WASHINGTON : Les incendies meurtriers à Hawaï provoqués par des «rayons lasers»? Cette infox a été mise en avant sur les réseaux sociaux par des comptes qui réfutent le rôle du dérèglement climatique dans certaines catastrophes.
Des messages mentionnant des lasers à haute énergie ou affirmant que les incendies sur l'île de Maui, qui ont fait plus de 110 morts et détruit la ville de Lahaina, ont été créés intentionnellement afin de fonder des cités écolos, ont reçu des millions d'engagements sur des plateformes comme X (ex-Twitter).
«Seule une arme à énergie dirigée (AED) peut engendrer ce type de destruction», a ainsi affirmé sur ce réseau l'animateur radio d'extrême droite Stew Peters.
Ces messages illustrent une tendance observée par les experts de la désinformation: les événements météorologiques extrêmes s'accompagnent d'une floraison d'allégations conspirationnistes visant à nier les études scientifiques sur le rôle du changement climatique.
«A chaque fois qu'il y a des évènements de cette sorte et des appels à prendre des mesures plus fortes contre le réchauffement climatique, il y a généralement une action parallèle pour discréditer la science, nier tout lien avec le changement climatique et accuser quelque chose d'autre», explique Arunima Krishna, professeure à l'université de Boston et spécialiste de la désinformation autour du climat.
«Cette fois», dit-elle, «ce sont les armes à énergie dirigée».
X et d'autres réseaux fourmillent de messages prétendant montrer des photos et des vidéos d'Hawaï supposément visé par de tels systèmes, qui utilisent l'énergie électromagnétique concentrée et sont notamment en cours de développement aux Etats-Unis ou en France.
L'AFP a démontré que certains messages, en plusieurs langues, utilisaient en réalité des images d'un lancement de fusée de SpaceX, de flammes s'échappant d'une raffinerie dans l'Ohio, d'étincelles provenant de lignes électriques en Louisiane ou encore de l'explosion d'un transformateur au Chili.
- «Univers conspirationnistes» -
D'autres messages prétendent que le fait que le feu ait épargné certains arbres est une preuve de l'utilisation de lasers.
Expert dans le domaine des armes à énergie dirigée à l'université du Colorado, Iain Boyd explique à l'AFP que cette théorie du complot est éloignée de la réalité, notamment parce qu'un laser suffisamment puissant pour allumer ces incendies nécessiterait d'être tiré depuis un «énorme» engin, naval ou aérien, qui ne pourrait passer inaperçu.
L'origine des incendies à Maui reste encore inconnue mais les autorités ont lancé une enquête.
Les services météorologiques avaient prévenu que les vents forts engendrés par un ouragan au large de l'archipel et la végétation sèche pouvaient créer des conditions favorables. Des médias américains ont aussi avancé l'hypothèse selon laquelle des lignes électriques tombées à terre ont pu jouer un rôle.
Selon Jennie King, spécialiste du climat à l'Institute for Strategic Dialogue de Londres, la désinformation sur les feux de forêt a évolué ces dernières années.
En 2018, la parlementaire américaine Marjorie Taylor Greene, soutien de Donald Trump, suggérait qu'un faisceau lumineux venu de l'espace pouvait avoir causé les incendies ayant fait rage cet été-là en Californie.
L'année suivante, selon Mme King, la tendance était de rejeter la faute sur des incendiaires supposés. Le mouvement Black Lives Matter a fréquemment servi de bouc émissaire.
Dernièrement, d'après Jennie King, des affirmations arguant de l'utilisation de lasers par les autorités pour détruire des villes afin de reconstruire à la place des cités respectueuses de l'environnement servent toujours le même narratif, celui d'un dérèglement climatique qui serait insignifiant.
«Elles s'inscrivent aussi dans une mouvance plus globale représentée par les partisans de QAnon et d'autres univers conspirationnistes selon laquelle une cabale planétaire, un nouvel ordre mondial ou des élites tapies dans l'ombre essaient d'imposer leur vue», dit encore l'analyste.
«Des gens en quête de réponses préfèrent croire à des armes spatiales qu'à la réalité de la crise climatique», constate-t-il.