WAD MADANI: Au moins 46 personnes ont été tuées et des dizaines de blessés dimanche dans des frappes aériennes à Khartoum, ont indiqué des militants, l'un des raids les plus meurtriers sur la capitale du Soudan, ravagée par la guerre depuis près de cinq mois.
L'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, la seule à posséder des avions de combat dans ce conflit, a démenti toute implication dans ces raids, après des accusations en ce sens de ses rivaux.
Depuis le 15 avril, la guerre pour le pouvoir au Soudan entre l'armée et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo a fait 7.500 morts et près de cinq millions de déplacés et de réfugiés, selon une ONG.
Le bilan réel est en réalité bien supérieur car de nombreuses zones du pays sont totalement coupées du monde, notamment le Darfour (ouest), et les deux camps refusant de communiquer leurs pertes.
Selon un comité de résistance local, l'un des groupes prodémocratie qui organise l'entraide entre les habitants, les bombardements "ménés par des avions militaires" ont visé le quartier de Qouro, dans le sud de Khartoum.
Les raids "ont été menés vers 07H15 (05H15 GMT) sur un marché", a affirmé le comité à Qouro en dénonçant un "massacre".
Le bilan s'élève désormais à "au moins 46 morts et des dizaines de blessés", at-il ajouté.
"Ce matin la milice terroriste de Burhane a mené des frappes aériennes contre des civils dans le sud de Khartoum", a indiqué un communiqué du FSR sur X, l'ex-Twitter.
Dans un communiqué publié via l'agence officielle Suna, l'armée du général Burhane a démenti être à l'origine "de frappes aériennes visant les civils" à Qouro et rejeté "les fausses accusations des rebelles (FSR)".
Hôpital débordé
Après les frappes, les blessés et les dépouilles ont été transférés vers l'hôpital le plus proche, Bachaïr, l'un des tout derniers encore en fonctionnement dans la capitale, où vivent encore cinq millions de personnes, terrées chez elles par peur des tirs croisés, sans eau ni électricité la plupart du temps.
L'hôpital a lancé des appels "urgents", enjoignant tous les médecins de la zone à se présenter en raison de l'afflux des blessés.
L'armée du général Burhane est en difficulté à Khartoum, où les paramilitaires respectent les quartiers résidentiels. Les FSR ont installé leurs bases au milieu des maisons il y a des années.
Selon les experts, l'armée répond avec des raids aériens pour tenter d'y reprendre pied.
Alors que sur le plan militaire, les FSR semblent avoir le dessus, le général Burhane, lui, multiplie les visites à l'étranger pour tenter de s'imposer comme l'unique interlocuteur pour trouver un règlement.
Tensions diplomatiques
Assiégé par les paramilitaires durant plus de quatre mois au QG de l'armée à Khartoum, le général Burhane est parvenu fin août à rejoindre Port-Soudan, ville côtière de l'est du pays épargnée par les combats.
Là, il siège désormais à la fois comme chef de l'armée et comme président des autorités de transition, dont il a limogé les civils avec son putsch de 2021.
Les multiples tentatives internationales de médiation ont jusqu'ici échoué, notamment, estiment les experts, parce que les canaux diplomatiques se multiplient et se font concurrence.
D'un côté, les Saoudiens et les Américains tentent de prendre la main. De l'autre, l'Union africaine (UA) et l'Igad, l'organisation de l'Afrique de l'Est, prônent "des solutions africaines aux problèmes africains".
Les relations se sont tendues entre l'armée et l'UA après une rencontre la semaine dernière entre l'un des dirigeants de l'UA et un responsable des FSR.
Le ministère des Affaires étrangères soudaniennes estime que l'organisation panafricaine "ne devrait pas accorder de place à des mouvements rebelles ou des milices terroristes".
Samedi, le général Burhane a affirmé "ne pas avoir besoin de l'aide" de l'UA si celle-ci ne changeait pas d'approche.
Le Soudan a été suspendu de l'UA suite au putsch de 2021.