BAMAKO: Un bateau de transport de passagers a été attaqué par de présumés djihadistes jeudi sur le fleuve Niger dans le nord du Mali, faisant redouter un lourd bilan dans un secteur soumis depuis quelques semaines à une forte pression des groupes armés combattant l'Etat central.
"Aux environs de 11H00 (heure locale et GMT), les groupes armés terroristes, dans leur dessein funeste, ont attaqué un bateau de la Comanav" dans le secteur de Gourma-Rharous, a dit l'armée malienne sur les réseaux sociaux.
Le bateau, qui assure une importante liaison régulière entre les grandes villes sur le fleuve, dont Tombouctou et Gao, a été visé par "au moins trois roquettes tirées contre le moteur", a dit à l'AFP l'opérateur, la Compagnie malienne de navigation (Comanav).
Aucune information n'a été communiquée dans un premier temps sur le nombre de passagers qui se trouvaient à bord, ni sur d'éventuelles victimes. Les autorités sont restées totalement silencieuses, passé le premier message de l'armée.
Le plus gros bateau de la flotte peut transporter des centaines de passagers.
Un agent de la Comanav s'exprimant sous le couvert de l'anonymat a indiqué que le bateau était immobilisé sur le fleuve et que l'armée était en train d'évacuer les passagers.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux et censées rendre compte de la situation, dans une zone à l'accès et aux communications difficiles, montrent un épais nuage de fumée noire s'élever au-dessus d'un paysage fluvial.
Cette attaque est intervenue quelques semaines après que le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaïda, a annoncé, début août, imposer un blocus à Tombouctou. De nombreux témoignages font état du blocage des routes autour de la ville, d'un arrêt des approvisionnements et d'une hausse des prix.
Le fleuve Niger est un lien vital dans un environnement exigeant. De gros bateaux convoient passagers et marchandises pendant la saison pluvieuse à la faveur de la montée des eaux.
Le blocus de Tombouctou coïncide avec la reconfiguration sécuritaire en cours autour de "la ville aux 333 saints" inscrite au patrimoine de l'humanité.
La mission de l'ONU (Minusma), poussée à partir du Mali par la junte au pouvoir, vient de quitter deux camps proches de Tombouctou, Ber et Goundam, transférés aux autorités maliennes. Cette prise de contrôle par l'Etat malien a donné lieu à des combats avec les djihadistes, mais aussi des accrochages avec les ex-rebelles touareg.
L'armée a indiqué mercredi avoir mené des frappes aériennes le même jour contre des "groupes terroristes" qui, selon elle, planifiaient des attaques contre elle et mettaient sous pression les populations au nord de Tombouctou.
Tombouctou, avec ses quelques dizaines de milliers d'habitants aux confins du Sahara, est l'une des grandes villes du nord tombées entre les mains de rebelles touareg, puis de salafistes après le déclenchement de l'insurrection de 2012. Les forces françaises et maliennes ont repris la ville en 2013.
Les groupes armés à dominante touareg ont signé un accord de paix avec l'Etat malien en 2015 tandis que les djihadistes continuaient les hostilités. La violence s'est propagée au centre du pays et au Burkina Faso et au Niger voisins, faisant des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Des militaires ont pris le pouvoir par la force tour à tour au Mali en 2020, au Burkina en 2022 et au Niger en 2023, en invoquant la crise sécuritaire.
Les tensions récentes dans le nord du Mali font craindre pour la survie de l'accord de 2015, dont la mise en oeuvre est jugée primordiale par une partie de la communauté internationale pour la stabilisation d'un pays plongé dans la tourmente.
Les militaires maliens ont poussé vers la sortie la force antidjihadiste française en 2022 et la mission de l'ONU en 2023, et se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie. Ils ont fait du rétablissement de la souveraineté l'un de leurs mantras. Mais de vastes étendues continuent d'échapper à leur contrôle et différents experts estiment que la situation sécuritaire s'est encore dégradée sous leur direction.