PARIS: Cinq mille prix qui vont cesser d'augmenter voire baisser, un retour anticipé à la table des négociations entre les supermarchés et les plus gros fournisseurs de l'agro-industrie: le gouvernement s'active pour faire face à des prix toujours élevés dans les rayons des magasins.
A l'issue de réunions avec les industriels et les représentants de la grande distribution, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé jeudi "un accord global entre industriels et distributeurs", avec pour ambition de "casser définitivement la spirale des prix de l'alimentaire".
Les prix alimentaires ont bondi de 11,1% sur un an en août, une envolée moins rapide qu'en juillet (12,7%) mais toujours significative, d'autant que les prix avaient déjà commencé à s'apprécier en août 2021.
Cet accord prévoit notamment que jusqu'à la fin de l'année, les prix de 5 000 références vont cesser d'augmenter voire baisser. Un chiffre à mettre en regard avec le nombre de références en magasins: 3 000 à 5 000 dans un supermarché, et entre 20 000 et 35 000 dans les hypermarchés.
Négociations anticipées
Le ministre a en outre annoncé une ouverture anticipée des négociations entre les 75 plus grands industriels et leurs clients de la grande distribution. "Plutôt que d'avoir des négociations qui se concluent au printemps 2024, elles seront conclues au début de l'année 2024", a-t-il expliqué, annonçant "un texte de loi qui gravera dans le marbre l'anticipation de cette négociation".
Distributeurs et industriels agroalimentaires négocient chaque année de décembre jusqu'au 1er mars les conditions de vente d'une large partie des produits vendus tout le reste de l'année en grandes surfaces.
Lors du dernier épisode conclu en mars dernier, le prix moyen payé par les supermarchés aux industriels a augmenté de 9%. Mais le prix d'un certain nombre de matières premières a décru depuis cette date et le gouvernement a appelé les différentes parties à se remettre autour de la table pour revoir les tarifs.
Selon les distributeurs, très peu de leurs fournisseurs industriels ont joué le jeu de ces renégociations et l'inflation est restée très élevée dans les rayons des grandes surfaces.
Les négociations pour 2024 vont donc s'ouvrir plus tôt, avec pour objectif "des baisses de tarifs dès le mois de janvier 2024", a déclaré M. Le Maire sur France 2.
Les industriels de l'agro-alimentaires sont "d'accord sur le principe", a réagi auprès de l'AFP le président de la principale organisation du secteur (Ania), Jean-Philippe André, qui a demandé à "faire attention à ne pas défavoriser les PME" et a fait d'une date-butoir au 31 janvier "un objectif pouvant être atteint".
«Name and shame»
Le ministre de l'Economie a en outre pointé du doigt des industriels qui, à ses yeux, "pourraient faire beaucoup plus" contre la flambée des prix, citant les géants internationaux Unilever, Nestlé ou Pepsi.
Il a en revanche salué des industriels ayant "joué le jeu" en annonçant des baisses de prix, comme le spécialiste des pâtes alimentaires Barilla ou le géant des huiles Avril, entreprise dont le président Arnaud Rousseau vient de prendre la tête du syndicat agricole majoritaire FNSEA.
A noter que si certains prix ont baissé, ils restent bien loin de leur niveau de 2019, qu'il sera difficile de retrouver selon les acteurs de la chaîne alimentaire.
M. André a affirmé à l'AFP qu'il fallait "faire attention à ne pas stigmatiser des entreprises". Il veut croire que si "deux ou trois exemples" sont cités, "l'immense majorité est vertueuse et responsable aux yeux de Bercy".
M. Le Maire a en outre demandé aux supermarchés une "répercussion obligatoire et immédiate de la baisse des prix des industriels sur les prix en rayon". Il a cité l'exemple d'un produit dont la baisse de prix de vente en amont a mis trois mois pour être répercuté en rayon.
Dernier point: le gouvernement entend s'attaquer à la "shrinkflation" (du verbe anglais shrink, rétrécir), une pratique marketing qui consiste à masquer la hausse des prix des produits en réduisant les quantités dans un emballage semblable avec un prix de vente identique.
Cette pratique est légale à condition que la mention du poids de la denrée soit modifiée. Mais elle peut induire en erreur les consommateurs.
M. Le Maire a déclaré jeudi qu'il y aurait "obligation, aussi légale, pour les industriels, de faire figurer le changement de contenu lorsqu'il a baissé et que le prix reste le même".
"S'il faut être plus pédagogique, il n'y aura pas de problème", a répondu à l'AFP Jean-Philippe André, de l'Ania.