Entre Libye et Tunisie, le destin du migrant Pato a basculé en deux photos

Un migrant d'origine africaine s'effondre à son arrivée dans une zone inhabitée près d'Al-Assah, à la frontière entre la Libye et la Tunisie, le 30 juillet 2023. (Photo par Mahmud Turkia / AFP)
Un migrant d'origine africaine s'effondre à son arrivée dans une zone inhabitée près d'Al-Assah, à la frontière entre la Libye et la Tunisie, le 30 juillet 2023. (Photo par Mahmud Turkia / AFP)
Short Url
Publié le Samedi 05 août 2023

Entre Libye et Tunisie, le destin du migrant Pato a basculé en deux photos

  • Après sept ans en Libye, Pato, un migrant camerounais qui gagnait sa vie comme peintre, avait décidé de quitter Zouara, à 120 km à l'ouest de Tripoli, pour se rendre en Tunisie avec son épouse Fati et leur fille Marie
  • Ils sont interceptés une première fois le 13 juillet dans la ville tunisienne de Ben Guerdane, et renvoyés vers le désert libyen, sous un soleil de plomb

TRIPOLI, Libye : «C'était la dernière fois que nous étions heureux tous les trois», dit Pato, d'une voix terne, les yeux sur son téléphone portable où on le voit avec sa femme et sa fille, sourires insouciants aux lèvres.

Quelques mois plus tard, une autre photo a fait voler en éclats la vie de Mbengue Nyimbilo Crepin, un migrant camerounais en Libye, surnommé Pato.

Un ami lui montre sur Internet un terrible cliché de sa femme ivoirienne, Fati Dosso, 30 ans, et de leur fille, Marie, 6 ans, dont il a été séparé lors d'un périple à travers le désert entre Tunisie et Libye, leurs corps gisant dans le sable, blotties l'une contre l'autre. C'était le 19 juillet.

Après sept ans en Libye, Pato qui gagnait sa vie comme peintre, avait décidé de quitter Zouara, à 120 km à l'ouest de Tripoli, pour se rendre en Tunisie avec Fati et Marie. Faute de papiers en règle, ils ne pouvaient pas se présenter au poste-frontière.

Mais, contrairement aux milliers de migrants qui cherchent à émigrer clandestinement, traverser la Méditerranée à partir du littoral tunisien pour rejoindre l'Italie n'était pas l'objectif de Pato et les siens.

Leur priorité était de scolariser Marie dans une école «où l'on parle français» parce que la petite, «depuis qu'elle est née, n'a jamais été à l'école», raconte son papa à l'AFP quelque part dans la banlieue de Tripoli, soulignant que d'autres Africains disaient que c'était possible en Tunisie.

Ils sont interceptés une première fois le 13 juillet dans la ville tunisienne de Ben Guerdane, et renvoyés vers le désert libyen, sous un soleil de plomb. Ils repartent dans la nuit vers la Tunisie.

Au petit matin, Pato, Fati et Marie, qui n'ont pas bu depuis 24 heures, croisent une femme et lui demandent de l'eau. Elle les envoie à la mosquée, mais cinq minutes plus tard, la police tunisienne débarque.

- «Frappés et fouillés» -

La petite famille est emmenée à un poste de police où se trouvent «une dizaine d'autres Subsahariens interceptés par la police», selon Pato.

«Ils nous ont frappés et fouillés, nous étions assis sur le sable au soleil», avant d'être transportés vers un autre poste «où ils nous ont battus en disant qu'ils allaient nous renvoyer en Libye», dit-il, indiquant qu'il y avait un autre groupe d'«une trentaine de Subsahariens».

«On nous a pris nos téléphones qu'ils ont cassés devant nous et nos pièces d'identité», dit-il. Ensuite, Pato, sa famille et d'autres Africains sont conduits en camion à la frontière.

«Ils nous ont abandonnés à côté d'une tranchée, en disant de traverser et d'aller tout droit vers la Libye. Ils nous ont menacés avec des armes», dit-il.

Dans le désert, ajoute Pato, «j'étais à bout de forces. Ça faisait quatre jours que nous marchions, sans manger ni boire. Je me suis écroulé. Nous pleurions tous les trois. Ma femme m'a demandé d'essayer de me lever et de continuer».

