Sauvetage réussi: L'opération de déchargement du pétrolier Safer évite la catastrophe

Le FSO Safer, n'est plus une «bombe à retardement». Maintenant que la majeure partie du pétrole a été transférée, le navire en détérioration sera remorqué vers une «casse écologique» (Photo, AFP).
Le FSO Safer, n'est plus une «bombe à retardement». Maintenant que la majeure partie du pétrole a été transférée, le navire en détérioration sera remorqué vers une «casse écologique» (Photo, AFP).
Le navire de soutien Ndeavor en route vers la mer Rouge (Photo, Fournie).
Le navire de soutien Ndeavor en route vers la mer Rouge (Photo, Fournie).
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Publié le Dimanche 13 août 2023

Sauvetage réussi: L'opération de déchargement du pétrolier Safer évite la catastrophe

  • Un navire de stockage de pétrole en détérioration amarré en mer Rouge constitue une menace environnementale et humanitaire de grande ampleur
  • La première phase de l'opération a permis de retirer la majeure partie des 1,14 million de barils de pétrole brut contenus dans le Safer

DUBAÏ: La nouvelle selon laquelle la menace d'une marée noire massive en mer Rouge a diminué avec le transfert de plus d'un million de barils de pétrole du FSO Safer, un navire de stockage délabré gisant au large des côtes du Yémen, a constitué un énorme soulagement pour les pays voisins, les responsables de l'ONU et les écologistes.

Après des mois de travaux préparatoires sur place, l'opération de 143 millions de dollars américains (1 dollar américain = 0,90 euro) a démarré fin juillet, avec pour objectif de désamorcer ce que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait décrit comme «la plus grande bombe à retardement du monde».

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Une équipe de travailleurs engagés par les Nations Unies a commencé à transférer le pétrole du pétrolier rouillé FSO Safer au large du Yémen déchiré par la guerre, le 25 juillet (Photo, AFP/Archives).

Une équipe internationale a siphonné le brut du Safer vers un autre navire — le Nautica, rebaptisé plus tard Yemen — acheté par l'ONU pour la mission de sauvetage.

Dans un communiqué publié vendredi, le ministère des Affaires étrangères de l'Arabie saoudite a réitéré l'appréciation du Royaume pour les efforts de Guterres et de l'équipe de travail de l'ONU qui «ont œuvré pour mobiliser tous les efforts afin de mettre un terme au problème du pétrolier Safer».

L'Arabie saoudite a été l'un des premiers pays à accorder des subventions pour l'opération de déchargement par l'intermédiaire du Centre roi Salmane pour les secours et l'aide humanitaire (KSrelief).

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a également remercié le commandement de la coalition pour le soutien de la légitimité au Yémen pour avoir «facilité le processus du plan opérationnel jusqu'à l'achèvement du déchargement du navire flottant Safer».

Si l'on avait laissé l'état du Safer se détériorer davantage, des quantités massives de pétrole auraient pu se déverser dans la mer Rouge, causant des dommages environnementaux et économiques incalculables.

«Dieu merci, c'est fini», a déclaré à Arab News depuis Beyrouth Walid Khadduri, analyste pétrolier et ancien rédacteur en chef du bulletin hebdomadaire Middle East Economic Survey. «L'équipe de travail de l'ONU a empêché une véritable catastrophe de se produire. Cela aurait pu être une catastrophe majeure.»

La mer Rouge et son «écosystème distinct», avec ses récifs coralliens et ses herbiers marins, auraient été les plus menacés, a-t-il ajouté.

Il a précisé: «L'environnement aurait été le plus durement touché par une marée noire, suivi par le trafic maritime.»

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Anticipant la possibilité d'un déversement au cours de l'opération de transfert de pétrole, les Nations Unies ont formé une équipe locale à Al-Hodeïda à l'utilisation des estacades flottantes (barrières temporaires) pour protéger la côte (Photo, AFP/Archives).

Maintenant que la majeure partie du pétrole a été transférée du Safer, sauvant ainsi les écosystèmes de la mer Rouge et les communautés de pêcheurs le long de la côte yéménite d'un désastre potentiel, un navire acheté par l'ONU remorquera le Safer jusqu'à une «casse écologique».

Achim Steiner, administrateur du programme de développement des Nations unies, a décrit l'opération de déchargement comme «l'une des actions préventives les plus importantes de ces dernières années».

Il a déclaré: «Certains d'entre vous ont écrit et qualifié le FSO Safer de bombe à retardement. Je pense qu'il est juste de dire qu'à partir d'aujourd'hui, cette bombe à retardement n'est plus une menace immédiate.»

