KHAR, Pakistan: Le bilan de l'attentat suicide commis dimanche au Pakistan lors d'un meeting politique à quelques mois des élections et revendiqué par le groupe Etat islamique ne cesse de s'alourdir pour atteindre au moins 54 morts dont de nombreux mineurs.
Quelque 400 sympathisants du parti religieux conservateur Jamiat Ulema-e-Islam (JUI-F), allié clef de la coalition gouvernementale, attendaient le début des discours lorsque l'auteur de l'attentat s'est fait exploser près de la scène.
Un haut responsable du département de lutte contre le terrorisme (CTD) Shaukat Abbas, a annoncé à l'AFP que 54 personnes avaient été tuées, dont 23 étaient âgées de moins de 18 ans. Plus d'une centaine ont été blessées.
"J'ai vécu des scènes terribles: des corps sans vie éparpillés sur le sol tandis que les gens criaient à l'aide", a raconté à l'AFP Fazal Aman, qui se trouvait près du lieu de l'explosion.
L'attentat s'est produit dans la ville de Khar, dans le district de Bajaur (nord-ouest), à 45 kilomètres de la frontière afghane.
Lundi, l'État islamique a revendiqué l'attentat. "Un kamikaze de l'État islamique a fait détoner sa veste explosive au milieu de la foule" à Khar, a déclaré Amaq, l'organe d'information du groupe djihadiste, dans un communiqué.
La section locale du groupe Etat islamique a déjà pris pour cible des rassemblements et des dirigeants du JUI-F.
«Je perds courage»
Lundi, des chaussures et des bonnets de prière tachés de sang jonchaient toujours le sol, ainsi que des boulons en acier et des roulements à billes provenant de la veste portée par l'auteur de l'attentat.
Des morceaux de chair humaine restaient visibles, à trente mètres de l'endroit où le kamikaze a fait exploser son dispositif.
Des milliers de personnes ont assisté lundi aux premières funérailles, notamment celles de deux cousins âgés de 16 et 17 ans.
"Il n'a pas été facile pour nous de soulever deux cercueils. Cette tragédie a brisé notre famille", a déclaré Najib Ullah, frère de l'un des garçons.
Cet attentat fait craindre une période électorale sanglante au Pakistan, qui connaît une grave crise politique depuis l'éviction du Premier ministre Imran Khan de son poste en avril 2022.
Le gouvernement pakistanais doit être dissous dans les deux prochaines semaines et des élections sont prévues d'ici la mi-novembre.
Le dirigeant du JUI-F, Fazlur Rehman, fondamentaliste islamiste prônant l'application de la charia, a ces dernières années tenté de se montrer plus modéré en forgeant des alliances avec des rivaux laïques.
Par le passé, il a facilité les pourparlers entre le gouvernement et les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), un groupe distinct des talibans afghans mais mû par une même idéologie islamiste.
L'an passé, l'EI a dit être à l'origine d'attaques contre des érudits religieux affiliés à ce parti, qui dispose d'un vaste réseau de mosquées et d'écoles coraniques dans le nord et l'ouest du pays.
L'EI accuse le JUI-F d'hypocrisie pour avoir soutenu les gouvernements successifs et l'armée.
Pourquoi une telle violence?
Malgré sa capacité à mobiliser des dizaines de milliers d'étudiants religieux, le JUI-F n'a jamais rassemblé suffisamment de soutiens pour diriger seul mais est un allié-clef pour former toute coalition.
"Il est important de se demander pourquoi les militants d'un parti politique à tendance religieuse ont pu faire l'objet d'une violence aussi bestiale", a noté le quotidien Dawn dans un éditorial lundi.
"Quelle que soit la vision ultraconservatrice du monde du JUI-F, le parti a choisi de participer aux élections et d'agir dans le cadre des paramètres fixés par la Constitution pakistanaise".
"L'État n'a pas assumé ses responsabilités. Je pense que l'État a échoué, quel que soit le gouvernement en place", a déclaré Shams uz Zaman, un responsable local du JUI-F, après l'attentat.
L'explosion est "une tentative d'affaiblir la démocratie", a réagi une porte-parole du chef de la politique étrangère de l'UE, Joseph Borrell.
Les attaques au Pakistan ont augmenté depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021, puis la fin du cessez-le-feu entre le groupe taliban pakistanais Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) et le gouvernement pakistanais fin novembre.