Pato parvient à convaincre Fati de poursuivre sa route pour «essayer de sauver au moins l'enfant». «Je sentais que c'était fini pour moi. J'ai demandé à ma femme de partir et me laisser».

Plus de deux semaines ont passé mais la douleur reste insupportable pour Pato.

La terrible photo des corps de Fati et Marie a fait le tour du monde, au moment où des organisations humanitaires et l'ONU dénonçaient «l'expulsion de migrants» aux frontières avec la Libye et l'Algérie, malgré de vives dénégations des autorités tunisiennes.

L'histoire de Pato est en réalité distincte: il ne fait pas partie des centaines d'Africains présents en Tunisie, chassés de la ville portuaire Sfax -- épicentre de l'émigration vers l'Italie -- après une rixe ayant causé la mort d'un Tunisien le 3 juillet.

Plusieurs ONG ont documenté ensuite l'abandon par les forces tunisiennes de centaines d'Africains (au moins 1.200, selon HRW) dans des zones inhospitalières aux frontières libyenne et algérienne. Des médias dont l'AFP ont recueilli de nombreux témoignages côté libyen.

Un porte-parole de l'ONU a dénoncé mardi «l'expulsion de migrants (...) de Tunisie vers les frontières avec la Libye et l'Algérie».

La famille de Pato s'est retrouvée en fait au mauvais endroit au mauvais moment.

- «Plus envie de rien» -

Pato a survécu grâce à deux Soudanais qui lui ont donné de l'eau, mais Fati et Marie, perdues dans l'immensité désertique, sont mortes de soif.

Leur histoire donne un visage aux 24 corps découverts, selon un bilan de sources humanitaires, dans le désert libyen depuis début juillet.

«J'ai pensé à me suicider à plusieurs reprises», lâche-t-il, sans émotion.

Aujourd'hui, Pato qui n'a plus de famille au Cameroun, est en contact avec le HCR et Médecins sans frontières pour obtenir le statut de demandeur d'asile et un soutien psychologique.

Pour aller de l'avant, il puise dans les souvenirs des jours heureux avant le drame. Il se rappelle notamment comment Fati, sa «source de motivation», lui disait: «ne te décourage pas, nous allons atteindre nos objectifs».

«Elles sont parties avec mon âme. Je n'ai plus envie de rien.»


Les Houthis font état de quatre morts dans des frappes attribuées aux Etats-Unis

Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain. (AFP)
Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain. (AFP)
Short Url
  • Selon les médias houthis, des frappes américaines ont visé dans la nuit plusieurs localités sous contrôle des rebelles houthis, soutenus par l'Iran, notamment des infrastructures hydrauliques dans le gouvernorat de Hodeida
  • Trois raids ont également été rapportés dans le gouvernorat de Hajjah (nord-ouest) et trois autres dans le bastion du groupe rebelle, Saada, dans le nord du Yémen

SANAA: Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain.

"Le bilan de l'agression américaine qui a visé mardi soir le bâtiment de la gestion de l'eau dans le district d'al-Mansouriyah, dans le gouvernorat de Hodeida, est monté à quatre morts et trois blessés", a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé houthi, Anis Alasbahi.

Selon les médias houthis, des frappes américaines ont visé dans la nuit plusieurs localités sous contrôle des rebelles houthis, soutenus par l'Iran, notamment des infrastructures hydrauliques dans le gouvernorat de Hodeida.

Trois raids ont également été rapportés dans le gouvernorat de Hajjah (nord-ouest) et trois autres dans le bastion du groupe rebelle, Saada, dans le nord du Yémen. Les Etats-Unis n'ont pas confirmé avoir mené ces frappes.

Le 15 mars, Washington a annoncé une nouvelle offensive militaire, promettant de recourir à une force écrasante tant que les rebelles continueront de viser des navires circulant sur les routes maritimes clefs de la mer Rouge et du golfe d'Aden.

"Les frappes contre les Houthis ont été incroyablement efficaces", a déclaré mardi la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt, précisant qu'il y avait eu "plus de 200 frappes réussies contre les Houthis".

