La frustration de l’Iran était palpable concernant la déclaration finale présentée lors du sixième cycle de discussions stratégiques entre les pays du Conseil de coopération du Golfe et la Russie, qui s’est tenu récemment à Moscou. Le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré : « Nous ne reculerons pas sur la souveraineté et l’unité des territoires iraniens ». Il a précisé que son pays n’ignorerait pas la position de la Russie sur les trois îles émiraties occupées par l’Iran (Grande Tunb, Petite Tunb et Abu Musa) mentionnées dans la déclaration finale.
Amir-Abdollahian a été cité comme ayant déclaré que la déclaration finale « ne cessait d’évoquer des allégations concernant les trois îles iraniennes ».
Le ministère iranien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur russe à Téhéran, Alexei Dedov, pour lui remettre un mémorandum de protestation concernant le contenu de la déclaration finale de la réunion de Moscou entre la Russie et les pays du Conseil de coopération du Golfe.
Ali Reza Enayati, responsable des affaires du Golfe au ministère iranien des Affaires étrangères, a transmis à l’ambassadeur russe les objections de l’Iran concernant le contenu de la déclaration. Il a affirmé que « les trois îles iraniennes, Abu Musa, Grande Tunb et Petite Tunb, font éternellement partie du territoire iranien », exhortant la Russie à rectifier sa position à ce sujet, comme le rapporte l’agence de presse iranienne.
La déclaration finale a clairement soutenu « l’affirmation de leur soutien à tous les efforts pacifiques, y compris l’initiative des EAU et ses efforts, pour parvenir à une solution pacifique à la question des trois îles, Grande Tunb, Petite Tunb et Abou Moussa, par le biais de négociations bilatérales ou de la Cour internationale de justice, conformément aux règles du droit international et à la Charte des Nations Unies, afin de résoudre cette question conformément à la légitimité internationale ».
Ce texte totalement impartial s’aligne parfaitement sur la position de la Russie, qui souligne à plusieurs reprises son désir de renforcer la sécurité et la stabilité dans la région du Golfe. Il est évident que le soutien aux efforts de résolution des différends est une priorité pour la Russie dans cette situation.
Sans aucun doute, ce texte renvoie toute l’affaire au droit international, dont Téhéran se distancie, ce qui soulève des questions valables sur la légitimité de ses revendications sur ces îles. Les documents historiques et juridiques soutiennent tous la souveraineté des Émirats arabes unis sur ces îles.
La position de la Russie, qui a approuvé la déclaration contenant ce texte, est claire et directe. Cependant, l’Iran est bien conscient du caractère sensible de la position de la Russie, compte tenu de son implication dans une guerre féroce avec l’Ukraine, pleinement soutenue par les pays de l’OTAN. L’Iran comprend également la valeur que la Russie accorde au soutien continu de l’Iran à sa position et espère que la Russie lui rendra la pareille en rejetant l’adoption de ce texte. Néanmoins, la réalité ne correspond pas à la perception de l’Iran.
La Russie est une grande puissance dont les intérêts sont étroitement liés à ceux de diverses parties, y compris les pays du Conseil de coopération du Golfe. Elle ne peut pas risquer de mettre en péril ses intérêts avec ces pays pour apaiser l’Iran. D’autant plus que la déclaration appelle simplement l’Iran à se tourner vers la légitimité internationale pour résoudre le différend avec les Émirats arabes unis, avec lesquels la Russie entretient des partenariats stratégiques globaux tout aussi importants que ses relations avec Téhéran.
Ceux qui suivent les médias iraniens peuvent voir comment certains écrivains iraniens et d’anciens responsables dépeignent la position de la Russie comme une trahison. Ils comprennent que la colère vient du fait que la Chine et la Russie ont adopté la même position concernant les trois îles occupées.
Certains évoquent même la possibilité que l’Iran modifie sa position sur le plateau tibétain et Taïwan. Il semble que cet événement ait mis en lumière les contrastes marqués dans les relations iraniennes entre l’Est et l’Ouest. Il apparaît clairement que les partisans du rapprochement occidental n’ont pas renoncé à leurs exigences. En termes stratégiques, la partie iranienne aurait dû se rendre compte que la position neutre adoptée par les pays du Conseil de coopération du Golfe à l’égard de la guerre en Ukraine entraîne un changement notable et peut-être imprévu, même de la part de la Russie.
La décision d’adopter cette position a été prise après avoir soigneusement calculé les coûts stratégiques, tandis que le soutien de l’Iran à la Russie n’était pas inattendu. En toute objectivité, Téhéran a utilisé cette position politique dans le cadre de ses négociations avec les Etats-Unis pour revenir sur l’accord nucléaire signé en 2015.
La position de la Russie est claire et directe. Cependant, l’Iran est bien conscient du caractère sensible de la position de la Russie, compte tenu de son implication dans une guerre féroce avec l’Ukraine, pleinement soutenue par les pays de l’OTAN.
Dr. Salem AlKetbi, politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral
Evidemment, chaque geste de l’Iran à l’égard de la Russie met la pression sur l’Occident au cœur et au premier plan de ses objectifs. La Russie n’est pas loin de comprendre cette tactique, qui est d’ailleurs une approche légitime dans les relations internationales, utilisant des cartes de pression pour s’assurer que les États atteignent leurs objectifs et leurs intérêts.
Par conséquent, l’Iran, qui se tient fermement à la souveraineté nationale, ne devrait pas compter sur un traitement spécial de la part de quiconque au détriment de ses intérêts stratégiques.
Il est de notoriété publique que les intérêts stratégiques globaux actuels et prévus de la Russie avec les pays du Conseil de coopération du Golfe l’emportent largement sur ses intérêts avec l’Iran. Toutefois, cette question ne fait pas l’objet d’une comparaison ou d’une évaluation, car la Russie est déjà en train de forger des partenariats avec toutes les parties de la région du Golfe. Cette approche repose sur la recherche d’un équilibre qui permet d’éviter certaines questions sensibles qui persistent sur les deux rives du Golfe en raison de l’incapacité de l’Iran à déployer des efforts sincères et concluants en vue d’une désescalade régionale.
En tant qu’observateur, je ne vois aucune incohérence entre l’affirmation de l’Iran selon laquelle il dispose de documents et de preuves attestant de son droit de propriété sur les trois îles occupées et le recours à l’arbitrage international, qui peut régler la question sur la base des preuves et des documents présentés. De même, je ne vois pas de contradiction entre le fait de favoriser des relations amicales et coopératives dans le Golfe et le fait que les Émirats arabes unis affirment leur droit souverain sur les trois îles occupées. Le recours au droit international incarne le niveau le plus élevé des pratiques civilisées dans la résolution des différends et des conflits entre les nations.
Il est donc étrange que Téhéran considère cela comme une contradiction et pense que la reprise des relations signifie ignorer les droits légitimes des États et des peuples, en particulier lorsque l’Iran affirme qu’il n’y a pas de favoritisme dans les affaires souveraines.
En définitive, ces prises de position et ces avancées rapides montrent le triomphe de la diplomatie du Golfe qui a su s’ouvrir au monde et établir des relations équilibrées avec toutes les grandes puissances, garantissant ainsi un soutien solide aux préoccupations et aux intérêts stratégiques des pays du Conseil de coopération du Golfe et de leurs peuples.
Salem Alketbi est un analyste politique émirati. Il a été membre du Conseil national fédéral.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.