Le Safer, un navire de stockage de pétrole flottant de 47 ans, était amarré en mer Rouge, au nord des ports yéménites d’Al-Hodeïda et de Ras Issa, une zone stratégique contrôlée par la milice Houthie.

Il a été construit dans les années 1970 et vendu par la suite au gouvernement yéménite pour contenir jusqu'à 3 millions de barils de pétrole brut pompés dans les champs de Marib, une province de l'est du Yémen.

Le navire mesurait 1 181 pieds de long et comportait 34 réservoirs de stockage. Il contenait plus de 1,14 million de barils de pétrole avant le début de l'opération de l'ONU, soit quatre fois plus que la quantité déversée lors de la catastrophe de l'Exxon Valdez en 1989 au large de l'Alaska, l'une des pires crises écologiques au monde, selon l'ONU.

La maintenance minimale depuis le début de la guerre civile au Yémen en 2015 a rendu le Safer vulnérable à la corrosion et a augmenté le risque de fuites.

Le déchargement du pétrole a été l'aboutissement de près de deux ans de travail politique, de collecte de fonds et de développement de projets.

Les dons de 23 États membres des Nations unies, de l'Union européenne, du secteur privé et de groupes publics pour financer l'opération de déchargement ont dépassé 121 millions de dollars, mais 20 millions de dollars supplémentaires sont nécessaires pour mettre à la casse le Safer et éliminer toutes les menaces écologiques qui pèsent encore sur la mer Rouge.

Hasan Selim Ozertem, analyste en matière de sécurité et d'énergie, a décrit l'opération de l'ONU comme une «intervention critique pour prévenir une catastrophe écologique», ajoutant qu'«il n'est pas possible d'éliminer totalement le risque de marée noire, comme en témoignent les nombreuses catastrophes survenues dans le passé».

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La société internationale de dragage et de transport lourd Boskalis, des ouvriers pompent le pétrole du FSO Safer vers un navire-citerne de remplacement en juillet 2023 (Photo, Boskalis).

Il a déclaré à Arab News depuis Ankara qu'il est important de noter que la communauté internationale, représentée par le PNUD, a soutenu l'opération de déchargement du pétrole.

«Cette expérience est riche d'enseignements sur la manière d'éviter de telles situations à l'avenir. Compte tenu de la complexité de la situation au Yémen, aucune mission ne doit être considérée comme impossible», a-t-il ajouté.

«Qu'il s'agisse de la guerre en Syrie ou du conflit israélo-palestinien, chaque crise nécessite une volonté politique de la part des acteurs régionaux pour parvenir à une solution. Les Nations unies ne disposent pas des carottes et des bâtons nécessaires pour imposer des solutions; elles ne peuvent que faciliter le processus.»

En Bref

Le FSO Safer a été amarré au large des côtes yéménites avec un minimum d'entretien.

Le navire contenait 4 fois plus de pétrole que celui déversé lors de la catastrophe de l'Exxon Valdez en 1989.

L'Arabie saoudite a fourni des subventions pour l'opération de déchargement.

Dans des déclarations adressées aux médias vendredi, David Gressly, coordinateur résident des Nations unies au Yémen, a souligné que les deux capitaines du Safer avaient été invités à se rendre à Aden pour participer au projet, qu'il a décrit comme «une indication de l'importance d'aller au-delà des préoccupations quotidiennes qui existent dans la guerre civile qui se poursuit encore ici».

Il a mentionné que le succès de la mission de sauvetage, au niveau régional, a remonté le moral du peuple yéménite et a exprimé l'espoir que la capacité des adversaires à travailler ensemble pour résoudre un problème critique pourrait jeter les bases d'une coopération plus large et de négociations de paix.

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Sur cette photo fournie par la société internationale de dragage et de transport lourd Boskalis, des ouvriers pompent le pétrole du FSO Safer vers un navire-citerne de remplacement en juillet 2023 (Photo, Boskalis).

«Le succès de l'opération de déchargement du pétrole témoigne du pouvoir de la diplomatie, de la patience et de la transparence dans les efforts visant à favoriser la collaboration, même dans les situations les plus difficiles», a-t-il ajouté.

«C'est un bon vendredi», a signalé Gressly à Arab News. «Nous sommes satisfaits de ce que nous avons vu aujourd'hui. Il est agréable de voir quelque chose progresser comme cela a été le cas ici. En termes de dialogue politique plus large, bien sûr, la contribution ne sera pas directement. Mais je dois dire que cela crée un peu d'espoir pour les gens qui croient qu'il y a une voie à suivre.»