Les frappes américaines visent à neutraliser les menaces des Houthis en mer Rouge, une zone maritime essentielle pour le commerce mondial, où les rebelles yéménites ont mené de nombreuses attaques depuis fin 2023 affirmant s'en prendre à des navires liés à Israël, en solidarité avec les Palestiniens.

Les Houthis ciblent également les navires de guerre américains au large du Yémen. Ils ont affirmé tôt mercredi avoir mené une attaque contre le porte-avions Harry S. Truman, "la troisième en 24 heures", selon leur porte-parole militaire, Yahya Saree.

De leur côté, les Etats-Unis ont annoncé mardi l'envoi d'un deuxième porte-avions au Moyen-Orient, le Carl Vinson, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région".

Le Pentagone n'a pas précisé de date ni la zone où navigueront les deux groupes aéronavals.

Le président Donald Trump a assuré lundi sur son réseau Truth Social que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran". "Nos attaques continueront jusqu'à ce qu'ils ne soient plus une menace pour la liberté de navigation", a encore écrit le président américain.

 


Les Etats-Unis envoient un deuxième porte-avions au Moyen-Orient 

Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué. (AFP)
Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué. (AFP)
Short Url
  • Cette annonce survient alors que les Houthis, rebelles yéménites soutenus par l'Iran, ont revendiqué le mois dernier des attaques contre le porte-avions Harry S. Truman en mer Rouge
  • Washington, qui a procédé ces dernières semaines à des frappes au Yémen, n'a pas confirmé ces attaques

WASHINGTON: Les Etats-Unis envoient un deuxième porte-avions au Moyen-Orient, a annoncé mardi le porte-parole du ministère de la Défense Sean Parnell, évoquant la protection des flux commerciaux.

Cette annonce survient alors que les Houthis, rebelles yéménites soutenus par l'Iran, ont revendiqué le mois dernier des attaques contre le porte-avions Harry S. Truman en mer Rouge. Washington, qui a procédé ces dernières semaines à des frappes au Yémen, n'a pas confirmé ces attaques.

Les Houthis visent la navigation commerciale en mer Rouge depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023.

Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué.

Le ministère n'a pas précisé où exactement navigueraient les deux groupes aéronavals.

Parallèlement, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a ordonné le déploiement dans la région "d'escadrons additionnels et d'autres actifs aériens qui renforceront nos capacités défensives de soutien aérien", selon M. Parnell.

La marine américaine compte une dizaine de porte-avions.

 


Trump s'entretient avec Sissi des Houthis et de Gaza

L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient". (AFP)
L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient". (AFP)
Short Url
  • Lundi, Donald Trump avait assuré que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran", alors que les Etats-Unis ont déjà mené plusieurs frappes contre les rebelles du Yémen
  • Donald Trump a indiqué mardi s'être entretenu avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, évoquant un appel téléphonique qui s'est "très bien passé"

WASHINGTON: Donald Trump a indiqué mardi s'être entretenu avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, évoquant un appel téléphonique qui s'est "très bien passé".

"Nous avons abordé de nombreux sujets, notamment les progrès militaires considérables que nous avons réalisés contre les Houthis au Yémen qui détruisent les navires", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social.

Il n'a pas précisé quand cet appel a eu lieu.

Lundi, Donald Trump avait assuré que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran", alors que les Etats-Unis ont déjà mené plusieurs frappes contre les rebelles du Yémen.

Rapidement après le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023, les rebelles houthis du Yémen, soutenus par l'Iran et affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens, ont mené des dizaines d'attaques de missiles contre Israël et en mer Rouge - zone essentielle pour le commerce mondial - contre des navires auxquels ils reprochent des liens divers avec Israël.

Le président américain a également dit avoir discuté avec le dirigeant égyptien de "Gaza et des solutions possibles, de l'état de préparation militaire, etc".

Israël a repris sa campagne militaire le 18 mars avec d'intenses bombardements et une nouvelle offensive au sol, rompant deux mois de trêve avec le Hamas, entrée en vigueur le 19 janvier.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour la bande de Gaza a annoncé mardi que 1.042 personnes avaient été tuées depuis la reprise le 18 mars des bombardements israéliens sur ce territoire palestinien.

L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient".