ANKARA: Hussein Khattab, journaliste indépendant pour le service arabe de la chaîne de télévision publique turque TRT, a été assassiné dans la ville syrienne d'Al-Bab le 12 décembre dernier par des assaillants non identifiés qui circulaient à moto.
Ammar Hamou, un journaliste syrien bien connu, était un collègue et ami du courageux journaliste âgé de 38 ans à l'époque où ils travaillaient ensemble pour Syrianvoice.org.
Selon lui, «ce n'était pas la première fois» que son ami était attaqué dans la campagne du nord-est d'Alep où il était envoyé spécial.
«Pour le régime, pour l’opposition, pour les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes, Hussein était perçu comme une menace. C’était un journaliste engagé qui documentait les violences, quel qu'en soit l'auteur. Malheureusement, ce travail objectif lui a coûté la vie», raconte Ammar Hamou à Arab News.
Bien que Hussein Khattab ait pu se rendre en Turquie régulièrement, il a préféré rester un reporter de terrain dans son pays d'origine et travailler pour plusieurs médias internationaux et locaux.
Originaire de Sefira, dans la campagne d’Alep, qui est sous contrôle du régime de Bachar al-Assad, il était marié et père de trois enfants. Cependant, ces dernières années, le journaliste vivait dans des zones sous contrôle turc.
«De mon point de vue, la police syrienne libre et les factions locales portent la responsabilité de sa mort car, craignant pour sa vie, il avait récemment porté plainte. Malheureusement, les forces locales n'ont pas pris en compte sa plainte, et les autorités ne lui ont pas fourni la protection dont il avait besoin», explique Ammar Hamou.
Il ajoute que son ami avait écrit une phrase très émouvante dans sa plainte: «J'ai quitté ma maison par peur, alors que les tueurs sont en sécurité.»
Hussein Khattab avait déjà été attaqué dans un autre quartier d'Alep il y a trois mois. Il avait également survécu à une première tentative d'assassinat quelques jours avant sa mort, mais n'avait reçu aucune protection après l'attaque. Les liens entre les incidents sont toujours en cours d'examen.
Al-Bab est une zone d'influence turque, mais la Turquie laisse l'administration de ces zones aux factions militaires syriennes et à la police militaire.
Ammar Hamou, journaliste syrien
Navar Saban, analyste militaire au Centre d'études stratégiques d'Omran à Istanbul, explique que le journaliste était bien connu dans la région pour ses rapports détaillés sur la situation sécuritaire à Al-Bab et ses relations avec les factions locales qui «se comportent comme des seigneurs de guerre».
«Les seigneurs de guerre de la région sont un problème majeur que la Turquie connaît également très bien. Ils font de la contrebande entre les zones kurdes; ils travaillent à la fois pour le régime et pour le FDS. Assurer la sécurité dans cette zone est très difficile. La police locale n’aurait pas pu enquêter sur les suspects dont le journaliste avait révélé les noms juste avant sa mort», poursuit Navar Saban.
Les trafics que les seigneurs de guerre en évolution organisent en Syrie par le biais d'opérations illégales est un sujet de débat bien connu dans la région qui est gérée de manière décentralisée. Bien qu'elles soient formées par la Turquie, les autorités locales sont toujours incapables de gouverner efficacement la région au milieu du chaos continu provoqué par la guerre civile.
Après avoir été libéré de Daech en février 2017, Al-Bab est passé sous le contrôle de la Turquie par l'intermédiaire des rebelles syriens soutenus par Ankara et des forces de l'ordre locales dans la région.
«Al-Bab est une zone d'influence turque, mais la Turquie laisse l'administration de ces zones aux factions militaires syriennes et à la police militaire. Les Syriens eux-mêmes documentent les violations quotidiennes de la loi par les factions locales. Pour eux, les factions ne peuvent pas assurer la sécurité dans la région», explique Ammar Hamou.
La ville d'Al-Bab, située près de la frontière sud de la Turquie, a récemment subi plusieurs attentats terroristes, dont l'explosion d'un véhicule chargé d’explosifs le mois dernier, faisant de nombreuses victimes.
Par ailleurs, la Turquie a récemment mené une vaste opération contre des personnes qui auraient des liens avec un chef de guerre originaire d’Iran.
Au total, 13 personnes liées au baron iranien de la drogue Naji Sharifi Zindashti ont été arrêtées lundi, lors d'une opération menée par des agents des services de renseignement turcs, à la suite de la révélation d'un complot dont l’objectif était de kidnapper un opposant iranien à Istanbul.
Dans le même temps, le ministre bavarois de l'Intérieur, Joachim Herrmann, a récemment suggéré que les «criminels syriens» soient expulsés d'Allemagne et transférés vers les zones contrôlées par la Turquie dans le nord-est de la Syrie. Ses commentaires ont suscité de nombreuses critiques.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com