«Et, bien que les parties soient des adversaires, elles ont trouvé un moyen de mettre de côté leurs différences suffisamment longtemps pour s’occuper de ce problème particulier. Et cela peut créer, je pense, des conditions plus propices aux négociations», a-t-il estimé.

«Par ailleurs, je suis convaincu que le fait que le protocole d'accord signé en mars de l'année dernière ait été respecté jusqu'à présent par Sanaa est un bon signe de la possibilité de mener des négociations fructueuses dans ce contexte», a jugé Gressly.

«Ce n'est pas une garantie, mais cela crée un sentiment d'espoir qui n'existait peut-être pas auparavant. Et j'espère que ceux qui sont en mesure de le faire profiteront de l'élan que cela crée pour aller de l'avant», a-t-il ajouté.

De même, Steiner, du PNUD, a déclaré que dans le contexte plus large de la situation humanitaire au Yémen, le succès de l'opération Safer offre «une lueur d'espoir», en particulier dans le cadre de changements plus importants dans la dynamique de la région et au sein du Yémen lui-même.

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Photo du personnel du navire chargé de décharger le pétrole du navire FSO Safer en détérioration au large de Ras Issa, au Yémen (Photo, AFP).

«Le PNUD, qui travaille dans pratiquement toutes les régions du pays, a estimé que le Yémen avait perdu 20 à 22 ans de développement au cours des huit dernières années», a-t-il dévoilé à Arab News. «Je pense donc que le contexte dans lequel cette opération a été montée était tout à fait unique.»

«Mais je crois que l'on peut au moins spéculer sur la capacité des deux parties à ce conflit — qui manquent de confiance l'une envers l'autre, qui sont même très sceptiques à l'égard de la communauté internationale — à trouver en elles-mêmes, et finalement avec un très fort sentiment de soutien de la part du public, qu'il s'agissait d'une opération qui bénéficiait à tous les citoyens et qui nécessitait donc des mesures exceptionnelles et inhabituelles.

«Et l'histoire de la façon dont nous en sommes arrivés là pourrait donner un peu d'espoir à ceux qui pensent qu'il y a plus à faire dans les prochains mois», a reconnu Steiner.

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Après l'enlèvement du pétrole restant à bord du FSO Safer, le navire en détérioration sera remorqué vers une casse, une opération qui devrait être achevée dans un délai de 10 jours (Photo, AFP/Archives).

Bien que la majeure partie du pétrole ait été retirée du Safer, l'opération de déchargement n'est pas encore terminée; il reste une petite quantité de pétrole visqueux à bord et le navire pourrait encore se briser.

«Le pétrole résiduel sur le Safer est mélangé à des sédiments et ne peut pas être pompé à ce stade», a expliqué Gressly. «Il sera enlevé lors du nettoyage final.»

La deuxième et dernière phase de l'opération, consistant à enlever les débris et à nettoyer le Safer et à le préparer pour le remorquage et la casse, devrait durer entre une semaine et dix jours.

 

- Ephrem Kossaify a contribué à l’article depuis New York.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


1977 : Quand Sadate s'est rendu en Israël

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  • Premier dirigeant arabe à se rendre dans le pays, le président égyptien a fait une tentative de paix qui a indigné la région
  • Les choses se sont ensuite accélérées. Onze jours plus tard, le 19 novembre, Sadate arrive à Jérusalem pour une visite de trois jours. Le 20 novembre, il s'adresse à la Knesset, le parlement israélien

LE CAIRE: Le 8 novembre 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate a annoncé devant le parlement égyptien - en présence de Yasser Arafat, chef de l'Organisation de libération de la Palestine - qu'il était prêt à se rendre à Jérusalem pour entamer des négociations en vue d'un processus de paix avec Israël.

Cette annonce a choqué toutes les personnes présentes et, au fur et à mesure que la nouvelle se répandait, elle a surpris le monde entier, y compris Israël même : si l'Égypte reconnaissait diplomatiquement Israël, elle serait le premier État arabe à le faire.

Les choses se sont ensuite accélérées. Onze jours plus tard, le 19 novembre, Sadate arrive à Jérusalem pour une visite de trois jours. Le 20 novembre, il s'adresse à la Knesset, le parlement israélien.

"Aujourd'hui, je suis venu à vous avec des mesures fermes, pour construire une nouvelle vie et établir la paix", a-t-il déclaré aux membres de l'assemblée.

"Nous tous sur cette terre, musulmans, chrétiens et juifs, adorons Dieu et personne d'autre que Lui. Les enseignements et les commandements de Dieu sont l'amour, la sincérité, la pureté et la paix".

