NIAMEY: Une attaque de djihadistes présumés a tué au moins 17 soldats au Niger avant une réunion militaire ouest-africaine cruciale jeudi, qui doit se pencher sur les modalités d'une possible intervention armée pour restaurer l'ordre constitutionnel dans ce pays après le coup d'Etat du 26 juillet.
Si l'option d'une intervention militaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) reste sur la table pour rétablir dans ses fonctions le président renversé Mohamed Bazoum, la voie du dialogue et de la diplomatie avec le régime militaire au pouvoir à Niamey semble néanmoins privilégiée.
Confronté depuis plusieurs années à la violence des groupes djihadistes, le Niger a été de nouveau endeuillé mardi: au moins 17 soldats nigériens ont été tués et vingt blessés dans une attaque près de la frontière du Burkina Faso, dans le sud-ouest du pays.
Dans un communiqué publié mardi, la Cedeao évoque "différentes attaques perpétrées par des groupes armés" ayant "provoqué la mort de plusieurs soldats nigériens", sans préciser les dates de celles-ci.
L'organisation qui "condamne fermement" ces attaques appelle en outre le régime militaire de Niamey "à rétablir l'ordre constitutionnel au Niger afin de pouvoir concentrer (son) attention sur la sécurité dans le pays" qui s'est "davantage fragilisée depuis la tentative de coup d'Etat".
L'attaque de mardi est la plus meurtrière depuis le coup d'Etat du 26 juillet.
Les militaires qui ont pris le pouvoir avec à leur tête le général Abdourahamane Tiani ont principalement mis en avant "la dégradation de la situation sécuritaire" pour justifier leur coup d'Etat.
La crise politique au Niger aggrave la sécurité alimentaire dans le pays, selon l'ONU
L'ONU a averti mercredi que la crise au Niger pourrait aggraver l'insécurité alimentaire dans le pays et a demandé instamment des exemptions humanitaires aux sanctions et à la fermeture des frontières afin d'éviter une catastrophe.
L'agence humanitaire des Nations unies, OCHA, a souligné qu'avant même le renversement du président Mohamed Bazoum par des militaires le pays comptait plus de trois millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë.
Plus de sept millions de personnes, actuellement considérées comme en situation d'insécurité alimentaire modérée, "pourraient voir leur situation s'aggraver en raison de la crise en cours", a averti OCHA, citant une étude préliminaire du Programme alimentaire mondial (PAM), agence alimentaire de l'ONU.
Denrées vitales
Le programme alimentaire mondial (PAM) a averti mercredi que les sanctions régionales imposées par la Cedeao et les fermetures de frontières "affectaient grandement l'approvisionnement du Niger en denrées alimentaires vitales et en fournitures médicales", demandant "instamment à toutes les parties de faciliter les exemptions humanitaires".
Trois semaines après le coup d'Etat, la menace d'une intervention militaire de la Cedeao plane toujours sur Niamey.
Jeudi et vendredi, les chefs d'état-major ouest-africains se réuniront à Accra au Ghana pour évoquer les détails d'une telle opération.
Mais les appels à une résolution pacifique de cette crise se sont multipliés ces derniers jours, y compris chez certains partenaires occidentaux comme les Etats-Unis qui ont annoncé mercredi qu'une nouvelle ambassadrice, Kathleen FitzGibbon, s'installerait bientôt à Niamey.
"Nous restons concentrés sur la voie diplomatique pour obtenir (...) le retour à l'ordre constitutionnel", selon le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue malien Assimi Goïta ont aussi souligné lors d'un entretien téléphonique l'importance "des moyens pacifiques politico-diplomatiques".
Le nouveau régime nigérien cherche aussi des alliés dans la région.
Mardi, le nouveau Premier ministre nommé par les militaires à Niamey, Ali Mahaman Lamine Zeine, s'est rendu à N'Djamena où il a été reçu par le président de transition tchadien Mahamat Idriss Deby Itno.
Il a souhaité "renouveler le sentiment de bon voisinage" entre les deux pays, insistant toutefois sur "l'indépendance" du Niger.
Processus de transition
Pour la première fois, il a indiqué que son pays était "dans un processus de transition", sans toutefois en préciser la durée avant d'éventuelles élections pour un retour à l'ordre constitutionnel.
Le Tchad, importante puissance militaire de la région du Sahel, avait indiqué la semaine dernière qu'il ne participerait à aucune intervention militaire aux côtés de la Cedeao, à laquelle il n'appartient pas.
Le Mali et le Burkina voisins, eux aussi dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d'Etat en 2020 et 2022, ont rapidement affiché leur solidarité envers les généraux de Niamey.
Ces derniers restent pour l'heure inflexibles et retiennent prisonnier le président déchu Mohamed Bazoum depuis le 26 juillet, qu'ils comptent poursuivre pour "haute trahison".
Ils estiment qu'une opération militaire contre leur pays serait une "agression illégale et insensée" et ont promis une "riposte immédiate" à toute agression.
L'armée nigérienne est mobilisée depuis des années dans la lutte contre les djihadistes, notamment dans l'immense région de Tillabéri, située dans la zone dite des "trois frontières" entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, où l'attaque de mardi a eu lieu.
Avant le coup d'Etat, la France, ex-puissance coloniale qui dispose de 1.500 soldats au Niger, participait activement avec l'armée nigérienne à la lutte contre ces groupes djihadistes.
Elle est depuis devenue l'une des cibles privilégiée du nouveau régime à Niamey qui l'accuse d'influencer les décisions de la Cedeao.