Terrorisme : L’Irak reste « l’épine dorsale » de l’EI

Cette carte a été publiée par le Centre for Global Policy. (Photo fournie).
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Publié le Mercredi 29 juillet 2020

Terrorisme : L’Irak reste « l’épine dorsale » de l’EI

  • Avec la réduction de l’effectif sécuritaire américain sur le terrain, l’instabilité en Irak semble pointer de nouveau à l’horizon, même si la communauté internationale a choisi de placer sa confiance dans le nouveau Premier ministre, Moustapha Al-Kadhimi
  • L’Etat Islamique en Irak va-t-il profiter du « vide » laissé par les forces américaines pour se donner un nouveau souffle sur le terrain ?

ATHENES: Alors que Washington vient d’annoncer que l’Etat Islamique (EI) n’est plus que « l’ombre de ce qu’il était » pour reprendre les termes du général Kenneth Ekman, commandant-adjoint des forces de la coalition, la situation sur le terrain en Irak devient chaque jour un peu plus complexe. Avec la réduction de l’effectif sécuritaire américain sur le terrain, l’instabilité en Irak semble pointer de nouveau à l’horizon, même si la communauté internationale a choisi de placer sa confiance dans le nouveau Premier ministre, Moustapha Al-Kadhimi. En effet, plusieurs bases militaires ont déjà été restituées à l'armée irakienne et le grand camp d'entrainement de Besmaya, près de Bagdad, dans lequel a été construit un faux village pour former les soldats au combat en milieu urbain, lui a été remis ce samedi.

Les forces américaines, qui représentent le plus gros des effectifs de la coalition en Irak et Syrie, seront réduites « lentement et (...) en coordination étroite avec le gouvernement irakien », avait ainsi annoncé la semaine dernière le général Ekman.

Quid donc des combattants de l’Etat Islamique en Irak ? Vont-ils profiter du « vide » laissé par les forces américaines pour reprendre un nouveau souffle sur le terrain ? Anne-Clémentine Larroque* a accepté de livrer pour Arab News en français, une analyse sur la réalité de la situation dans le pays.

Irak, une situation complexe

S'agissant de l'Irak, l’historienne et chargée de cours à Sciences Po Paris confirme la complexité de la situation. « Il existe une division forte entre les soutiens aux chiites nationalistes et ceux qui soutiennent les pro-Iran ainsi que des divisions importantes entre les autorités actuelles et les jihadistes de l'EI. Depuis la défaite territoriale en Syrie de mars 2019, l'insurrection des forces de l'EI s'est organisée sur le sol irakien et dans une moindre mesure en Syrie. Il faut comprendre que la guerre idéologique entre jihadistes sunnites et les chiites est à son paroxysme, elle s'effectue aussi actuellement par des assassinats qui concernent des personnalités emblématiques de camps opposés : le général Soleimani, haut-dignitaire iranien tué en janvier 2020 à Bagdad par les Américains d’une part, et le 6 juillet dernier, le chercheur spécialiste du jihadisme Hicham Al-Hachemi à Bagdad par des milices pro-Iran.

4000 combattants actifs de l’EI en Irak

A la question de savoir qui serait à l’origine de l’assassinat du chercheur, Mme Larroque affirme qu’il « aurait pu se faire assassiner par le camp des jihadistes sunnites, comme par ses vrais assassins, eux aussi terroristes : les combattants des kataeb Hezbollah en Irak ». Elle rappelle que Hachemi « avait reçu des menaces fin juin qui ont finalement été mises à exécution après son rapprochement non caché du Premier Ministre Moustafa Al-Kadhimi. Ce dernier, rappelons-le, s'est engagé à lutter contre les milices pro-Iran. Il est à la fois proche des Américains et des Iraniens mais a été accusé en tant que chef du renseignement irakien d'avoir aidé les Américains à cibler le général Soleimani ».

Plus globalement, l'EI en Irak aujourd’hui est le plus actif dans la province de Diyala (centre-est) et celle à l'ouest d'Al-Anbar, selon Anne-Clémentine Larroque. « Le nombre de combattants actifs recensés s’élèverait à 4000. L'utilisation d'engins piégés est leur mode opératoire le plus classique ainsi que des opérations ciblées. Ceci fait suite aussi à l'élimination par drones de responsables de l'EI. L'Irak reste, à cet égard, l'épine dorsale de l'EI même si ce groupe reste actif dans ce qu’il considère comme ses « wilayats » à l’étranger, comme le Khorasan en Afghanistan – qui comprend historiquement des régions d’Iran, d’Afghanistan et du Pakistan - et le Sinai en Egypte par exemple ». Il convient de noter que c’est en 2015 que l’EI a étendu son pouvoir sur la province du Khorasan, qu’il estime être sa « wilaya ». Ce terme désigne généralement le pouvoir souverain en territoire musulman, et c’est ce pouvoir que l’EI entend imposer dans cette région, en y menant notamment des attaques. Celles-ci, recensées par le think tank américain, Center for Strategic and International Studies (CSIS) s’élèvent a 100 depuis janvier 2017.