Arab News a publié en première page la visite d'Anouar el-Sadate en Israël, relatant les événements qui ont conduit à l'accord de paix historique.

Il a déclaré qu'il n'avait consulté personne avant de prendre sa décision, ni ses collègues, ni les autres chefs d'État arabes.

Il parle des familles des "victimes de la guerre d'octobre 1973 ... toujours en proie au veuvage et au deuil de leurs fils et à la mort de leurs pères et de leurs frères".

Il a également affirmé qu'il était de son devoir "de ne rien négliger pour épargner à mon peuple arabe égyptien les horreurs déchirantes d'une autre guerre destructrice, dont seul Dieu peut connaître l'ampleur".

Sadate a ajouté que les autorités israéliennes devaient faire face à certains faits "avec courage et clairvoyance". Elles doivent se retirer des territoires arabes qu'elles occupent depuis 1967, y compris Jérusalem. En outre, tout accord de paix doit garantir "les droits fondamentaux du peuple palestinien et son droit à l'autodétermination, y compris le droit de créer son propre État".
Sadate a été le premier dirigeant arabe à se rendre en Israël et s'adresse au Parlement israélien le lendemain. "Devant nous aujourd'hui se trouve la chance de la paix... une chance qui, si elle est perdue ou gâchée, entraînera la malédiction de l'humanité et la malédiction de l'histoire pour celui qui aura comploté contre elle", a-t-il indiqué. 

Le pari audacieux de Sadate a suscité la colère dans le pays et à l'étranger. Ismail Fahmy, ministre égyptien des Affaires étrangères, a démissionné de son poste deux jours avant la visite. Dans ses mémoires, il décrit l'initiative de Sadate comme "un geste irrationnel dans un jeu de paix long et compliqué". Ensuite, Sadate nomme Mahmoud Riad comme nouveau ministre des Affaires étrangères, qui a également démissionné.

En effet, les critiques ne manquaient pas en Égypte, notamment celles de l'éminent homme politique Fouad Serageddin et de l'écrivain Youssef Idris, qui qualifiaient le geste de Sadate de "soumission et d'humiliation de la volonté victorieuse de l'Égypte face à un ennemi vaincu", en référence à la victoire d'octobre 1973 des forces égyptiennes et syriennes sur Israël dans le Sinaï et sur les hauteurs du Golan.

De nombreux pays arabes de la région ont suspendu leurs relations avec l'Égypte et gelé les projets communs et les investissements dans le pays, qui a également été exclu de la Ligue arabe.

Cette colère s'est reflétée dans les rues de la région, avec des manifestations dans plusieurs villes arabes, dont Beyrouth, Damas, Bagdad, Aden, Tripoli et Alger.

La visite de Sadate à Jérusalem était la première étape d'un processus de négociations de deux ans entre l'Égypte et Israël, sous l'égide des États-Unis, qui s'est achevé par la signature d'un traité de paix entre Sadate et le premier ministre israélien Menachem Begin à Washington le 26 mars 1979, en présence du président Jimmy Carter, à la suite des accords de Camp David de septembre 1978.

Sadate avait alors signé son propre arrêt de mort. Parmi les personnes et les organisations qui ont appelé à sa mort figurent Omar Abdel Rahman, chef d'un groupe islamiste extrémiste actif en Égypte à l'époque, les Frères musulmans et l'ayatollah Khomeini, chef de la révolution iranienne.

Le 6 octobre 1981, alors qu'il assiste à la parade militaire annuelle au Caire pour célébrer la victoire égyptienne de 1973 dans le Sinaï, Sadate et dix autres personnes sont abattus par des membres du Tanzim Al-Jihad, un groupe islamiste égyptien.

Hani Nasira est un universitaire et expert politique égyptien, ainsi que le directeur de l'Institut arabe d'études. Il est l'auteur de plus de 23 ouvrages.
 


1976, les origines de la Journée de la Terre

Un policier palestinien place un drapeau national devant des soldats israéliens lors d'affrontements sur des terres confisquées par l'armée israélienne pour ouvrir une route aux colons juifs. (AFP)
Un policier palestinien place un drapeau national devant des soldats israéliens lors d'affrontements sur des terres confisquées par l'armée israélienne pour ouvrir une route aux colons juifs. (AFP)
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  • La Journée de la terre reflète une injustice historique non résolue
  •  Pendant la Nakba, en 1948, deux villages palestiniens du nord d'Israël, Iqrit et Biram, majoritairement chrétiens, ont été dépeuplés par les forces israéliennes

AMMAN: La Journée de la terre, célébrée chaque année le 30 mars, commémore un moment crucial de l'histoire palestinienne: en 1976, six citoyens palestiniens d'Israël non armés ont été tués par les forces israéliennes lors de manifestations contre l'expropriation par le gouvernement de terres appartenant à des Arabes en Galilée.

