ISLAMABAD: Kristin Harila, co-détentrice du record du monde des 14 sommets de plus de 8.000 mètres gravis le plus rapidement, aspire désormais à une "vie normale" après avoir atteint son objectif d'ouvrir la voie aux femmes dans l'alpinisme de l'extrême.
La Norvégienne de 37 ans et son guide népalais Tenjin Sherpa ont escaladé en trois mois et un jour les 14 sommets les plus hauts du monde dont le dernier, le K2 situé dans l'Himalaya pakistanais, jeudi.
Cet exploit leur a permis de pulvériser le record de six mois et six jours détenu par le Britannique d'origine népalaise Nirmal Purja depuis 2019.
"Je n'ai pas trop pensé au record... Moi, je voulais changer quelque chose", explique Kristin Harila en évoquant sa discipline dominée par les hommes.
"Si vous regardez l'histoire, vous verrez qu'il n'y a eu que des hommes. Et je pense que pour que cela change, il faut que nous ayons des figures et que occupions l'espace".
Plus de 40 personnes ont atteint les 14 sommets les plus élevés du monde, dont seulement quelques femmes.
Kristin Harila, qui s'est fait confectionner une combinaison sur mesure parce qu'aucune n'était adaptée à sa fine carrure, espère que son succès aidera d'autres femmes à attirer l'attention et à obtenir un soutien financier pour relever de tels défis.
Un sommet tous les 5 à 6 jours
Kristin Harila s'est entretenue dimanche soir avec l'AFP à Islamabad, après une nuit passée au camp de base du K2 d'où elle est redescendue en hélicoptère, épuisée par un rythme intense à raison d'un sommet tous les cinq à six jours durant les trois derniers mois.
"Cela peut être très, très difficile. Parfois, je suis super fatiguée. Vraiment super fatiguée, j'ai l'impression de m'endormir", confie l'alpiniste après avoir pris sa première douche depuis des semaines.
"Parfois, vous passez de très bonnes journées et vous profitez du beau temps et de vos amis. Et parfois, je suis vraiment malade, je vomis beaucoup et j'ai mal au ventre", raconte-t-elle.
Originaire de Vadso, en mer de Barents dans l'extrême nord de la Norvège, ce n'est qu'en 2015 que Kristin Harila a réalisé sa première véritable ascension lors d'un voyage au Kilimandjaro, en Tanzanie.
Elle a depuis démontré une détermination sans faille, abandonnant son emploi dans une chaîne de magasins de meubles et vendant son appartement pour financer en partie l'expédition, avant de recevoir l'aide de sponsors.
La trentenaire avait prévu de battre ce record l'année dernière, mais elle a mis des mois à obtenir les visas chinois pour les deux dernières montagnes. Trop tard. Le seul moyen de réaliser l'exploit était de refaire l'ascension des douze premières montagnes.
"Bien sûr, j'ai été très déçue l'année dernière de ne pas avoir obtenu le permis, mais je me sui immédiatement dit +Ce n'est pas grave, je recommencerai l'année prochaine+".
Mais les conditions météorologiques étaient plus difficiles cette année. Avec un K2 recouvert d'une épaisse couche de neige et des grimpeurs formant un goulot d'étranglement, elle a presque triplé son temps dans l'étape finale de l'ascension, passée de cinq heures à 14 heures.
Et au sommet, elle a eu peu de temps pour savourer son exploit, en raison du risque d'avalanche et de la diminution de ses réserves d'oxygène.
"Quand je réalise que nous allons atteindre le sommet, je pleure un peu... Mais nous savions aussi que les conditions étaient très difficiles et que nous devions redescendre", dit-elle.
Finis les 8.000 mètres
L'alpiniste est ravie de partager le record avec Tenjin Sherpa, guide depuis l'âge de 16 ans qu'elle a rencontré lors de sa première tentative de record en 2022. "Il ne parlait pas beaucoup l'anglais, à peine quelques mots. Et je parle quelques mots de népalais, et pourtant nous nous comprenions parfaitement", se souvient-elle. "Il a été extraordinaire. Nous avons veillé l'un sur l'autre".
Aujourd'hui, l'alpiniste a l'intention de se réinstaller en Norvège et d'interpeller les entreprises spécialisées dans le sport sur leur piètre bilan en matière de sponsoring des femmes athlètes.
Elle prévoit de reprendre la course à pied et vivre à un rythme moins soutenu.
"Pour moi, le plus dur a été d'être aussi loin de ma famille et de manquer Noël et les anniversaires. Ma grand-mère est décédée et je n'ai pas pu être là", dit-elle.
"Je vais rentrer chez moi pour avoir une vie normale, vivre avec mon petit ami, avoir des enfants, me marier. J'en ai fini avec les 8.000 mètres", assure-t-elle.