« La récolte des combattants »

Le 25 juin dernier, l’Etat islamique a publié une infographie dans sa publication hebdomadaire Al Naba’ sur Telegram intitulée « La récolte des combattants », résumant son activité dans les différentes provinces entre le 18 juin et le 24 juin 2020. Selon l’infographie, un total de 44 attaques ont été menées par l’Etat islamique dans le monde (contre 52 attaques la semaine précédente). Un total de 16 attaques (environ 36% de toutes les attaques menées par l’Etat islamique dans le monde) ont été menées en Irak. En outre, 15 attaques ont été menées en Syrie (environ 34%). Quatre attaques (environ 9%) ont été perpétrées en Afrique de l’Ouest (principalement au Nigéria), trois en Afrique centrale, quatre dans la province du Sinaï, une en Asie de l’Est (Philippines) et une en Somalie.

Face à la détermination du Premier ministre irakien d’en venir prioritairement à bout avec les milices pro-iraniennes qui font quasiment la loi dans le pays, l’EI continuera-t-il d’être « contenu » comme l’affirme Washington ? Pour les Etats-Unis, c’est bien la faiblesse du groupe sur le terrain qui justifie le retrait progressif des troupes US tant en Irak qu’en Syrie. Celles-ci seront réduites « lentement et (...) en coordination étroite avec le gouvernement irakien » pour reprendre les termes du général Ekman. « Maintenir l'EI à ce niveau » actuel, tel est l’objectif des Etats-Unis, pour qui le groupe est d’ores et déjà hors d’état de nuire car l'armée irakienne est « déjà plus forte que l'EI ». Or l’instabilité en Irak causée par les manifestations incessantes de ces derniers mois ainsi que le récent assassinat du chercheur spécialiste du jihadisme, Hicham Al-Hachemi sont autant d’éléments qui laissent a penser que la voie tracée par Washington pour la stabilité de l’Irak est loin d’être une promenade de santé.

*Anne-Clémentine Larroque est historienne, spécialiste de l’islamisme et chargée de cours en Questions internationales à Sciences Po Paris.


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.


Damas va «lutter activement» contre les groupes «terroristes», affirme un émissaire américain

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  • "Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack
  • Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes

DAMAS: Damas va lutter activement contre les groupes "terroristes" dont l'Etat islamique (EI), les Gardiens de la Révolution iraniens, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, a affirmé jeudi l'émissaire américain pour la Syrie Tom Barrack.

Le président américain Donald Trump a reçu lundi à la Maison Blanche son homologue syrien Ahmad al-Chareh, une première pour un chef d'Etat syrien et une consécration pour l'ancien jihadiste qui pris le pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad.

La coalition antijihadiste dirigée par les Etats-Unis a annoncé mercredi que la Syrie était devenue le 90ème membre de ce groupe qui avait été créé en 2014 pour combattre l'EI en Syrie et en Irak.

"Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack.

L'Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, son armée idéologique, et le Hezbollah soutenaient militairement le pouvoir de Bachar al-Assad avant sa chute, contrairement au Hamas qui n'y avait pas de présence armée.

Une réunion tenue cette semaine à Washington avec les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio, turque Hakan Fidan et syrienne Assaad al-Chaibani a évoqué l'intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et qui contrôlent de vastes pans du nord-est syrien, au sein de l'Etat, selon l'émissaire.

Soutenues par les Etats-Unis, les FDS ont été le fer de lance de la lutte en Syrie contre le groupe EI, qui y a été défait.

Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes.

Sur X, M. Abdi a indiqué avoir discuté au téléphone avec Tom Barrack de son engagement "à accélérer l'intégration des FDS au sein de l'Etat syrien".

Le pouvoir de M. Chareh et les Kurdes avaient signé un accord en mars pour intégrer dans un délai d'un an leurs institutions civiles et militaires au sein du pouvoir central mais son application a été entravée par des divergences entre les deux parties.

 


Cisjordanie : le chef de l'armée israélienne veut «mettre fin» aux violences de colons

Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
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  • Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens
  • Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes

JERUSALEM: Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies.

"Nous sommes déterminés à mettre fin à ce phénomène et nous agirons avec fermeté jusqu'à ce que justice soit rendue", a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir lors d'une visite à des troupes en exercice dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, selon un communiqué militaire.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l'ONU (Ocha) a annoncé avoir enregistré en Cisjordanie "264 attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en octobre, soit "le bilan mensuel le plus élevé en près de deux décennies de collecte de données".

Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens en lien avec une descente violente menée contre la localité palestinienne de Beit Lid, près de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.

Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes.

Le président israélien Isaac Herzog a condamné ces exactions les qualifiant de "choquantes et inacceptables".

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons de plus en plus jeunes et violents vivant généralement dans des avant-postes (implantations illégales au regard du droit israélien et destinées à créer des faits accomplis sur le terrain) se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants anticolonisation israéliens ou étrangers, des journalistes et parfois aussi des soldats.

Plus de 500.000 Israéliens vivent en Cisjordanie dans des colonies régulièrement condamnées par l'ONU comme illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.003 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.