Cet événement n'a pas seulement marqué la première mobilisation de masse des Palestiniens en Israël depuis 1948, il a également mis en évidence leur lutte permanente pour les droits fonciers et l'identité.

Les premières manifestations de la Journée de la terre, le 30 mars 1976, ont été déclenchées par le projet du gouvernement israélien de confisquer environ 20 000 dunams (2 000 hectares) de terres dans la région de Galilée, au nord d'Israël. Les terres visées par l'expropriation, dans des villages tels que Sakhnin, Arraba et Deir Hanna, appartenaient principalement à des citoyens palestiniens d'Israël.

Cette confiscation de terres à grande échelle s'inscrivait dans le cadre d'une politique israélienne plus large, la «judaïsation de la Galilée», qui visait à accroître la population juive dans la région et à réduire la proportion de terres appartenant à des Arabes.

La Journée de la terre reflète également une injustice historique non résolue. Pendant la Nakba, en 1948, deux villages palestiniens du nord d'Israël, Iqrit et Biram, majoritairement chrétiens, ont été dépeuplés par la force. L'armée israélienne a promis aux habitants, qui sont devenus citoyens israéliens et ont continué à vivre en Israël, qu'ils pourraient retourner chez eux après une brève évacuation jugée nécessaire pour des raisons de sécurité. Cependant, ils n'ont jamais été autorisés à rentrer chez eux; au contraire, les villages ont été détruits et les terres expropriées par l'État israélien.

Les villageois d'Iqrit et de Biram, ainsi que leurs descendants, continuent de faire campagne pour leur droit au retour, et les deux villages perdus restent des symboles durables de la lutte palestinienne plus large pour le droit à la terre.

Arab News a commémoré le 75e anniversaire de la Nakba en titrant en première page «La lutte continue».

L'importance de la Journée de la terre va au-delà des événements de 1976. La commémoration annuelle permet de rappeler le lien profondément ancré entre le peuple palestinien et ses terres ancestrales, un lien qui a été continuellement menacé par les politiques israéliennes conçues pour modifier les paysages historiques, démographiques et géographiques de la Palestine.

Au cours des années qui ont suivi cette première Journée de la terre, le gouvernement israélien a continué à mettre en œuvre des politiques qui aboutissent à l'appropriation de terres palestiniennes. Ces actions comprennent l'expansion des colonies en Cisjordanie, la construction de la barrière de séparation et la désignation de terres domaniales dans des zones traditionnellement utilisées par les communautés palestiniennes.  

La réponse à ces politiques a été multiforme, englobant des défis juridiques, un activisme de base et un plaidoyer international.

Les citoyens palestiniens d'Israël, ainsi que ceux des territoires occupés et de la diaspora, ont utilisé la Journée de la terre comme plate-forme pour mettre en lumière les problèmes de dépossession des terres et appeler à la justice et à l'égalité. Cette journée est devenue un événement fédérateur, favorisant la solidarité entre Palestiniens au-delà des clivages géographiques et politiques.

Cependant, les défis à relever restent considérables. Le système juridique et politique israélien favorise souvent les intérêts de l'État et des colons, ce qui rend difficile pour les Palestiniens de récupérer les terres confisquées ou d'empêcher de nouvelles expropriations.

Les lois israéliennes ont facilité l'expansion des colonies, fourni des protections juridiques aux colons et permis l'appropriation de terres, souvent au détriment des droits des Palestiniens. La loi de 1970 sur les questions juridiques et administratives, par exemple, promulguée après l'annexion de Jérusalem-Est en 1967, permet aux juifs de récupérer les propriétés qui leur appartenaient dans cette zone avant 1948, même si des Palestiniens y ont vécu pendant des décennies depuis lors. Toutefois, les Palestiniens n'ont pas le même droit de réclamer les propriétés qu'ils possédaient à Jérusalem-Ouest, ou ailleurs en Israël, avant la guerre de 1948.

Les expulsions de Sheikh Jarrah en 2021, qui ont été à l'origine de la guerre de 11 jours entre Palestiniens et Israéliens cette année-là, ont montré que les communautés palestiniennes sont toujours menacées d'expulsion à Jérusalem-Est en vertu des lois israéliennes. La Cour suprême israélienne a tranché en faveur des colons en décidant que les familles palestiniennes de Sheikh Jarrah ne pouvaient rester sur place que si elles payaient un loyer aux colons, reconnaissant de fait les revendications de ces derniers en matière de propriété de biens immobiliers antérieurs à 1948.

