur d'une présumée fraude aux visas qui trouble la campagne électorale en Pologne et touche aux règles d'entrée sur le territoire européen.
A moins d'un mois des élections législatives du 15 octobre, le gouvernement polonais se trouve dans la tourmente après des révélations sur l'octroi de visas à des ressortissants étrangers facilité par des dessous-de-table. Plusieurs personnes ont été inculpées.
L'opposition accuse le gouvernement du parti Droit et Justice (PiS) d'avoir fait entrer des "centaines de milliers de migrants" d'Afrique et du Moyen Orient dans l'espace Schengen européen de libre-circulation.
Au moment où la question migratoire revient tirailler les relations entre les Vingt-Sept, Bruxelles et Berlin veulent que Varsovie s'explique sur ces allégations.
La Pologne dément pour sa part tout système de fraude massif.
Les soupçons sont "sérieux", a indiqué à l'AFP une source gouvernementale allemande.
La ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, a eu un entretien téléphonique avec son homologue polonais et l'ambassadeur de Pologne en Allemagne a été convoqué mardi au ministère.
"Il a été clairement indiqué que le gouvernement fédéral attendait du gouvernement polonais qu'il clarifie rapidement et complètement les allégations", a ajouté cette source.
Les demandes de Berlin portent notamment "sur la date et le nombre de visas délivrés ainsi que sur les nationalités des bénéficiaires".
«Absurde»
La Commission européenne a également annoncé mercredi avoir demandé des "clarifications" à la Pologne sur des allégations "préoccupantes".
La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson a demandé à Varsovie une réponse avant le 3 octobre.
Le gouvernement polonais a qualifié de "foutaises" les accusations décrivant un système de fraude généralisée.
"La presse allemande s'est accrochée au récit complètement absurde de l'opposition concernant l'ampleur de ce à quoi nous étions confrontés", a déploré mercredi le ministre polonais de l'Intérieur Mariusz Kaminski, à Radio Zet.
Il a reproché à l'opposition d'exploiter cette affaire dans le cadre de la campagne pour les législatives.
Depuis les révélations de la presse, les populistes nationalistes au pouvoir s'efforcent d'en minimiser la portée. Selon eux, seuls "quelques centaines de visas" seraient concernés. L'opposition a avancé le chiffre de 250 000.
L'ancien Premier ministre et chef de file de l'opposition Donald Tusk a lui évoqué le "plus grand scandale en Pologne au XXIe siècle".
Un vice-ministre des Affaires étrangères, Piotr Wawrzyk, qui serait selon les médias au cœur de cette affaire, a été démis de son poste fin août. Officiellement en raison d'une "absence de coopération suffisante".
Mais selon le portail d'information Onet.pl, il a été congédié pour avoir "aidé à créer une filière d'immigration clandestine depuis l'Asie et l'Afrique" via des consulats polonais ainsi que des sociétés extérieures rémunérées.
Les journalistes affirment notamment que le vice-ministre et ses collaborateurs envoyaient des listes de centaines de noms de personnes auxquelles les consulats devaient rapidement délivrer les visas, souvent sans vérification.
Référendum
Le ministère polonais des Affaires étrangères avait reconnu la semaine dernière des "irrégularités". Le parquet polonais a ouvert une enquête pour "trafic d'influence".
L'affaire est particulièrement embarrassante pour le parti Droit et Justice (PiS) qui use depuis des années d'une rhétorique hostile à l'immigration.
La Pologne a achevé l'an dernier la construction d'un mur en acier le long de sa frontière avec le Bélarus, destiné à dissuader les migrants, et y a déployé des milliers de soldats.
La question migratoire est au coeur de la campagne électorale et l'exécutif organise aussi, le jour des élections législatives, un référendum portant, entre autres, sur ce sujet.
Avant que le scandale n'éclate, l'Allemagne avait déjà renforcé les contrôles à sa frontière avec la Pologne en raison d'une hausse des demandes d'asile depuis le début de l'année.
Les pays méditerranéens, comme l'Italie et la Grèce, sont aussi confrontés à une hausse des flux migratoires, illustrée ces derniers jours par l'arrivée de milliers de personnes sur la petite île italienne de Lampedusa, relançant le débat sur le partage des responsabilités au sein de l'Union européenne concernant les demandeurs d'asile.