JERUSALEM: Plusieurs milliers de personnes manifestent lundi soir à Jérusalem devant la Cour suprême d'Israël contre le projet de réforme de la justice qui divise profondément la société, à la veille d'une audience de ce tribunal jugée cruciale pour la suite du processus.
"Démocratie! Démocratie!" scandent les manifestants, brandissant des drapeaux israéliens, selon des journalistes de l'AFP présents sur place.
"Nous sommes ici pour essayer d'arrêter les tentatives de ce gouvernement corrompu de transformer Israël, une démocratie libérale, en un régime fasciste", a déclaré à l'AFP Michael Telias, 42 ans, professeur de neurosciences.
L'annonce du projet gouvernemental début janvier a donné lieu à l'un des plus importants mouvements de contestation qu'ait connu Israël depuis sa création en 1948.
Le camp des opposants à la réforme manifeste ainsi chaque samedi soir, principalement à Tel-Aviv, mais aussi dans de nombreuses villes du pays.
La Cour suprême doit tenir mardi une audience exceptionnelle réunissant ses 15 juges afin d'examiner des recours déposés contre une première clause du projet de réforme adoptée par le Parlement en juillet.
Cette mesure empêche la Cour suprême d'invalider une décision gouvernementale en jugeant de son "caractère raisonnable", ce qu'elle a fait à plusieurs reprises.
Pour le gouvernement, dont plusieurs membres ont accusé à plusieurs reprise la Cour suprême d'être politisée, cette institution ne devrait prendre ses décisions qu'en se fondant sur le droit.
"Nous espérons que la Cour suprême va rejeter cette proposition qui n'a pas d'autre but que d'éliminer toute forme de pouvoir qu'elle devrait justement avoir", a déclaré à l'AFP M. Elias.
"Je suis ici parce que je veux vivre dans un pays démocratique, je veux que mes enfants et mes petits-enfants puissent vivre la vie que nous avons espérée pour eux", a de son côté déclaré Miriam Galon, une retraitée venue de Givat Ela dans le nord d'Israël.
De nombreux lycéens étaient aussi présents à cette manifestation dont Lior, 17 ans, venue de Tel Aviv, pour qui "les jeunes doivent être dans la rue".
"Il est temps de se réveiller, c'est à nous de défendre notre pays et nos droits", ajoute la jeune fille.
«Compromis fictif»
Alors que plusieurs médias israéliens évoquent un accord de conciliation entre le gouvernement et l'opposition sur la poursuite de la réforme judiciaire, sous les auspices du président Isaac Herzog, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé lundi qu'il agissait pour "parvenir à un consensus national qui rétablira l'équilibre entre les trois pouvoirs".
"Si un tel accord était obtenu, personne n'empêchera sa mise en oeuvre", a ajouté M. Netanyahu, dans une mise en garde à peine voilée à certaines voies discordantes au sein de sa majorité.
Un peu plus tôt, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, du parti d'extrême-droite Force juive, avait déclaré être opposé à toute "capitulation".
"Je suis pour le dialogue mais contre la capitulation [...] cette réforme est importante pour l'Etat d'Israël", avait-il déclaré dans une vidéo diffusée par son bureau.
Le chef de l'opposition Yaïr Lapid a de son côté mis en garde lundi soir contre "une proposition de compromis fictif", dans une vidéo.
Selon le gouvernement, la réforme vise entre autres à rééquilibrer les pouvoirs, en diminuant les prérogatives de la Cour suprême au profit du Parlement.
Les opposants à la réforme craignent de leur côté que les changements proposés, en faisant sauter des garde-fous à l'action du pouvoir législatif et exécutif, ne fassent basculer la démocratie israélienne vers un système illibéral.
Ils accusent M. Netanyahu, en procès pour plusieurs affaires de corruption, de conflit d'intérêts et de vouloir cette réforme pour se sortir de ses ennuis judiciaires.