En outre, les réactions internationales à ces développements se sont souvent limitées à des déclarations d'inquiétude, avec peu d'actions tangibles pour tenter de rendre les autorités israéliennes responsables de leurs politiques, y compris celles liées aux questions d'expropriation de terres, de colonies illégales et de déplacements de population.

Ces dernières années, la Journée de la terre a pris une signification supplémentaire, notamment dans le contexte des manifestations de la Grande Marche du retour qui ont débuté en 2018 dans la bande de Gaza. Ces manifestations, qui réclamaient le droit au retour des réfugiés palestiniens et la fin du blocus de Gaza, se sont heurtées à une violence importante de la part des forces israéliennes, faisant de nombreuses victimes.

En outre, les actions des citoyens palestiniens d'Israël en Galilée n'ont pas permis à la société israélienne de prendre véritablement conscience des injustices historiques et actuelles perpétrées à l'encontre de ces Palestiniens. Il s'agit notamment de l'incapacité à reconnaître la discrimination systémique et la dépossession qui ont caractérisé les politiques de l'État, ou à œuvrer en faveur d'une égalité et d'une réconciliation véritables.

Les événements de 1976, qui ont marqué la première mobilisation palestinienne de masse depuis 1948, ont mis en évidence le pouvoir de la solidarité au-delà des clivages politiques, religieux et idéologiques. Cette unité est restée la pierre angulaire de la lutte, renforçant l'idée que ce n'est que par des efforts collectifs que les politiques discriminatoires peuvent être efficacement contestées et les droits affirmés.

Les enseignements de la Journée de la terre soulignent également l'importance d'une résistance stratégique et persistante, tant au niveau local qu'international. L'attention mondiale suscitée par les manifestations de 1976 a montré l'importance d'un activisme pacifique et organisé pour amplifier la cause palestinienne. Elles ont également mis en évidence la nécessité d'une mobilisation politique pour lutter contre la discrimination systémique et garantir l'égalité des droits.

Pour les Palestiniens d'Israël et d'ailleurs, la Journée de la terre est une occasion qui résume à la fois la douleur de la perte et l'espoir d'un avenir où règnent la paix et la justice.

Daoud Kuttab est chroniqueur pour Arab News, spécialisé dans les affaires du Moyen-Orient, et plus particulièrement dans les affaires palestiniennes.

Il est l'auteur du livre «State of Palestine NOW: Practical and logical arguments for the best way to bring peace to the Middle East».


1979 : La révolution iranienne, le siège de La Mecque et l'invasion soviétique de l'Afghanistan

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  • Les événements sismiques de 1979 ont remodelé le Moyen-Orient, alimentant l'extrémisme, les hostilités régionales et les conflits mondiaux qui continuent de se répercuter aujourd'hui

RIYAD – Dans une région où les bouleversements géopolitiques sont presque monnaie courante, la triple onde de choc de 1979 a fait de cette année un tournant exceptionnel, hors du commun.

La révolution iranienne, le siège de La Mecque et l'invasion soviétique de l'Afghanistan ont été reliés par un seul et même fil conducteur : La naissance d'une forme d'extrémisme islamique qui allait avoir des conséquences catastrophiques pour des millions de personnes, et dont les répercussions se font encore sentir aujourd'hui dans le monde entier.

Les premiers grondements ont commencé l'année précédente, dans un contexte d'inquiétude généralisée en Iran face au régime de plus en plus oppressif du shah Mohammed Reza Pahlavi, dont les réformes de la "révolution blanche" étaient perçues par beaucoup comme poussant l'occidentalisation du pays trop loin et trop vite.

En janvier 1978, une manifestation religieuse dans la ville de Qom, centre d'études chiites situé à 130 kilomètres au sud-ouest de la capitale, Téhéran, a été violemment réprimée par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu, tuant jusqu'à 300 manifestants, principalement des étudiants du séminaire.

Les manifestations se sont étendues aux villes du pays et ont culminé à la fin de l'année par des grèves et des protestations généralisées pour exiger le départ du shah et le retour du grand ayatollah Khomeini de son exil en France.

Comment nous l'avons écrit

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Le journal a couvert la "première crise majeure" du gouvernement iranien lorsque les troupes pro-Chah ont affronté les manifestants à Ahwaz, ravivant les tensions dans le contexte d'un tremblement de terre simultané.

Le 16 janvier 1979, le chah et sa famille quittent l'Iran pour ne plus jamais y revenir. Le 1er février, Khomeini est arrivé à l'aéroport de Mehrabad à Téhéran, débarquant d'un vol Air France en provenance de Paris après 15 ans d'exil, accueilli dans le tumulte par des millions d'Iraniens.

En l'espace de dix jours, les derniers vestiges de l'ancien régime se sont effondrés et Shapour Bakhtiar, le premier ministre nommé par le chah à peine un mois plus tôt, a pris le chemin de l'exil.

Le 1er avril 1979, les résultats d'un référendum national sont révélés et, avec le soutien de plus de 98 % des électeurs, Khomeini déclare la création de la République islamique d'Iran, dont il sera le chef suprême.

La révolution iranienne a été fondée sur une base constitutionnelle sectaire qui mettait l'accent sur l'exportation de son idéologie révolutionnaire, ce qui a alimenté les tensions sectaires dans toute la région.

La révolution a introduit la théorie de la tutelle du juriste (Wilayat Al-Faqih), un principe sectaire qui place le juriste islamique, ou expert en droit islamique, au-dessus de l'État et de son peuple, lui accordant l'autorité ultime en matière de relations étrangères et de sécurité nationale.

Le juriste gardien se perçoit comme le chef de tous les musulmans du monde, son autorité ne se limitant pas aux Iraniens ni même aux chiites. C'est cette prétention au leadership universel qui a le plus alarmé les autres pays de la région, car cette théorie fait fi de la souveraineté des États, favorise les groupes sectaires et accorde au régime révolutionnaire le "droit" d'intervenir dans les affaires des autres nations.

L'attachement de la nouvelle République islamique au principe de l'exportation de sa révolution a encore exacerbé les hostilités régionales, la guerre Iran-Irak qui a éclaté en 1980 en étant le point de départ.

Le programme révolutionnaire de l'Iran avait cherché à affaiblir l'Irak, un pays arabe essentiel, en incitant et en soutenant les groupes et les milices chiites par l'entraînement, l'aide financière et les armes. En fin de compte, ce sont ces groupes qui ont formé la base des milices que l'Iran a largement exploitées après l'invasion américaine de l'Irak en 2003, lorsque le régime Baas de Saddam Hussein a chuté.

Il n'a pas fallu longtemps pour que les craintes des voisins de l'Iran de voir la révolution se propager dans toute la région se concrétisent.

Le 20 novembre 1979, après la prière de l'aube dans la Grande Mosquée de La Mecque, plus de 200 hommes armés, dirigés par Juhayman al-Otaibi, un extrémiste religieux, se sont emparés du site sacré et ont annoncé que le Mahdi tant attendu, l'annonciateur du jour du jugement, prophétisé pour apporter la justice après une période d'oppression, était apparu. Ce prétendu Mahdi était le beau-frère d'Al-Otaibi, Mohammed Al-Qahtani.

Al-Otaibi demande à ses partisans de fermer les portes de la mosquée et de placer des tireurs d'élite au sommet de ses minarets, qui dominent La Mecque. Pendant ce temps, l'homme identifié comme le Mahdi, qui se croyait sous protection divine, a été rapidement abattu par les forces spéciales saoudiennes lorsqu'il est apparu lors des affrontements sans protection.

Le siège de La Mecque s'est poursuivi pendant 14 jours et s'est achevé par la capture et l'exécution d'Al-Otaibi et de dizaines de ses compagnons d'insurrection survivants.

Bien qu'il n'y ait aucune preuve de l'implication directe de l'Iran dans la prise de la Grande Mosquée, le climat révolutionnaire en Iran a été une source d'inspiration idéologique pour de nombreux mouvements extrémistes et organisations armées au cours de cette période.

La réponse énergique du gouvernement saoudien au siège a envoyé un message clair et sans équivoque aux factions extrémistes : la rébellion et les idéologies violentes ne seraient pas tolérées. Cette stratégie de dissuasion s'est avérée déterminante pour préserver le royaume de nouvelles violences et de nouvelles effusions de sang.

Comment nous l'avons écrit

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Arab News a rapporté la fin du siège, citant 75 "renégats" tués, 135 capturés et 60 soldats saoudiens morts "au service de Dieu".

Mais l'année 1979 cachait un autre choc. Le 25 décembre, un peu plus d'un mois après la fin du siège de La Mecque, les troupes soviétiques envahissent l'Afghanistan.

L'invasion a eu lieu au cours d'une période d'intense instabilité politique dans le pays. En 1978, le président Mohammed Daoud Khan et sa famille ont été renversés et tués par Nur Mohammed Taraki, un communiste.

Le règne de Taraki a été de courte durée : son ancien camarade de parti, Hafizullah Amin, s'est emparé du pouvoir et l'a tué. Les tentatives d'Amin d'aligner l'Afghanistan plus étroitement sur les États-Unis ont incité les Soviétiques à orchestrer son assassinat et à le remplacer par Babrak Karmal, un communiste plus fiable, s'assurant ainsi une direction plus docile.

L'intervention soviétique a été motivée par plusieurs raisons. Sur le plan économique, la richesse en ressources naturelles de l'Afghanistan en faisait une cible de choix. Sur le plan politique, l'invasion visait à soutenir le régime communiste chancelant et à s'assurer qu'aucun gouvernement hostile n'émerge en Afghanistan, un voisin clé dans la sphère géopolitique immédiate de l'Union soviétique.

Cet objectif était particulièrement important dans le contexte plus large de la guerre froide, où les États-Unis s'efforçaient activement de contrer l'influence soviétique en encerclant l'Union soviétique et en freinant ses ambitions expansionnistes.

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Arab News rapporte que le ministre afghan Muhammad Abdo Yamani a exhorté l'Autriche à exiger le départ des forces soviétiques d'Afghanistan et a suggéré un embargo pour faire pression sur leur retrait.

En Afghanistan, l'armée soviétique s'est heurtée à une forte résistance de la part des moudjahidines islamistes, qui bénéficiaient d'un soutien important de la part des puissances internationales, en particulier des États-Unis et de leurs alliés régionaux, et l'intervention s'est finalement avérée vaine.

Pendant dix ans, l'Union soviétique a subi d'importantes pertes humaines et matérielles en Afghanistan, mais n'a pas réussi à reprendre le contrôle et la stabilité politique du pays grâce au système politique qu'elle avait adopté. Ce système manquait de légitimité populaire et ne contrôlait qu'un territoire limité, le reste du pays restant sous le contrôle des forces d'opposition.

Tous ces facteurs ont finalement contraint l'armée soviétique à se retirer d'Afghanistan après près d'une décennie. La guerre civile qui s'ensuivit aboutit à l'arrivée au pouvoir des Talibans en 1996.

L'invasion soviétique de l'Afghanistan a eu des conséquences considérables. Sur le plan géopolitique, elle a révélé les limites de l'armée soviétique, et l'échec en Afghanistan a coïncidé avec le déclin politique et économique interne de l'Union soviétique, son incapacité à rivaliser avec les États-Unis dans la course aux armements et l'éclatement de soulèvements populaires dans les pays qui avaient adopté le modèle socialiste.

En tant que telle, l'invasion est largement considérée comme un facteur majeur ayant contribué à l'effondrement final de l'Union soviétique.

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Les résistants afghans ont repoussé l'invasion soviétique au prix d'un immense sacrifice humain et d'une aide importante de l'Occident, en particulier des États-Unis. On estime à 1,5 million le nombre d'Afghans qui ont trouvé la mort dans ce conflit. (AFP)

La guerre est également devenue un terreau fertile pour les mouvements extrémistes djihadistes. Les Arabes et les musulmans qui ont rejoint la résistance afghane ont trouvé dans le conflit une plateforme unificatrice, attirant des dirigeants et des combattants de plusieurs pays du monde islamique.

À leur retour dans leur pays, ces individus ont apporté avec eux une expertise militaire et des idéologies radicales. Cet environnement a facilité la création d'organisations terroristes, ces vétérans cherchant à reproduire la lutte armée pour renverser les régimes dans leur propre pays.

Le produit le plus marquant de ce phénomène est Oussama ben Laden, né en Arabie saoudite, qui a combattu aux côtés des moudjahidines contre les Soviétiques en Afghanistan. Il a fondé le groupe terroriste Al-Qaida, qui s'est imposé comme une force de premier plan parmi les organisations religieuses extrémistes.

Ben Laden et Al-Qaida ont joué un rôle crucial dans la vague mondiale de terrorisme qui a culminé avec les attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis et toutes les répercussions qui en ont découlé. L'invasion de l'Afghanistan par une coalition dirigée par les États-Unis en 2001 et la montée en puissance de groupes terroristes soutenus par l'Iran en Irak après le renversement de Saddam Hussein en 2003, qui ont finalement conduit à la montée en puissance de Daesh, en sont des exemples.

Mohammed Al-Sulami dirige l'Institut international d'études iraniennes (Rasanah).

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com